Livonia, quartier de la banlieue ouest de Detroit. Sur 8 Mile Road, dont le nom n’est pas sans rappeler le film de Curtis Hanson mettant en scène le rappeur Eminem, se dresse un centre commercial devant lequel le parking affiche complet. «Ils vont tous au même endroit», lance, dépité, le responsable du snack-bar en pointant du doigt l’Unemployment Insurance Agency (UIA), une agence pour les chômeurs. A l’intérieur, une cinquantaine de personnes, assises en rang d’oignons, attendent leur tour. D’autres restent debout en espérant qu’une place se libère.
Dan Vandyke, qui travaillait en tant qu’ingénieur indépendant auprès de General Motors, est sans emploi depuis trois mois. Selon l’UIA, il peut bénéficier des allocations chômage, mais n’a encore rien touché. Après avoir téléphoné à plusieurs reprises sans réussir à joindre un interlocuteur, il a préféré se déplacer. «De 8 heures à 16 heures, c’est le même message. A quoi ça sert de donner ce numéro ?» s’emporte-t-il. Dan est arrivé en milieu de matinée à l’agence pour essayer de faire avancer son dossier.
La barre symbolique des 10 millions de chômeurs dépassée
Pour faire leur demande d’allocations, les chômeurs s’enregistrent via un service téléphonique ou par le site Internet de l’UIA. «Personnellement, je n’y comprends rien à ce formulaire», commente Kristin Seefeldt, chercheuse à l’université de Michigan pour le Centre national de lutte contre la pauvreté (Center for National Poverty).
«La majorité des sans-emplois touchent leurs allocations dans un délai de trois semaines», tient à préciser Shaun Thomas, l’un des directeurs de cette agence, qui précise que ce centre n’est que l’ultime recours pour ceux qui ont rencontré des problèmes au cours de leur demande. L’UIA constate une hausse de 28% des inscriptions sur le mois de novembre par rapport à l’année précédente. «On observe toujours une hausse du chômage sur les deux derniers mois de l’année», poursuit Shaun Thomas qui prévoit encore une augmentation du taux de chômeurs sur les mois à venir.
Selon les derniers chiffres publiés par Bureau of Labor Statistics, le nombre des chômeurs aux Etats-Unis en novembre dépasse à présent la barre symbolique des 10 millions. Ils sont aujourd’hui 10,3 millions soit 2,7 millions de plus qu'au début de l'année. Selon les derniers chiffres recensés par l’Etat, le Michigan enregistre, avec le Rhode Island, le taux de chômage le plus élevé du pays avec 9,3% de demandeurs d’emplois sur octobre. Selon les économistes, ce chiffre pourrait dépasser la barre des 10% courant 2009.
Je suis le numéro 830
«Numéro 720», lance une des trois conseillères depuis son guichet. «C’est pas possible ! vitupère Dan Vandyke. Je suis parti manger pendant 1h30, et il n’y a que vingt personnes qui sont passées. Cela ne sert à rien que j’attende, je ne passerai jamais aujourd’hui. Je suis numéro 830.»
L’UIA, qui dépend du Michigan, ne compte que six agences de ce type pour 456.906 chômeurs dans l’Etat. «Pourquoi ils n’engagent pas plus de gens ? Pourquoi n’y a-t-il que quatre ordinateurs pour les 150 personnes qui attendent ?» s’emporte Jason Middletown, assistant médical au chômage depuis deux mois. En 2003, Jason avait déjà connu une période difficile. Sans emploi, il avait dû attendre sept mois avant de percevoir ses allocations. Il avait alors demandé des tickets de rationnement, proposés par l’Etat fédéral. «Mais comme, normalement, j’étais apte pour bénéficier des allocations chômage, on m’avait dit que je devais rembourser les bons d’achat. Vous trouvez ça normal ?» Jason a finalement refusé de les prendre. Cette année, l’UIA tarde encore à lui verser ses allocations chômage. «Le système ne marche pas !» peste-t-il.
L’UIA distribue l’allocation chômage selon des critères bien définis. Dans le Michigan, le montant ne peut dépasser 362 dollars par semaine, une somme inférieure à la moyenne nationale. Kristin Seefeldt juge également que la procédure n’est plus adaptée au marché du travail. «Il ne concerne que ceux qui ont travaillé pendant une longue période de temps ou à temps plein. Donc quand tu travailles à mi-temps, ce qui est de plus en plus fréquent de nos jours, tu ne peux pas prétendre aux allocations.»
Faut bien qu’on mange
Autre ombre au tableau : l’allocation est versée sur une durée de 14 à 26 semaines. Or, la proportion de chômeurs de longue durée (plus de 27 semaines) est désormais de 2,2 millions, ce qui représente une augmentation de plus de 65% depuis le début de l'année. Pour pallier cette lacune, le président George W. Bush a annoncé, en novembre, une extension de la durée de cette allocation à 20 semaines, puis la possibilité de le renouveler sur 13 semaines. Ce versement, qui doit être mis en place la semaine prochaine, sera versé par l’Etat fédéral.
«On vient à chaque fois pour rien. T’attends mais tu n’es jamais reçu ! Comment on fait alors ? Faut bien qu’on mange, en plus il y a les fêtes de Noël», s’exclame Jason Middletown. L’ancien assistant médical devrait s’en sortir : il a trouvé un poste de gardien de prison dans le Wyoming. «Il n’y a pas de travail dans le Michigan, il faut se faire une raison, constate-t-il. Le problème, c’est que les gens les moins aisés n’ont pas les moyens de partir.»
A 15 heures, alors que les portes de l’agence ferment, le numéro 740 est appelé. Seuls les plus patients ont le courage d’attendre. Dan Vandyke et Jason Middletown, lassés comme beaucoup d’autres, préfèrent partir. Ils reviendront demain tenter leur chance.
(Source : France24)
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