(...) Les marchés boursiers sont en hausse alors que l’activité réelle n’a pas repris et que le chômage continue d'augmenter. N’oublions pas que 200.000 emplois industriels ont été supprimés en France depuis un an. Pourtant, le CAC 40 a repris 55% depuis son plancher de mars 2009. Cette valeur financière ne correspond à aucune nouvelle valeur réelle créée puisque, sur la même période, le PIB français a baissé de 1,2%. (...) L’Etat a versé 21 milliards d’aides publiques en capital aux banques françaises. Dans le même temps, la France a connu une restriction historique du crédit aux particuliers et aux PME. Selon la Banque de France, l’encours des crédits aux entreprises a baissé pour la première fois depuis 10 ans en juillet 2009. Cette baisse historique concerne aussi bien les crédits d’investissements que les crédits de trésorerie. Et le même mois, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 18% !
Les banques françaises ont pourtant recommencé à dégager des profits dès le 1er semestre 2009. Cela signifie qu’elles ont utilisé les aides publiques pour investir sur les marchés financiers plutôt que pour financer l’économie.
(...) Ainsi on voit comment, par tous les aspects, le système se montre absolument incapable non seulement d’affronter les conséquences de ses pratiques mais seulement de les corriger. Le danger d’emballement tient à la convergence des facteurs qui peuvent effondrer le système. Ainsi, la financiarisation de l’économie réelle.
Je parle des LBO. Technique d’achat de société où l’acheteur s’endette à 80% du prix d’achat et se rembourse en dépeçant l’entreprise achetée. C’est à présent la nouvelle bombe qui menace l’industrie et les banques. En effet, cette merveille de bidouillage de rapace est doublement explosive : il gonfle la masse de créances à risques dans l’économie et fragilise les entreprises ainsi rachetées par une gestion à court terme qui vise juste à aspirer leur trésorerie.
Or, depuis 4 ans, le marché des LBO a triplé en Europe : 140 milliards d’euros de prêts ont encore été accordés en LBO par les banques en 2007, dont 20 milliards en France. Autant dire que le crédit n’est pas rare pour tout le monde. Avec le retournement de l’activité, une grande partie du système des LBO est menacé d’effondrement. A la fin 2008, 70% des sociétés sous LBO ne respectaient pas leurs clauses de prêts auprès des banques.
Continental en est un exemple annonciateur. C’est à cause du rachat en LBO, grace à 16 milliards d’emprunts de Continental par le groupe Schaefler, 3 fois plus petit que lui, que l’entreprise est aujourd’hui liquidée... Alors qu’elle est bénéficiaire, notamment dans sa branche pneu dont fait partie l’usine de Clairoix.
Aucune leçon n’est pour l’instant tirée pour stopper ces mécanismes destructeurs. Au contraire, c’est justement à un fond LBO - le fond américain HIG - que le gouvernement a confié la reprise de l’usine Molex de Villemur sur Tarn. Tout cela n’a rien de marginal. Il s’agit d’un risque majeur pour la France.
Dans notre pays, près de 5.000 entreprises, aussi diverses qu’il est possible de l’être, comme Picard et Arena ou Télé Diffusion de France, et plus de 1,5 millions d’emplois sont aujourd’hui sous LBO. Cela représente une masse d’emplois égale à celle du total des entreprises du CAC 40 !
Ce n’est pas tout. A ce risque d’implosion locale s’ajoute le risque importé du fait des engagements des banques françaises sur l’étranger. Les banques françaises sont aussi lourdement exposées au niveau mondial : 8,9 milliards d’euros pour BNP Paribas, 6,5 milliards pour le Crédit agricole, 6,2 milliards pour Natixis et 5,6 milliards pour la Société générale.
Je n’en reste là pour que limiter vos cauchemars. Sachez seulement que le scénario latino américain, celui d’une transition provoquée par l’auto blocage du système, est inscrit dans ce que je viens de décrire.
Jean-Luc Mélenchon - www.jean-luc-melenchon.fr
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