Prolonger la durée d’activité professionnelle donc de cotisations, voilà la principale mesure que le Medef et le gouvernement proposeront pour "sauver" notre système de retraites.
Sur le papier, l’équation semble s’imposer d’évidence.
L’espérance de vie augmentant, il convient de repousser l’âge légal de départ et d’augmenter la durée de cotisations (entre 160 et 164 trimestres actuellement, soit 40 ou 41 ans d’activité, pour faire simple).
Les faits vont malheureusement à l’encontre de cette solution simpliste qui ne garantit en rien la pérennité du système et, moins encore, le niveau des pensions. Car une tendance majeure se confirme d’année en année : la diminution de la durée d’activité.
D’abord, les jeunes éprouvent de plus en plus de difficultés à s’installer pour de bon dans la vie active. Après des études supérieures parfois longues (3 ans et plus) qui les amènent à 21, 22 ou 23 ans, ils enchaînent les stages (non rémunérés), les boulots précaires et les périodes de chômage, avant de décrocher le sésame CDI pour ceux qui y parviennent.
Au mieux, ces jeunes devront travailler jusqu’à 61 ans, 62 ans ou 63 ans pour bénéficier du régime de base à taux plein (dans le cadre retenu actuellement).
Mais d’ici-là, les modalités auront évidemment changé, et les 160 à 164 trimestres requis aujourd’hui seront portés à 170, voire 180, soit 42 à 45 années de cotisations.
Pour nombre d’entre eux, la retraite Sécurité Sociale à taux plein sera accessible à 65 ans ou plus.
Et après tout ! Si l’espérance de vie passe de 80 ans (actuellement) à 90 ans dans les 20 prochaines années, cette projection arithmétique paraît cohérente. Sauf que dans les faits, c’est beaucoup plus compliqué.
Certaines activités ne peuvent être raisonnablement exercées au-delà d’un certain âge. Verra-t-on des peintres en bâtiment, des maçons, des couvreurs, perchés sur leurs échafaudages à 65 ans ou à 70 ans, 8 heures par jour ?
Les syndicats estiment donc que la durée de cotisations doit "être indexée" sur la pénibilité du travail.
Nous pourrions ainsi imaginer qu’un ouvrier à la chaîne ou qu’un professionnel du bâtiment ne cotisent "que" 160 trimestres (soit 40 années) pour bénéficier d’un taux plein, quand un directeur marketing ou une assistante de direction devront cotiser 170 ou 180 trimestres (soit 42,5 à 45 années). Ceci pour tenir compte du facteur pénibilité.
Admettons !
Mais le problème est que si les jeunes éprouvent de plus en plus de difficultés à s’installer dans la vie professionnelle, avec de vrais statuts et de vrais salaires, les travailleurs expérimentés, eux, ont de plus en plus de difficultés à s’y maintenir.
Il y a une vingtaine d’années, retrouver un emploi (ou le conserver) devenait problématique à 55/57 ans (donc après 35 à 37 années de cotisations pour une personne ayant entamé son activité à 20 ans).
Il y a 10 ans, cet «âge critique» est passé à 53/55 ans. Et aujourd’hui, les grosses difficultés commencent dès 50 ans.
Conséquence : le taux d’emploi des 55/64 ans en France est de 37,8% et de 13% sur la tranche 60/64 ans. (Source : Conseil d’Orientation des Retraites - 2005).
Ces paramètres rendent donc insoluble l'équation "Sauver les retraites = Allonger la durée de cotisations".
Et le chômage de masse, qui touche aujourd’hui 10% de la population active (2,6 millions de chômeurs en catégorie A), accentue plus encore les difficultés pour les jeunes d’accéder à un vrai emploi et celles des travailleurs expérimentés à le garder.
Une "carrière-type" peut aujourd’hui ressembler à ça : Sortie d’études à 20/22 ans, stages pendant 1 ou 2 ans, entrée effective dans la vie active à 22/24 ans, 30 à 35 années d’activité plus ou moins morcelée par des périodes de chômage, et une sortie probable entre 53 et 57 ans.
C’est la tendance qu’on observe aujourd’hui. Et le "pragmatisme" dont se prévalent nos dirigeants devrait les inciter non pas à augmenter la durée de cotisations mais à la diminuer (en cherchant ailleurs les financements correspondants) !
Car, si on passe à 170 trimestres cotisés (ou plus) pour bénéficier du régime de base, peu d’entre nous y parviendront.
On sauvera alors le système des retraites, mais pas les retraités ! Dès lors, des millions de personnes âgées se retrouveront sans le sou.
Rien de plus logique en définitive, puisqu’il y a de plus en plus de travailleurs pauvres en France.
Yves Barraud
Articles les plus récents :
- 25/04/2010 04:18 - Pôle Emploi : des radiations qui donnent envie de mourir
- 23/04/2010 04:03 - 275.000 chômeurs de plus d'ici fin 2011
- 18/04/2010 02:18 - Offres non pourvues : le chômeur est toujours fautif
- 15/04/2010 09:49 - Pôle Emploi perd son médiateur
- 15/04/2010 06:04 - 1,7 million d'embauches en 2010 ? Que de la poudre aux yeux !
Articles les plus anciens :
- 06/04/2010 05:34 - De la «fracture sociale» à la «valeur travail»
- 02/04/2010 19:22 - Après les Chômeurs et les Ouvriers, les Classes moyennes vont payer la casse sociale
- 29/03/2010 21:18 - Des amendes pour les recruteurs qui ne répondent pas aux candidatures
- 24/03/2010 03:01 - Martin Hirsch, le spécialiste de l'emploi bradé
- 23/03/2010 10:01 - Régionales : L’imposture Sarkozy enfin sanctionnée