Le temps pas si lointain où les «chômeurs fainéants» étaient stigmatisés par les aboyeurs de l’UMP (Nicolas Sarkozy, Frédéric Lefebvre…) semble aujourd’hui révolu.
Comme celui où nos manipulateurs d’opinion opposaient, non sans succès d’ailleurs, «ceux qui se lèvent tôt» (les ouvriers) à «ceux qui se lèvent tard» (les glandeurs sans emploi).
Il n’y a pas si longtemps, souvenez-vous, nos gouvernants martelaient que ces derniers refusaient massivement les boulots qu’on leur proposait. Et même qu’il fallait sévir ! Deux offres d’emploi «raisonnables» refusées et hop, c’était la radiation et l’amputation des allocations.
Mais voilà, la «crise» est passée par-là, et «ceux qui se levaient tôt» il y a encore quelques mois sont venus grossir les rangs de «ceux qui font la grasse matinée et se la coulent douce».
Depuis août 2008, des centaines de milliers d’ouvriers se retrouvent sur le carreau et gonflent le nombre des chômeurs de catégorie A (le taux officiel), qui est passé de 2 millions à 2,6 millions.
Sans compter ceux qui, par dizaines de milliers, optent pour une CRP (Convention de reclassement personnalisé) qui leur assure une meilleure indemnisation. Ils sont alors classés en catégorie D (celle des chômeurs en formation) dont on ne parle pas ou peu, mais qui gonfle, qui gonfle, qui gonfle…
Et le retournement de tendance n’est pas pour demain. L’Insee prévoit 11% de chômeurs (en catégorie A) d’ici la fin de l’année 2010. Un taux jamais atteint en France ! Et 20% de chômeurs (toutes catégories confondues).
Un actif sur 5 est touché par le chômage et la précarité professionnelle. Ça commence à faire beaucoup de monde tout ça !
Avec 4 à 5 millions de chômeurs et de précaires, on peut estimer qu’entre 12 et 15 millions de Français sont directement impactés par le chômage ou la grande précarité d’un proche (parent, conjoint, enfant).
Sans oublier cette nouvelle catégorie apparue il y a une dizaine d'années, celle des «travailleurs pauvres» qui ne cesse de grossir.
Face à cette hécatombe que plus personne ne conteste, à part madame Lagarde qui s’évertue à parler d'une «stabilisation de l’augmentation», nos politiques s’abstiennent de prononcer les petites phrases assassines qu’on avait coutume d’entendre jadis, comme la injurieuse diatribe prononcée en 2005 par le député UMP Jean Auclair : «Les chômeurs ne veulent pas travailler. Être payés à ne rien faire, voilà ce qui les intéresse !».
Oui, vous avez bien lu !
C'est dans ce climat délétère que Nicolas Sarkozy a mis en branle un redoutable arsenal anti-chômeurs (contrôles accrus, suivi mensuel, offres «raisonnables»…), soutenu par ses discours populistes et mensongers («500.000 offres non pourvues»).
En 2007, le rouleau compresseur s’est donc mis en marche. Pas pour lutter contre le chômage mais pour écraser (et culpabiliser) un peu plus les chômeurs.
Voilà la raison pour laquelle nous nous engageons ici, sur Actuchomage, à décrypter, analyser et contester les propos souvent diffamatoires et les mesures injustes qui touchent – et frappent – une population fragilisée.
Car, chômage et précarité sont LE champ des expérimentations antisociales du gouvernement et du patronat.
En sapant la base de la «pyramide», c’est tout l’édifice qu’on ébranle. En s’attaquant aux Droits des privés d’emploi, ce sont les Droits des salariés qu’on menace.
Tel est notre Credo. Et telle est la réalité !
Car, depuis 2008, cette politique de sape se confirme et s’amplifie. Après les chômeurs culpabilisés pour leur «inactivité», ce sont les ouvriers qu’on montre du doigt : «trop chers», «pas assez productifs», «trop protégés»… Résultat : Des centaines de milliers d’entre eux ont été remerciés, souvent dans des conditions indignes.
Et l’hémorragie n’est pas prête de s’arrêter. D’ici fin 2010, plusieurs centaines de milliers d’ouvriers (300.000 selon la CGT) vont perdre leur emploi qui sera le plus souvent délocalisé.
Pour la seule journée du 1er avril (le poisson est vraiment nauséabond), 1.000 licenciements ont été annoncés dans l’industrie. Un chiffre passé quasiment inaperçu !
Pour se convaincre de l’étendue du désastre, il suffit de taper «licenciements» dans la rubrique Actualités de Google. Le résultat est AFFLIGEANT !
Après avoir été circonscrite au bas de la «pyramide», la gangrène du chômage et de la précarité, du déclassement professionnel et de l’emploi au rabais, remonte l’échelle sociale vers les classes moyennes (employés et cadres de première catégorie).
Et aujourd’hui, si les boulots au rabais institutionnalisés par le rSa, les emplois aidés et les exonérations de cotisations, déstabilisent le marché du travail des «cols bleus», demain les «cols blancs» sont visés.
Nous pouvons décrire dès maintenant le contexte qui dominera ces 24 prochains mois.
• Les classes moyennes en emploi ne sont plus en mesure de négocier des hausses de salaire :
Parce que 5 millions de personnes (chômeurs et précaires) sont sur le marché à la recherche d’un CDI, d'un CDD, d'une mission, et d’un salaire décent.
Et parmi cette masse, des centaines de milliers sont non indemnisés ou en fin de droits. Autant dire que beaucoup sont prêts à tous les sacrifices pour décrocher un job.
Qui plus est, 300.000 auto-entrepreneurs sont disposés à mettre leur force de travail au service d’un patronat qui n’a aucun compte à leur rendre et peut se séparer d’eux à tout moment, du jour au lendemain, sans préavis et sans indemnité.
Dans ce contexte ultra concurrentiel, la marge de négociation salariale est nulle !
• Les classes moyennes devront financer les déficits qui se creusent chaque jour, du fait des largesses accordées depuis des années au patronat (par les exonérations massives de cotisations sociales), aux actionnaires rentiers, aux classes privilégiées et à certaines corporations (comme les restaurateurs) :
Sous peu, la France – comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, pourrait être contrainte d’adopter un plan de rigueur budgétaire drastique si elle veut encore emprunter à des «taux raisonnables» sur les marchés financiers internationaux.
C’est une quasi-certitude si une croissance forte n’est pas au rendez-vous au second semestre 2010 (et il est peu probable qu’elle le soit).
• Les classes moyennes verront le coût de leur logement et de leurs charges encore augmenter, comme les énergies (+9% sur le gaz depuis avril), les taxes d’habitation et les impôts locaux :
Aujourd’hui, malgré la récession, le marché locatif et l’accès à la propriété continuent de flamber sous la pression des classes privilégiées, peu ou pas impactées par la crise, qui investissent massivement dans l’immobilier, une valeur refuge face aux fluctuations de la Bourse.
Dans les 24 prochains mois, les classes moyennes seront donc prises en tenailles, comme les chômeurs et les précaires le furent avant elles, comme les ouvriers le sont depuis 2 ans maintenant.
Nous assistons à une dégradation généralisée et irréversible, résultat d’une politique voulue et testée dans le «laboratoire social» du chômage et de la précarité. Peu à peu, elle s’applique aux autres strates.
Mais nous ne sommes pas les seuls à constater cette érosion progressive du pouvoir d’achat d’une majorité de Français. Même si le sujet peut paraître «anecdotique», il n’en demeure pas moins un indicateur pertinent. Et quel est-il justement ?
C’est le taux de départs en vacances en séjours marchands (une semaine en hôtel-club, deux semaines en camping… ou trois semaines dans un palace au bout du monde pour les plus riches).
Le baromètre Opodo révèle en effet que 56% des Français sont partis en courts ou longs séjours marchands en 2009, contre 64% en 2003.
8 points de baisse sur 6 ans !
Toutes les origines socioprofessionnelles sont touchées. Toutes sauf une : celle des CSP+ (catégories supérieures) dont le taux de départ atteint 81% en 2009, contre 78% en 2008.
3 points de mieux en un an !
Voilà qui confirme, si nécessaire, l’érosion des marges financières des classes moyennes et l’augmentation indécente du pouvoir d’achat des classes aisées.
Et toutes ces tendances macroéconomiques sont aujourd’hui étayées par les sondages d’opinion et, plus encore, par les résultats des dernières élections.
On peut logiquement estimer que ceux qui votent pour l’UMP (en première intention) et font encore confiance à Nicolas Sarkozy, sont ceux qui n'ont pas été touchés par une dégradation de leur situation ces 3 dernières années.
On peut avancer un chiffre : 25 à 30% des Français. (Nous sommes très généreux).
Mais les 70 à 75% restants ont vu leurs conditions de vie se dégrader ou s’inquiètent d’une prochaine détérioration de celles-ci.
Nous aurons la prétention d’affirmer ici que nous ne nous trompons pas :
• En novembre 2008, Actuchomage lançait l'opération «Chômage Année Noire» pour tenter d’alerter l’opinion sur l’hécatombe qui allait se produire.
Les chiffres ont confirmé notre inquiétude.
• En août 2009, nous nous associons à «l'Appel pour une Résistance Ouvrière à la casse industrielle».
Les faits attestent d'une désindustrialisation massive et rapide de la France.
• En avril 2010, nous confirmons que les classes moyennes vont maintenant payer les frais d’une politique économique désastreuse initiée par l’avocat Nicolas Sarkozy, soutenue par Christine Lagarde (experte en finances internationales), par Patrick Devedjian (avocat lui aussi, ministre de la Relance) et par Laurence Parisot (riche héritière, Pdg de l'institut de sondages Ifop, et patronne des patrons). «Ze French Dream Team» ! (équipe de rêve).
Une politique économique, fiscale et sociale plébiscitée par les classes nanties : professions libérales, retraités aisés, cadres dirigeants, commerçants, patrons, hauts fonctionnaires…
En votant pour Nicolas Sarkozy et pour l’UMP en mai et juin 2007, les «Français moyens» ont choisi leur camp : Celui des privilégiés. Ils n’ont oublié qu’une chose : en faire partie !
Yves Barraud
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