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Relativement épargné jusqu’à maintenant, le dernier bastion de la classe ouvrière française, l’industrie automobile, est en passe de rompre. Les plans sociaux annoncés ces derniers mois concernent très majoritairement les sous-traitants : Faurecia, Bosch, Valeo, Heuliez, Plastic Omnium… qui travaillent pour les grands constructeurs. L’année 2009 devrait se solder par plusieurs dizaines de milliers de destructions d’emplois directs et indirects dans ce secteur.
Qui rêve encore de travailler à l’usine ?
Faut-il se lamenter ou se réjouir de la disparition de cette classe ouvrière souvent victime de conditions de travail pénibles et de salaires aux minima ? Après tout, des générations d’ouvriers se sont battues pour offrir d’autres perspectives professionnelles à leurs descendants que celle de pointer à l’usine. Qui est assez naïf pour croire qu’un métallo, un ouvrier spécialisé ou une petite main du textile envisage avec enthousiasme l’avenir de ses enfants dans les hauts-fourneaux de Lorraine, dans les filatures du Nord ou sur les chaînes de montage de Montbéliard ?
La fermeture d’une usine n’a pas pour seule conséquence le chômage de ses employés : Leurs descendants seront, eux aussi, contraints de bosser ailleurs. Cette évolution forcée semble a priori plutôt bénéfique à celles et ceux qui n’avaient pas d’autres perspectives que de succéder à leurs parents devant la machine outil ou le métier à tisser. Car, immanquablement, ces «chanceux» qui auront échappé à l’usine, devront trouver du travail ailleurs, dans d’autres secteurs moins contraignants, moins harassants, plus valorisants parfois.
Les ouvriers sont-ils à ce point satisfaits de leurs conditions de travail, de leurs salaires et de leurs tâches répétitives, qu’ils seraient prêts à tout pour défendre leur outil de travail ? Non ! La preuve : Quand ils «séquestrent» leurs dirigeants, c’est moins pour s’opposer à la fermeture de leur usine que pour obtenir des conditions de départ plus avantageuses (prime plus conséquente ou formation qualifiante). S’ils avaient pu se passer de leur boulot à l'usine, et faire autre chose, il y a belle lurette qu’ils auraient rendu leur bleu de travail.
Débarrassons-nous définitivement des emplois bêtifiants !
Peut-on déduire de cette «brillante démonstration» que, tout compte fait, cette crise qui conduit à la fermeture des usines françaises, est une opportunité de se débarrasser une bonne fois pour toutes des emplois les plus pénibles, tout en donnant à d’autres la possibilité de sortir du sous-développement et de la misère, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud ?
Dans 20 ans, la France ne sera plus qu’un vaste supermarché où s’échangeront des marchandises fabriquées ailleurs. C’est en bonne voie ! Qu’y a-t-il de plus gratifiant que d’acheter des produits que d’autres s’échinent à fabriquer à la sueur de leur front, à la rugosité de leurs mains, loin de chez nous ?
Les Chinois, les Indiens, les Pakistanais, les Brésiliens… veulent produire toujours plus ? Qu’ils produisent en nombre et pour pas cher surtout ! Nous, nous avons autre chose à faire de nos vies que de trimer à l’usine !
Un monument à la gloire de l’Ouvrier inconnu
Alors, cette crise en est-elle vraiment une ? Ne devrions-nous pas plutôt louer l’éradication de ces emplois bêtifiants, de ces conditions de travail dignes d’un autre âge et de ces salaires au rabais ? Sommes-nous en passe de gravir un nouvel échelon de l’évolution qui, depuis plus d’un siècle, tend à l’amélioration des conditions d’existence et d’espérance de vie ? (Du Alain Minc, du Jacques Attali ou du Marc Touati dans le texte…).
Certes, quelques dizaines de milliers d'ouvriers vont payer au prix fort cette mutation, mais leur sacrifice va délivrer des centaines de milliers d’autres de l’asservissement du travail en usine.
Un jour, nous érigerons un monument à la gloire de la classe ouvrière disparue. Y brûlera une flamme, celle de l’Ouvrier inconnu sacrifié pour la bonne cause : La restructuration de l’économie française et ses corollaires, chômage de masse et précarité. La Patrie reconnaissante !
Yves Barraud
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Commentaires
Une conclusion un peu hâtive.
Je pense que ces gens savent qu'ils ne pourront pas créer un rapport de force suffisant qui permettrait de sauvegarder leur emploi.
(ce n''est pas une mobilisation dans une seule usine qui le pourrait)
On voit souvent des larmes dans les yeux de ces travailleurs qui ont travaillé des dizaines d'années dans la même usine et qui savent que cela va s'achever
On peut se réjouir de la disparition des emplois abrutissants.
Mais que va-t-il rester comme emplois en France?
Faire la boniche et le jardinier pour des très riches et la classe moyenne supérieure?
Je ne suis pas sûr qu'on en ait fini avec les boulots abrutissants. Répondre | Répondre avec citation |
"Y brûlera une flamme, celle de l’Ouvrier inconnu sacrifié pour la bonne cause : La restructuration de l’économie française et ses corollaires, chômage de masse et précarité. La Patrie reconnaissante ! "
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Dont la vertu est : toujours plus de profit et le principe, la libre concurrence sans entrave pour le bonheur de l'humanité et de la planète de quelqu'uns!
Le moyen : la révolution capitaliste qui se régénère par cycle de crise qu'elle provoque. tel un phénix, il renait encore plus fort de ses cendres!
C'est un Etat de guerre permanent que nous livre les défenseurs de ce système! Répondre | Répondre avec citation |
Elles s’inscrivent dans un rapport de force radical et psychologiqueme nt brutal, pour les dirigeants retenus dans l’usine comme pour les salariés. Mais ces actions se révèlent efficaces pour peser sur les négociations. À chaque fois, les revendications sont écoutées, les indemnités de départ augmentées et les congés pour reconversion allongés. C’est peut-être pour cela que près d’une moitié des Français juge cette pratique de lutte «acceptable».
==> Lire tout l’article d’Ivan Du Roy sur Bastamag.net : Les séquestrations de patrons, une méthode de lutte qui se révèle payante. Répondre | Répondre avec citation |
nous sommes en regression au niveau niveau de vie donc au niveau emploi et oui dans 20 ans voir moins la france sera une friche industriel qui va laisser de cote des millions de francais car que ce soit emploi dans le commerce, dans les services ou autre il ne peuvent qu'exister que si un pays progresse socialement et ne laisse pas de cote du marché du travail un certain nombre qui risque bien pourtant un jour faire que l'eau va deborder du vase, un certain nombre qui fera que notre produit produira une richesse qui sera reparti de maniere socialement equitable afin que chacun puisse vivre decement et non avec soit le rmi ou encore le salaire minimum de notre pays que sont les 1030 € net qu'est le smic Répondre | Répondre avec citation |