Face à l'ampleur du phénomène (alors qu'il était pourtant prévu que le gouvernement pioche dans les 500 millions d'euros de son «plan de relance» en cas de dépassement), c'est confirmé : comme évoqué lors du «sommet social» de février, la vache à lait Unedic sera bien mise à contribution ! Son bureau, réuni exceptionnellement hier, a adopté sans trop mouffeter une convention avec l'Etat régissant sa participation à l'indemnisation du chômage partiel qui passera, vraisemblablement début mai, de 60% à 75% du salaire brut, soit environ 90% du net.
Bien que le gouvernement espérait voir l'Unedic contribuer à sa «relance» à hauteur de 200 à 300 millions d'euros — rien que ça ! —, le régime d'assurance chômage a plafonné à 150 millions cette participation pour 2009. En cause, des dissensions au sein du patronat (le secteur des services et les artisans voyant d'un mauvais œil que l'assurance-chômage assume un dispositif qui bénéficiera essentiellement aux entreprises industrielles) et la fragilité des finances de l'organisme paritaire. Mais «quand 70% de cette somme aura été dépensée, le bureau pourra statuer sur une prolongation ou pas», a assuré son président Geoffroy Roux de Bézieux (Medef). «Si jamais le tableau se noircit, il faut qu'on soit en capacité de réagir. Nous verrons s'il faut peut-être 30 ou 40 millions supplémentaires», a estimé la vice-présidente de l'Unedic Annie Thomas (CFDT), qui s'est déclarée «très satisfaite».
L'Unedic en relais de l'Etat
Dans les faits, en complément de l'habituelle allocation spécifique de chômage technique (3,33 ou 3,84 € par heure selon la taille de l'entreprise), l'entreprise percevra, sur les 50 premières heures d'interruption de l'activité, une allocation complémentaire de 1,90 € par heure prise en charge par l'Etat. Puis, au-delà de la cinquantième heure, cette allocation complémentaire atteindra 3,90 € et sera prise en charge par l'Unedic.
Le projet de convention précise que «ce dispositif fait l'objet de contreparties en termes d'emploi», comme le maintien dans l'emploi pendant une durée au moins double de la durée de la convention d'activité partielle signée par l'entreprise ou sa branche avec l'Etat (il s’agit, par exemple, de ne pas licencier pendant 6 mois si la convention en dure trois). L'employeur devra aussi proposer à ses salariés un «entretien de professionnalisation» (… c'est tout ?). En cas de non-respect, l'entreprise sera priée de rembourser les sommes allouées par l'Etat et l'Unedic : on se demande comment si elle est vraiment mal en point...
Sceptiques sur le contrôle de l'application de ces contreparties, la CGT et la CFTC craignent que les 150 millions d'euros ne suffisent pas. «Beaucoup d'entreprises risquent d'aller bien au-delà de 50 heures de chômage partiel, et le gouvernement veut en faire assumer l'essentiel par les partenaires sociaux», regrette Eric Aubin (CGT) qui juge, en outre, que «cela ne va pas forcément bénéficier aux entreprises qui en ont le plus besoin» : il déplore que les entreprises versant des bénéfices à leurs actionnaires n'en soient pas exclues.
Un «amortisseur social» d'une efficacité limitée, voire contestable
Il s'agit d’«éviter au maximum des licenciements économiques». Mais des études ont montré qu'en période de faiblesse conjoncturelle, le recours au chômage technique n'a pas «l’effet stabilisateur» escompté et qu'il pousserait même au démantèlement de l'emploi. Si, au départ, les aides ont une influence positive sur la conservation des effectifs, on note très rapidement un effet d'aubaine qui se solde par la dilution dans le temps des destructions. Si la crise doit être longue (en créant le Fiso - Fonds d'investissement social - sur deux ans, le gouvernement avoue sa gravité), ces mesures, même si elles pèsent moins sur les finances de l'assurance-chômage, demeurent donc illusoires.
Le Centre d'études de l'emploi (CEE) rappelait en mars que le recours au chômage technique permet de retarder de six à douze mois les licenciements économiques, et que «le risque de chômage reste très élevé pour les salariés concernés». Soulignant sa «visée principalement politique», l'amélioration de la prise en charge du chômage partiel est en réalité «un moyen de calmer les tensions sociales avant la mise en place réelle de licenciements économiques, ou de rassurer les actionnaires». Effectivement, côté salariés, une meilleure indemnisation permet d'étouffer la colère. Côté employeurs, c'est un signal donné aux moins scrupuleux qui sauteront sur l'aubaine pour préparer, aux frais de la collectivité, de futures délocalisations vers des paradis sociaux...
En revanche, le CEE estime «intéressant» sa combinaison avec de la formation professionnelle que le gouvernement veut, soi-disant, développer : mais comme rien de sérieux ne se profile à l'horizon pour préserver «l’employabilité» des salariés alors que le temps presse, on croit plutôt à un énième effet d'annonce. Le PS «regrette que les contreparties [demandées aux entreprises dans cet accord] en termes de formation ne soient pas plus fortes». Comme dit la CFTC, les salariés risquent, comme d'habitude, d'être rapidement «les dindons de la farce».
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Commentaires
La création de ce fonds avait été annoncée lors du sommet social du 18 février à l'Elysée. Créé pour une durée de deux ans, le Fiso doit notamment permettre de "préparer l'après-crise". Si le besoin s'en fait sentir après un premier bilan en juin, l'Etat pourrait compléter cette enveloppe jugée insuffisante par les syndicats.
Un de ses objectifs est de préserver autant que possible l'emploi dans les secteurs les plus affectés par la crise en encourageant le recours au chômage partiel plutôt qu'aux licenciements, et d'assurer une meilleure rémunération aux salariés en chômage partiel.
Un autre de ses objectifs est de favoriser les actions de reclassement et de formation des licenciés économiques afin d'améliorer leurs chances de retrouver un travail. Il doit en outre financer des programmes en faveur de l'emploi des jeunes.
L'Etat s'est engagé pour 2009 à apporter 500 millions d'euros votés dans le cadre du plan de relance annoncé en décembre, 800 millions d'euros votés en collectif budgétaire, 150 millions d'un "fonds d'expérimentation " en faveur de la jeunesse, et 80 millions du Fonds social européen. Il attend maintenant que les partenaires sociaux "mobilisent les fonds dont ils disposent dans des proportions équivalentes pour soutenir les politiques d'emploi et de formation professionnelle ".
Jusqu'ici, les partenaires sociaux ont mis au pot quelque 400 millions d'euros puisés dans les ressources de la formation professionnelle et de l'Unedic. Au total, ce sont près de 2 milliards d'euros que l'Etat et les partenaires sociaux se sont engagés à ce jour à apporter au Fiso en 2009.
Le dispositif sera supervisé par une "cellule de pilotage" comprenant des représentants de l'Etat, les partenaires sociaux et des opérateurs publics comme Pôle Emploi, qui devra se réunir chaque mois.
Les syndicats réservés
Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, a salué une "démarche positive" mais il a de nouveau jugé insuffisante l'enveloppe de 1,5 milliard d'euros apportée par l'Etat. En réponse à l'appel de Nicolas Sarkozy aux partenaires sociaux pour qu'ils complètent cette enveloppe, il a déclaré que les syndicats ne souhaitaient pas que les fonds prévus pour la formation et l'assurance-chômage en période normale soient "détournés" vers le Fiso : "Il n'est pas question de déshabiller les uns pour habiller les autres", a-t-il dit.
Son homologue de la CGT, Bernard Thibault, a jugé "très insuffisants", lui aussi, les moyens du Fiso et déploré qu'il y ait "beaucoup d'ambiguïtés sur les finalités de ce fonds". "Le Fiso ne doit être utilisé ni pour exonérer les entreprises de leurs propres responsabilités , ni pour financer les actions politiques du gouvernement", a-t-il expliqué. Il a également estimé qu'il ne fallait pas prédéterminer la durée de vie de ce dispositif.
Selon l'Elysée, il est convenu qu'un point sera fait à l'issue des deux ans d'existence théorique du Fiso. L'Etat "n'est pas du tout opposé" à l'éventualité de sa prorogation au-delà de deux ans.
(Source : Le Point) Répondre | Répondre avec citation |
Qui n'a pas un verre siglé de l'archer d'Arc International dans le fond de ses placards ? Le verrier, entreprise toujours familiale, vient d'annoncer un excellent résultat d'exploitation pour 2008, en hausse de 39 millions d'euros. Et dans le même temps, un recours massif au chômage partiel pour 3.100 de ses employés français.
Arc international, c'est la mono-industrie d'une ville, Arques, dans le Pas-de-Calais. Là, elle y emploie 7.352 salariés. Ils étaient 12.000 en 2002. Mais 2003 et 2004, années noires, ont donné le coup d'envoi de la restriction salariale. "L'accord de méthode se finit le 31 août 2010. Ça veut dire que d'ici là, ils ne peuvent pas licencier", remarque Philippe Maes, délégué CGT. L'accord de méthode a été signé par tous les syndicats, exceptées la CGT et FO, et prévoit une réduction des postes sans licenciement sec. "Ça concerne des gars dès 55 ans. En gros, ils sont payés à rester chez eux jusqu'à 57 ans; ensuite, ils partent en pré-retraite et l'Etat prend le relais."
Vive les "pays émergents" !
Alors, demander encore des efforts aux ouvriers : la pilule ne passe pas très bien. "Dans le communiqué de presse, la direction insiste bien sur le fait que c'est grâce aux pays émergents qu'on réalise ces 39 millions d'euros", remarque Philippe Maes. En effet, il est noté que "le résultat d’exploitation atteint 39 millions d’euros contre 10 millions en 2007, démontrant la pertinence des choix stratégiques et d'une présence industrielle croissante dans les pays émergents ainsi que l'efficacité du plan de transformation qui se poursuit." Philippe Maes grommelle : "Avant, la vache à lait, c'était nous". Il attend le renvoi d'ascenseur.
Alors ? Alors, le syndicaliste n'est pas très optimiste pour la suite : "Pour l'instant, ils nous mettent au chômage partiel. Après, ce sera peut-être au chômage tout court". Pour mai, les salariés vont rester chez eux entre trois et neuf postes sur les 18 qu'ils font normalement par mois. Tout dépendra des secteurs : neuf postes pour la production (soit 50% du temps), six postes au service qualité. "Les moins touchés sont l'encadrement et les commerciaux", insiste Philippe Maes. "Un ouvrier qui ne travaillera que neuf postes sur 18 touchera 91% de son salaire. Nous demandons, comme chez Renault, une solidarité des cadres. Il n'est pas normal que sur un même site des salariés soient touchés et d'autres pas."
La direction d'Arc International n'a pas souhaité réagir sur le sujet malgré nos sollicitations.
(Source : Libération) Répondre | Répondre avec citation |