René Monory, fils unique d'un mécanicien compagnon du tour de France et d'une employée de ferme qui avait commencé à travailler à 9 ans, a lui-même débuté à 16 ans comme apprenti dans le petit garage paternel. Muni d'un simple certificat d'études mais doué en affaires, il a bénéficié d'un «ascenseur social» qui fonctionnait à plein : l'ambitieux jeune entrepreneur est devenu maire de sa ville, puis conseiller général, puis sénateur, puis ministre de l'Industrie, de l'Economie, de l'Education, puis président du Conseil général de la Vienne... Un parcours «exemplaire», digne des grands principes républicains. Qualifié d’«humaniste», de l'huile de vidange aux ors du Palais du Luxembourg, le «garagiste de Loudun» — surnom dont l'affublèrent les élites bourgeoises et qui lui a toujours collé à la peau — fut un autodidacte, et son irrésistible ascension est le reflet d'un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître...
Vous êtes maintenant déconnecté !
En effet, de nos jours, combien peuvent se vanter d'être des élus issus d'un milieu «populaire» ? Qui considère aujourd'hui qu'entrer par la petite porte et arriver au sommet est un parcours aussi sain, logique que bénéfique ? Combien de politiques, de dirigeants d'entreprises ou de «managers» se sont hissés à leurs postes sans être passés par des grandes écoles qui les ont inexorablement formatés, éloignés du terrain et de toute base humaine ? Pourquoi, chez eux, un âge avancé est-il signe de respectabilité alors que, partout ailleurs, il est un critère d'obsolescence ?
Pourquoi, pour travailler dans une banque, faut-il être minimum Bac+3 alors qu'autrefois un CAP suffisait ? Laisse-t-on seulement une chance aux profils «atypiques», aux «autodidactes» dans les procédures de recrutement actuelles ? Quand cessera la surenchère des études et des diplômes qui, par leur imbécile tyrannie, interdit à ces profils de prétendre à autre chose que des boulots asservissants doublée d'une stagnation professionnelle, à moins de flatter régulièrement l'ego de leurs supérieurs hiérarchiques ? Quand reviendra le temps où ceux qui ont du potentiel pourront vraiment réussir, même s'ils osent dire non et aller à contre-courant, même s'ils ne sont pas nés avec une cuiller en argent dans la bouche ?
La planète des singes
Mais, comme disait la pub Mc Cain, «c'est ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins» : ainsi va le marketing de «l'égalité des chances» et son cuisant aveu d'échec, la «discrimination positive», slogan qui n'a, d'ailleurs, pas fait long feu.
Par sa mort, René Monory, peu connu des nouvelles générations et qui, lui-même, fuyait les «dîners en ville», nous rappelle que ce monde tourne de moins en moins rond, que la démocratie, la représentativité et la diversité s'effacent au profit d'une oligarchie plus ou moins glamour, de moins en moins brillante, de plus en plus déconnectée du monde réel, mais qui tient pourtant les rênes de notre économie et de nos vies.
Les vrais talents sont ailleurs, placardisés. Fut un temps où, modeste mais talentueux, on pouvait assouvir ses désirs de revanche sociale — comme René Monory ? — ou, tout simplement, réaliser ses rêves. Quelle maison de disque signerait aujourd'hui des artistes comme Alain Bashung ou Leonard Cohen ? Bienvenue dans une ère où l'origine sociale, la capacité de soumission et de racolage effacent le talent et la volonté : désormais, on juge et on promeut les individus non sur leurs compétences, leur originalité et leur richesse humaine, mais sur leur aptitude à fermer les yeux sur ce qui les entoure, à écraser les autres et à renier durablement ce qu'ils sont. TF1, Photoshop, leurs clones et leurs moutons sont les nouveaux parvenus. C'est ça, la «modernité» ! René Monory, que tout le monde honore avant de l'enterrer, est, finalement, un regrettable archaïsme.
SH
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