Quand Actuchomage a vu le jour, en 2004, était accessible pléthore de dépêches, de données chiffrées ou de compte-rendus d'études sur le chômage et sur l'emploi. Ces précieuses informations, aussi variées que structurées, aisément disponibles sur la Toile, ont fait la richesse de notre site qui n'en loupait pas une et ne se privait pas de vous en faire part, que ce soit postées telles quelles dans notre «revue de presse», ou bien en articles de fond rédigés par nos soins et visant, sur ces bases, à exposer nos propres analyses afin d'élargir la réflexion ou démonter les mensonges officiels.
Il y a deux ans, il était encore relativement simple de dénicher des publications ciblées sur les problématiques qui nous intéressent. Je citerai trois exemples qui me viennent à l'esprit : l'évolution annuelle des offres de l'ANPE (où l'on pouvait déjà constater que les trois-quarts d'entre elles étaient précaires et de piètre qualité), le taux de Smicards publié chaque printemps par la DARES, ou diverses enquêtes qualitatives allant à contre-pied des politiques économiques, comme celle de l'OIT sur les bienfaits de la stabilité professionnelle dans la productivité des entreprises, en opposition au discours dominant qui prône toujours plus de flexibilité.
Des informations qui passent à la trappe...
Or, le dernier bilan annuel des offres ANPE date de janvier 2008 pour 2007 : depuis, Pôle Emploi a vu le jour dans un chaos complet et le bilan 2008 censé paraître début 2009 — sauf erreur de ma part — a été occulté, tandis que l'évolution (catastrophique) des offres n'est plus divulguée qu'en pièces détachées, glissées en catimini dans des dépêches globales sur les chiffres du chômage comme, par exemple, à la fin de celle-ci. On constate qu'une stratégie du «compte-goutte» s'est mise en place, se substituant ainsi aux articles ciblés et diluant l'information.
Quant au dernier taux de salariés payés au Smic (15,1%… en 2006, qui ne porte que sur les chiffres du secteur marchand hors intérim, agricole, domestique, hospitalier et collectivités locales), il a été divulgué dans une synthèse de la DARES passée inaperçue en mars 2007. Pourtant, l'année précédente, la DARES faisait état d'un taux «historique» de 16,8% en 2005. Cette «amélioration» d'une année sur l'autre serait due, selon elle, «aux négociations salariales»... Depuis, plus rien. On continue à prétendre qu'il n'y a que 15% de Smicards en France alors qu'en tenant compte de tous les secteurs d'activité et des emplois à temps partiel, on devrait être plus près de 25%. Et on tait que la France est championne d'un salariat «abonné» au salaire minimum.
Enfin les rapports, enquêtes et autres études qualitatives d'organismes comme le CEE, l'IGAS, l'EHESS, l'OIT… la DARES ou l'INSEE, qui faisaient le miel des journalistes sociaux, ne les intéressent plus. On peut expliquer ce phénomène par la dérive très inquiétante d'un métier désormais nettement plus soucieux de rentabiliser sa production et de faire dans le racolage que d'informer réellement les Français. On peut aussi s'interroger sur le rôle de l'AFP, récemment mise au pas par l'UMP, infiltrée par ses sbires, et dont la branche «sociale» s'est curieusement rabougrie.
Un verrouillage d'amont en aval
Mais en cherchant bien, alors que des agents et chercheurs du Service Statistique Public nous alertent depuis plus d'un an, on s'aperçoit aujourd'hui des graves conséquences de l'ingérence gouvernementale sur leur travail : «L'information chiffrée est verrouillée rue de Grenelle. Mais c'est le cas aussi à Bercy, aux ministères du Travail, de la Santé ou de la Justice», affirment ces professionnels du chiffre qui s'alarment du nombre croissant d'études enterrées et de notes d'information non publiées. «Comment nourrir le débat public si plus rien ne sort ?», s'indignent-ils. De ce fait, elles ne risquent pas d'atterrir dans la bannette des journalistes.
En tant que rédactrice d'Actuchomage qui patrouille quotidiennement sur le Web à la pêche aux infos, à moins d'être une nullasse qui ne sait plus surfer (mais, au bout de cinq années de pratique, je doute d'être devenue à ce point inefficiente…), aujourd'hui je «gratte» et, jour après jour, je ne peux que constater cet appauvrissement généralisé, supplanté par des écrans de fumée aussi grossiers que la grippe mexicaine, les pirates somaliens ou la petite Elise entre deux séquestrations de patrons ou «le meilleur job du monde», comme si la crise, le chômage, la dégradation de l'emploi et la paupérisation n'existaient pas. De la télévision où elle régnait sans partage, la «pensée unique», chère à notre président, gangrène désormais la presse écrite et internet.
Si, deux ans après son élection, 65% des Français se disent «déçus» par l'action de Nicolas Sarkozy et jugent son bilan «plutôt négatif», ils ne s'imaginent pas à quel point son «action» et son «bilan» vont bien au delà. Lentement mais sûrement, une chape de plomb a coulé au-dessus de nos têtes, un véritable ménage par le vide qui met en danger notre démocratie. Nous n'en sommes pas au point de la Chine mais, à ce rythme insidieux et feutré, nous y allons les yeux fermés.
Sophie Hancart
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Commentaires
Faîtes le test:
Essayer http://www.anpe.fr/ ou http://www.assedic.fr/
Ces deux liens redirigent vers http://www.pole-emploi.fr/accueilpe/
Et vous constaterez que là où récemment on pouvait encore lire le nombre de CV et d'offres d'emploi en ligne, ces chiffres sont remplacés par le symbole *.
Maintenant, essayer http://www.anpe.fr/index.shtml
et vous aurez ces chiffres.
A priori, cet url est amené à disparaître suite à la fusion de l'ANPE et de l'ASSEDIC
en l'entité appelée Pôle-emploi et il n'est pas celui de la page d'accueil du site du Pôle-emploi. (je ne serai pas étonné qu'avant longtemps cette page soit elle aussi redirigée vers la page d'accueil du Pôle-emploi)
Volonté de cacher ces chiffres, surtout ceux des offres d'emploi, qui sont en chute libre depuis quelques temps?
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Tous les exemples cités par Sophie sont parfaitement fondés. Sans données disponibles et facilement accessibles, on coupe l'herbe sous le pied à toute interprétation dissidente, à toute analyse "pointue" de l'état social de la France.
C'est le but recherché depuis l'élection de Sarkozy.
Au moins, sous Chirac - Raffarin - de Villepin, on bidonnait les chiffres (notamment du chômage) mais les vrais finissaient toujours par passer entre les mailles.
Aujourd'hui, elles sont de plus en plus étroites… et verrouillées.
Mais surtout, on ne bidonne plus, on n'arrange plus les choses à sa sauce, on DÉSINFORME !
Ça, c'est INCONTESTABLE !
J'en veux pour seule preuve les conséquences de la crise sur l'emploi.
Avant de concéder qu'elle pourrait mettre sur le carreau plus de 600.000 salariés en 2009, une myriade de chiffres fantaisistes ont filtré de l'UNEDIC ou du ministère de l'Économie.
D'abord, il y a eu la fameuse phrase de Sarko : "La France résiste mieux que ses voisins".
Puis, l'annonce par l'UNEDIC de 282.000 chômeurs supplémentaires en 2009 (annonce du 12 février), reprise de concert par toute la presse, sans aucune analyse de la situation réelle et des perspectives à court terme.
Puis l'annonce de 300.000 chômeurs de plus par Lagarde (toujours en février). Suivie quelques jours plus tard d'une correction à 350.000, puis d’une autre à 400.000 début avril.
Puis, le Président de l'UNEDIC a concédé du bout des lèvres qu'on était sur la "pente d'1 million de chômeurs supplémentaires en 2009" (mi-avril).
Une crainte partagée en off par l'Élysée (selon Le Canard Enchaîné)…
Bref, on est passé en deux mois de 282.000 chômeurs à 500.000, tout en étant sur "la pente du million" de demandeurs d’emploi supplémentaires , et ce dans la seule catégorie A.
Ce n’est pas sérieux !
Nous, petite association sans moyens, sans experts, sans "grands analystes", le taux de chômage de 2009, on l'a grosso modo pronostiqué… en novembre 2008.
Et jusqu'à maintenant, les chiffres nous donnent - malheureusement - raison.
Serions-nous plus malins que les autres ?
Pas du tout.
Disons, moins "bonimenteurs", moins "manipulateurs"…
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Le 29 avril, certaines personnes au gouvernement ont même essayé de nous faire accepter l'idée qu'un accroissement de plus de 60 000 chômeurs (il s'agit d'un solde positif) dans la catégorie A n'était pas catastrophique.
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(…) Fin 2008, le ministère de la Culture a demandé au patron de l'AFP, Pierre Louette, de réfléchir à un nouveau mode de financement pour son entreprise. Dans le document finalement remis au ministère, le 31 mars 2009, Louette opte pour un changement de statut. L'idée générale serait de faire de l'agence une société anonyme à capitaux majoritairement publics, avec une fondation qui veillerait à ce que l'actionnariat n'entame pas l'indépendance de l'entreprise.
Pour certains syndicats, comme Sud-AFP, ce statut hybride est le premier pas vers une privatisation : «Prenant prétexte du peu d'enthousiasme du gouvernement pour dégager les sommes nécessaires au développement de l'AFP, [Pierre Louette] propose de rompre le lien statutaire avec l'Etat pour le remplacer par un lien - autrement plus dangereux - avec des intérêts privés. Lorsque la loi de 1957 sera abolie, l'AFP pourra être privatisée par tranches ou par étapes. Il sera alors trop tard pour exprimer des regrets», estime ainsi le syndicat sur son site.
La Société des journalistes (SDJ) de l'agence, elle, n'est pas complètement opposée à ce changement de statut. Son président Christophe Beaudufe estime qu'il faut faire avec mais batailler pour qu'il comporte, comme celui de 1957, de solides garanties d'indépendance : «L'AFP n'existe que par la volonté politique. L'Etat veut aujourd'hui changer les choses, est-ce qu'on a vraiment le choix ? Notre position est de dire "Faisons en sorte que ce nouveau statut conserve l'essentiel"». Répondre | Répondre avec citation |