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LBO : de la martingale à la bombe à retardement

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Nombre d'entreprises rachetées avec effet de levier pourraient faire défaut d'ici 2015. Une mauvaise nouvelle pour l'emploi et l'économie en Europe.

Les Etats ne sont pas les seuls à faire face à un véritable "mur de la dette". De nombreuses entreprises aussi. L'agence de notation Moody's a ainsi lancé mardi un avertissement. Sur 254 entreprises rachetées par LBO — Leverage Buy Out, ou acquisitions avec effet de levier —, un quart pourrait faire défaut d'ici 2015 quand les emprunts faits pour les acquérir arriveront à échéance et qu'il faudra les renouveler. Ces dettes, d'un montant global de 133 milliards d'euros, concernent au premier chef des entreprises britanniques (pour 54 milliards), suivies par des allemandes et des françaises. C'est une nouvelle menace sur l'équilibre économique européen.

Qu'est-ce qu'un LBO ?

Il s'agit d'acquérir une entreprise "avec un effet de levier". En clair, acheter une boîte en déboursant le moins possible de son propre argent mais en s'endettant via des montages financiers éventuellement très complexes. Les créances sont ensuite remboursées par les profits de la société acquise. Tout repose donc sur la rentabilité de l'entreprise rachetée et sur sa capacité à "faire remonter du cash" : d'où les restructurations/dégraissages qui accompagnent fréquemment les LBO menés par des fonds d'investissement afin de réduire les coûts de production et dégager suffisamment de bénéfices, l'objectif pour le repreneur, quand il ne s'agit pas d'une reprise par le management ou les salariés, étant de céder l'entreprise dès qu'une occasion de plus-value se présente.

Ce schéma de casino a prospéré au début des années 2000. La croissance mondiale, les taux d'intérêt bas, la libéralisation de l'économie et la bonne santé des banques poussaient à ce type d'opération. Si bien qu'en 2008, 1.500 entreprises étaient rachetées en France par LBO. Mais depuis la crise, la martingale s'est transformée en bombe à retardement, menaçant autant la finance que l'économie réelle.

Quel est le problème aujourd'hui ?

Pour un LBO réussi, il faut une entreprise qui génère des profits et des banques susceptibles de prêter beaucoup et à taux faibles. Or, depuis le krach de 2008, ces conditions ne sont plus réunies. La contraction de l'activité économique a amputé les bénéfices des entreprises, rendant le remboursement plus difficile.

Or en 2014, quand les dettes arriveront à échéance, beaucoup d'entreprises devront se refinancer et chercheront à le faire en émettant des obligations à haut rendement. Et c'est là que ça risque de coincer, car elles devront être suffisamment rentables pour y parvenir. L'accès aux marchés européen et américain leur sera-il ouvert ? Moody's estime qu'elles devront être capable de profiter des "fenêtres de tir" favorables. Et l'agence s'attend de toutes façons à ce que les nouvelles obligations émises restent chères. Elle prévient donc : "Ce pic de refinancement est inquiétant, étant donné la faiblesse de l'environnement macroéconomique et la qualité généralement faible de ce type de dette". Résultat, plusieurs sociétés pourraient être poussées à faire défaut. Parmi elles figurerait Alliance Boots, la plus grande acquisition avec effet de levier de l'histoire européenne.

Quelles seraient les conséquences ?

Des défauts, ou des difficultés à rembourser, auraient avant tout de lourdes conséquences sur l'emploi. Cela entrainerait des fermetures d'entreprises ou, à tout le moins, des suppressions de postes. Une telle situation aggraverait donc sérieusement le climat économique européen.

Pour l'éviter, d'autres solutions peuvent être envisagées comme le souhaitait, dans un entretien au Monde en 2009, Jean-Louis de Bernardy, président de l'Afic (Association Française des Investisseurs en Capital) et fondateur de l'un des premiers fonds de LBO en France : "S'il y a une ‘bombe LBO’, les victimes doivent être les banques et les fonds, et surtout pas les entreprises et leurs employés. Le LBO est un jeu entre adultes consentants, les fonds et les banques savent les risques qu'ils prennent". Les fonds acquéreurs pourraient, afin d'éviter la faillite, renflouer l'entreprise menacée à condition que la banque s'asseye sur une partie de la dette contractée. L'autre option serait un rééchelonnement de la dette sur plusieurs années afin de soulager l'entreprise et lui laisser le temps de se redresser.

Et la France, dans tout ça ?

Comme partout en Europe, les LBO ont connu un essor en France au début du siècle. Des entreprises comme Desjonquères, Monier ou Materis ont connu des difficultés à rembourser ces dernières années. Mais la donne pourrait changer. Durant la campagne présidentielle, François Hollande avait déclaré vouloir encadrer la procédure LBO. En visite le 18 avril à l'usine Still-Saxtby, dans l'Oise, où 255 salariés sont menacés de perdre leur emploi, il considérait que "le législateur devra revenir sur cette procédure de façon à le réserver exclusivement aux salariés et aux cadres d'une entreprise, et pas à des groupes financier qui viennent prendre la substance d'une entreprise et la vendre après". Mais le nouveau président n'a pas encore précisé les modalités de cette réforme.

(Source : L'Expansion)


NDLR : Dès 2008, à la City de Londres, les fonds de LBO étaient surnommés «les fonds de la terreur»... Il faut souligner que, parmi les plus célèbres victimes du système LBO, figurait l'usine Continental de Clairoix.

En 2009, on comptait quelque 4.000 entreprises en LBO qui représentaient 7% de l'emploi salarié. Parmi les plus connues, on trouve les surgelés Picard, Bénédicta, les magasins Camaïeu, les hôtels Campanile, les agences immobilières Century 21, Cegelec, la SNCM ou le diffuseur TDF, qui en est à son 2e rachat depuis 2002.

Sinon, il existe un collectif anti-LBO : www.collectif-lbo.org


LBO : l'exemple de Fenwick, par Jean-Robert Viallet



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Mis à jour ( Dimanche, 15 Juillet 2012 15:56 )  

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