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Salariat et patronat : un antagonisme de plus en plus profond

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Comment les salariés et les futurs chômeurs peuvent-ils contenir bien gentiment leur colère quand ils découvrent, jour après jour, que les grands patrons qui les exploitent puis jouent avec leurs vies continuent, sans vergogne, à tirer la couverture à eux malgré «la crise» ?

Pardon, Monsieur François Fillon, vous qui dénoncez les séquestrations, les «sabotages» et les «manifestations de violences qui n'ont rien à voir avec le dialogue social»...
Pardon, Monsieur Charles Beigbeder, vous qui estimez que légiférer sur les rémunérations des grands patrons «déresponsabilise» alors que légiférer sur les «droits et devoirs» des privés d'emploi pour, soi-disant, les «responsabiliser», cela tombe sous le sens.
Pardon, Madame Sophie de Menthon, vous qui, comme votre amie Laurence Parisot, souhaitez tant «réconcilier les Français avec l'entreprise» : entre nous, c'est mal barré !

A qui la faute ? Pardon de mettre de l'huile sur le feu, mais excusez du peu :

Daniel Bouton, PDG démissionnaire de la Société Générale, aura droit, à compter d'avril 2010, à une retraite de 730.000 € par an, soit 2.000 € par jour (ou bien l'équivalent du salaire mensuel moyen). Pour le salarié ordinaire, certes bien moins talentueux ou méritant qu'un patron de génie, s'il fait plutôt partie des 50% qui rament en-dessous du salaire médian (soit moins de 1.594 € nets par mois), il peut espérer, au bout de 41 ans — voire plus : le Medef y veille… — avec le souci de pouvoir y parvenir, toucher une pension de 1.000 € par mois pour finir ses vieux jours [1].

Mais ce n'est pas tout : en attendant sa retraite, Daniel Bouton bénéficiera d'avantages en nature.

Franchement, qui, après une démission, a encore droit à «un chauffeur, une voiture, un bureau et une secrétaire» pendant un an ?

Que dire aussi d'Axel Miller, l'ancien directeur de Dexia, banque en faillite dont le sauvetage a nécessité la mobilisation des états français et belge à hauteur de 6 milliards d'euros. Ses indemnités de licenciement, certes revues à la baisse pour cause de décence, s'élèvent à 825.000 €, soit l'équivalent d'un an de salaire. Et Philippe Maystadt, directeur de la Banque Européenne d'Investissement, de le défendre : «Il est normal qu’une personne quitte son emploi avec un an de salaire», a-t-il benoîtement déclaré sur France Inter.

Franchement, quel salarié licencié pour faute s'en tire avec un an de salaire en guise d'indemnités ?

Pour certains, c'est même 1.500 € et ferme-la.

On est résolument sur une autre planète. Et les salariés, ancrés dans un réel partagé ici bas par la majorité des humains, ne savent plus comment faire entendre à cette caste dirigeante, non seulement autiste mais sourde à 99%, qu'il devient urgent de redescendre sur terre.

Dieu merci, pour calmer les ardeurs d'une populace décidément un peu trop violente et montrer qu'il lui reste 1% de capacité auditive, le Medef vient de mettre en place un «Comité des Sages» chargé de «contribuer à la bonne application des principes de mesure, d'équilibre et de cohérence des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux en cas de recours massif au chômage partiel ou de plans sociaux d'ampleur». Alleluia.

Mais, voyez-vous, ce n'est pas aux vieux Sages qu'on apprend à faire la grimace... Car ce comité sera présidé par Claude Bébéar, patron historique de l'assureur Axa. «L'homme dont on baise la bague pour se faire adouber patron du CAC, le Don Corleone du business français. Autant mettre Benoît XVI en VRP de Durex, Jérôme Rothen au ministère de la Culture, et éditer les textes de Bernard Ménez chez la Pléiade» : je vous laisse apprécier le savoureux billet de SoBiz sur ce déploiement d'éthique en toc.

Et, pendant ce temps — vraiment, François, Charles, Sophie et les autres, désolée de mettre de l'huile sur le feu et de ressasser des arguments gauchiiiistes ! —, des entreprises qui font des bénéfices osent cumuler indemnisation du chômage partiel + heures sup’ défiscalisées + aides du plan de relance de l'Etat => => => Suivez mon regard...

Mais jusqu'où iront-ils, ces voyous, ces arrogants ?

C'est de la provocation ! Provocation, Monsieur Fillon, qui n'est pas du fait des salariés.

Et à cette allure, il est clair que la plupart des Français ont le sentiment — parfaitement justifié — de payer le plus lourd tribut à une «crise» qu'ils n'ont en rien causée, et que les espoirs de réconciliation que certaines appellent de leurs vœux relèvent, pour le coup, de l'utopie la plus complète tandis que le bon vieux spectre de la lutte des classes [2] ressurgit chez d'autres par le truchement d'un hypocrite frisson «révolutionnaire».

Une chose est sûre : en 1995, le brave Jacques Chirac avait réussi à se faire élire sur le thème de la «fracture sociale», et on a commencé à la voir. Douze ans après, briguant le même poste, le pauvre Nicolas Sarkozy nous a promis «la rupture» : nous l'avons et c'est, d'ailleurs, la seule promesse qu'il ait réussi à tenir !

SH

[1] Papy Fillon, lui, est sûr de toucher au moins 8.000 € par mois à l'issue de sa fructueuse carrière politique.

[2] Devinette. Qui a dit «La guerre des classes existe, c'est un fait, mais c'est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre. Et nous sommes en train de la remporter» ? Réponse : Warren Buffett, première fortune mondiale.

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