On l'a vu pour le logement social où règne la pénurie : la loi Dalo, entrée en vigueur depuis le 1er janvier, est un bide, non seulement parce que le parc disponible est totalement insuffisant (600.000 demandeurs prioritaires contre 60.000 logements attribuables à l'année) et le manque de moyens flagrant (en particulier informatique), mais surtout parce que la population concernée, déjà fragilisée — et dont la plupart n'est pas dupe, ou très mal informée —, a autre chose à faire que se colleter des tracasseries supplémentaires (car si la «commission de médiation» échoue, il faut ensuite, au bout de plusieurs années, saisir le tribunal administratif afin d'obtenir condamnation de l'Etat).
D'un côté, on a des pouvoirs publics qui se désengagent de leurs missions essentielles, c'est-à-dire œuvrer au bien-être de tous les citoyens grâce, notamment, à l'impôt. De l'autre, un gouvernement qui restitue de l'argent aux plus riches et instaure pour les autres un «droit opposable» poudre-aux-yeux pour faire croire au bon peuple qu'on va s'occuper de lui alors que ce n'est qu'un parcours du combattant de plus... Voilà où en est notre République !
Mais qu'est-ce qu'un «droit opposable» ? Voici la définition d'un rédacteur d'AgoraVox : «Un droit opposable est un droit que l’Etat accorde à ses administrés mais qui, au lieu de ne jamais rentrer dans les faits comme c’est malheureusement le cas souvent, peut être, après une durée définie de non-exécution, réclamé en Justice par ledit administré. L’Etat ou les collectivités locales seront alors tenues de s’exécuter ou, je suppose, pourront être condamnés à des compensations financières lourdes pour cette non-exécution.»
Droit opposable, l'imposture sarkozyenne dans toute sa splendeur
Et voici que des revendications de «droits opposables» jaillissent là où les pénuries font rage : le «droit opposable à l'alimentation», ou le «droit opposable à l'emploi» suggéré par des chômeurs ulcérés qui tombent dans ce nouveau panneau sémantique (mais ce «droit opposable»-là n'est pas une priorité puisque, plus que jamais, le gouvernement les soupçonne d'être les seuls responsables de leur situation et estime qu'ils ont désormais plus de «devoirs» que de «droits»)...
Et bientôt, une autre promesse présidentielle : instaurer un «droit opposable à la garde d’enfants» d'ici 2012 ou 2015 alors que le déficit de places est actuellement estimé à 320.000. Autant dire que les parents qui galèrent pourront continuer… de galérer. Leur offrir la possibilité de consacrer un temps précieux à faire appel à la justice pour obtenir enfin une solution de garde, quel gigantesque progrès social !
Surtout, selon le rapport pondu à cet effet par la députée UMP Michèle Tabarot, le cumul emploi retraite développé dans le «plan seniors» prend ici tout son sens : les retraités vont être sollicités et pourraient devenir des «papys et mamies sitters» à temps partiel ou complet. Comme pour les infirmières dont il est question d'alléger la liste des actes afin de confier certaines tâches à des personnes moins qualifiées, moins formées et moins payées, en ce qui concerne les métiers de la petite enfance comme ceux du grand âge, la volonté de l'Etat n'est pas de les valoriser en créant des emplois qualifiés — bien au contraire — mais de faire avec des bouts de ficelle pour en minimiser le coût. Sa seule réponse à la pénurie — qu'il a organisée — est donc la déqualification.
On voit bien que ces «droits opposables» sont des pis-aller dont les intentions réelles visent non seulement à couvrir le désengagement de l'Etat à tous les niveaux, mais surtout à inscrire des revendications citoyennes dans une logique de plus en plus individualisante.
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