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Offres non pourvues : le chômeur est toujours fautif

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Zoom sur un article du Monde qui, sous couvert de s'interroger sur «l’adéquation entre postes non pourvus et personnes sans travail», véhicule l'idée que le chômeur est l'éternel coupable.

Car en cette période de crise, «toutes les offres doivent être pourvues», ne cessent de marteler nos dirigeants pour qui cela tombe sous le sens alors que la réalité est nettement plus complexe...

Afin de dégager des pistes de réponse, Rémi Barroux s'est donc rendu dans un lieu emblématique : une agence locale de Seine-Saint-Denis, où le taux de chômage demeure plus élevé que la moyenne nationale malgré sa proximité géographique avec l'immense bassin d'emploi que constitue la zone aéroportuaire de Roissy-en-France. Dans cette enquête intitulée CHÔMAGE PARADOXAL et publiée vendredi, son auteur tente d'expliquer pourquoi faire concorder l'offre et la demande est moins facile qu'on ne le pense pour les agents de Pôle Emploi.

Certes, Rémi Barroux est un journaliste à l'ancienne qui a le mérite d'aller directement explorer le terrain au lieu, comme bon nombre de ses collègues, de contacter les associations de chômeurs, traitées comme de vulgaires agences de casting...

Hélas, s'entrecroisent des témoignages de privés d'emploi (pris ouvertement pour des idiots et qui se font «secouer» par leurs conseillers…) et les allégations très "politiquement correctes" de leurs interlocuteurs (dont la directrice d'agence et une responsable d'équipe), le tout se contentant de survoler le fond du problème (qui est le manque d'emplois pour tous, en quantité comme en qualité) pour, au final, pencher en défaveur des chômeurs afin de servir la propagande du gouvernement. Démonstration.

Quid de la discrimination ?

Prenons le cas de Mohamed B. D'office, au vu du peu de réponses négatives qu'il a collectées malgré son évidente bonne volonté, on le soupçonne de fumisterie. C'est le monde à l'envers ! Il crève pourtant les yeux que sa conseillère, jouant les «étonnée», lui reproche à lui les déficiences et le mépris de la majorité des employeurs qui ne se donnent pas la peine de répondre aux candidatures qu'ils reçoivent, y compris quand elles font suite à leurs annonces. Nos amis Belges, sur lesquels nous aimons tant plaisanter, ne rigolent pas avec cette injustice : ils prévoient, cet été, de faire voter une loi qui sanctionnera les entreprises ne répondant pas aux sollicitations des chômeurs, parce que «c'est démotivant». Quand on parle de «droits» et de «devoirs» - comme se plaisent à le faire ceux qui nous gouvernent -, autant faut-il que tous les acteurs de la chaîne soient équitablement impliqués, pas vrai ?

Mais cette idée de bon sens n'effleure pas les neurones de la «sceptique» conseillère (ni, d'ailleurs, ceux de Rémi Barroux). Elle admet tout de même que Mohamed B., 45 ans, n'est plus tout jeune, ce qui peut expliquer son insuccès. Outre la scandaleuse discrimination par l'âge dont il est l'objet, tout juste effleurée car tellement banalisée, pas un mot sur la discrimination ethnique tout aussi scandaleuse liée, certainement, au patronyme de l'intéressé. Seule (fausse) solution émise par la conseillère : «Envisager d'autres pistes que votre métier d'origine» - préparateur de commande - alors que «dans ce secteur, on recrute»... La véritable fumisterie n'est-elle pas plutôt de ce côté-ci du guichet ?

Ces chômeurs, tous des imbéciles ?

Si, comme on vient de le voir, le mépris des employeurs qui ne répondent pas aux candidatures et discriminent les postulants en toute impunité est éludé dans cet article, le mépris des professionnels de Pôle Emploi à l'égard des chômeurs y est, par contre, suintant et narré dans toute sa banalité sans que le journaliste, à aucun moment, ne s'en offusque; au contraire, il semble naturellement y adhérer.

Prenons le cas de Barthélémy M., ce jeune «Bac+4» «décontracté» de 28 ans qui cherche un emploi dans la communication et qu'on fait passer pour un petit gars irréaliste, limite pas sérieux. Quand il sera formé à l'élargissement de son champ de recherche (c'est-à-dire formaté à accepter n'importe quoi au nom du principe de réalité), sa quête d'un emploi digne en sera-t-elle facilitée ? «Il faut les secouer !» lâche son conseiller, formaté, lui, de longue date à prescrire aux autres ce qu'il refuserait pour lui-même. «Seule la fin de l'indemnisation peut réveiller» ces personnes réticentes, ajoute-t-il : c'est bien connu, les SDF sont les plus motivés...

Pareil pour la jeune Céline D., 18 ans, une «gamine» jugée à côté de la plaque et à qui il propose, «sans trop y croire», d'être suivie par la Mission locale. Mais cet esbroufeur imbu de sa fonction n'a nul besoin d'y croire et, surtout, n'a aucun bienfait à lui prodiguer, puisque Pôle Emploi oriente systématiquement les moins de 25 ans sur cet organisme ! Il a juste passé le plat.

Ces chômeurs, tous des fainéants ?

Maintenant, penchons-nous sur la «grosse opération» de recrutement des 15 agents de sécurité. Des 600 personnes recensées sur la base du code métier correspondant (K2503 - Sécurité et surveillance privées) et convoquées à cette "info-col" (réunion d'information collective), seul un tiers s'est présenté. A ce souvenir la responsable d'équipe fulmine et menace : on se prend à l'imaginer vêtue d'une tenue de dominatrice, le fouet à la main.

Or, la date de l'événement érigé en exemple n'a pas été spécifiée : était-ce avant décembre 2009, ou après ? Car les codes ROME - Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois - de Pôle Emploi, qui étaient pour la plupart approximatifs voire carrément obsolètes, n'ont été modifiés qu'il y a six mois et on ne mesure pas encore si ces révisions/affinages sont probants. Ensuite ces "info-col", convoquant pêle-mêle des personnes qui n'ont pas le profil ou sont déjà en emploi, en formation, en création d'entreprise ou en absence déclarée pour maladie ou congé… sont un excellent moyen de radier en masse. Enfin, 200 postulants pour seulement 15 postes, n'est-ce pas suffisant ? Avaient-ils réellement prévu des locaux pour accueillir 600 candidats ? On en doute. Mais l'affaire est dans le sac et le lecteur, lui, sera persuadé que la majorité des chômeurs ne veut pas travailler.

Aujourd'hui, contre un salaire médiocre, un agent de sécurité appelé à exercer sur la plateforme de Roissy doit avoir le Bac, le permis B + un véhicule (car il n'y a que des navettes aux heures de bureau et rien pour tous ceux dont les horaires sont atypiques) et parler correctement l'anglais. Ça ne s'invente pas : il n'y a qu'à regarder les annonces sur pole-emploi.fr. De quoi susciter moult vocations.

De qui se moque-t-on ?

Après «la distance, la pénibilité, la contrainte familiale, les horaires variables ou encore le salaire» que l'on survole en une phrase alors que ces points sont cruciaux, viennent «le deuil de l'emploi perdu et l'attachement au métier passé». Car pour le chômeur ainsi ringardisé par la directrice d'agence, faire le deuil de ses aspirations, se nier soi-même jusqu'à sacrifier son bien-être est devenu incontournable : tel est le credo des bourreaux-victimes.

«Nous sommes dans une démarche de contractualisation : le demandeur d'emploi doit être d'accord et le conseiller est là pour l'écouter, l'aider à être autonome dans sa recherche d'emploi», explique-t-elle. Sauf qu'en réalité les conseillers ont des objectifs à atteindre, qu'ils font de l'abattage et que leur rôle d'écoute se réduit à des entretiens expédiés. Comme ils n'ont rien à proposer à la plupart des personnes qu'ils reçoivent en toute inutilité (il suffit de relire plus attentivement cette "enquête"), il est clair que l'autonomie des demandeurs d'emploi s'impose d'elle-même. Quant à leur "accord", il est souvent obtenu par fatalisme ou par le biais d'une coercition larvée : relisez le passage consacré à Mohamed.

«Il arrive qu'au bout de six mois, la relation avec le chômeur soit bloquée, que le conseiller me dise qu'il a mis en oeuvre tout ce qu'il était possible de faire. Je change alors le tandem car un suivi personnalisé stérile ne peut s'éterniser», conclut notre directrice. Des troupes fraîches pour achever l'ennemi ? Des arguments nouveaux pour fléchir l'inconscient ?

«Avec le délicat dossier des "fins de droits", un million prévu en 2010 sur quatre millions de chômeurs, et les centaines de milliers d'offres qui restent vacantes…», écrit Rémi Barroux sans citer de source. Où a-t-il déniché un tel chiffre alors que Pôle Emploi n'a que 171.969 offres en ligne à proposer sur son site ??? Et revoilà la litanie des fameuses "offres non pourvues" dont, crise ou pas, on nous rebat régulièrement les oreilles afin de justifier des mesures de plus en plus répressives à l'encontre des chômeurs ! Rémi Barroux n'y échappe pas et, faute d'analyse et d'esprit critique (mais peut-être est-il fatigué ?), se colle lui-même sur le front l'étiquette du journaliste conformiste (un parmi tant d'autres) qui attend de partir à la retraite.

Bref, encore un papelard qui sert la soupe à l'UMP et que Le Monde pourra, le cas échéant, réutiliser dans six mois en modifiant les chiffres et les noms.

SH

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Mis à jour ( Mardi, 10 Janvier 2012 10:02 )  

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