Œuvrer en faveur de la pauvreté et non des pauvres (comme certains prétendent lutter contre le chômage en luttant contre les chômeurs), voici en quoi a consisté la brillante carrière de l'ancien président d'Emmaüs depuis qu'il croisa, un beau jour, la route de Nicolas Sarkozy...
Censé se substituer au RMI de Michel Rocard qu'il qualifiait de «totalement dépassé», son premier bébé accouché aux forceps, le Revenu de solidarité active, avait deux finalités. D'abord, mener la vie dure aux ex-RMIstes : ses règles d'application et son contrôle ont été durcis, dans certains cas le montant des allocations a été rogné et des droits connexes supprimés; beaucoup y ont perdu. Il s'agissait ensuite d'affecter ces petites économies, réalisées sur le dos des uns, en faveur d'un «assistanat nouvelle formule» qui fournirait un complément de revenu à d'autres jugés plus méritants, c'est-à-dire ceux qui acceptent ou n'ont pas d'autre choix que d'aller travailler à perte, le tout à la charge de la collectivité.
«Le RSA, c'est quand on travaille et qu'on ne s'en sort pas», clamait il y a un an un spot publicitaire visant à faire connaître cette usine à gaz dans le cadre d'une campagne qui coûta 2,2 millions d’€ (soit 400 années de RMI, 120 années de Smic ou 85 années de salaire médian). Le message était limpide : Travailler et ne pas s'en sortir est devenu parfaitement normal, c'est un fait établi qui ne souffre aucune contestation, et surtout pas celle consistant à opposer qu'il vaut mieux promouvoir les augmentations de salaires et en finir avec l'emploi précaire.
La contradiction est monumentale : ce gouvernement, qui n'a pourtant de cesse de stigmatiser les «assistés», encourage en même temps le développement de l'emploi bas de gamme ou en miettes; et le voici qui instaure un nouveau statut social bâtard combinant, pour une durée indéterminée, la banalisation du sous-emploi et l'assistance illimitée en guise de récompense ! Or, si le travail permettait de vivre décemment, il n'y aurait pas besoin d'assistance et encore moins d'un RSA «activité» (une aumône de 110 € par mois en moyenne pour un salaire plafonné à 1,04 Smic, de quoi donner bonne conscience aux employeurs de plus en plus tentés de n'offrir que des rémunérations minimum). Mais, ma bonne dame, de nos jours les augmentations de salaires en temps de crise sont réservées à une élite comme les personnels de l'Elysée, Henri Proglio ou les dirigeants de Renault !
L'ère du stagiaire amélioré
C'est donc Marc-Philippe Daubresse, nommé ministre des Solidarités actives et de la Jeunesse, qui reprend le flambeau. D'ores et déjà, il a annoncé qu'il voulait simplifier le dispositif laissé par Martin Hirsch mais, d'expérience, quand l'UMP parle de simplifier les choses, il faut rester sur ses gardes...
Et voici notre Martin Hirsch national nommé président de la future Agence du service civique où pourra s'épanouir son attachement à la vie associative puisque le service civique consiste à proposer à des jeunes, désœuvrés mais «volontaires» (quand on n'a pas le choix, on le devient), de travailler 6 mois à 1 an dans une association ou une collectivité publique (procédé qui va permettre de colmater les brèches des suppressions de fonctionnaires) contre un pécule de… 600 € par mois subventionné par l'Etat ainsi qu'une couverture sociale. Une fois de plus, pas question de créer des emplois véritables et pérennes qui, non seulement, permettraient enfin à ces jeunes de s'émanciper mais, plus généralement, réinjecteraient un volume de cotisations conséquentes dans les caisses déficitaires de la Sécu ou de l'Unedic.
Compromis entre le stage en entreprise et le petit boulot en contrat aidé, énième faux tremplin vers une intégration professionnelle, voici une formule qui, reléguant le Smic aux oubliettes et ponctionnant l'argent public, permettra d'occuper à bas prix une population (les 18-25 ans) durement touchée par le chômage sans résoudre les raisons socio-économiques qui conditionnent son présent et son avenir. Une voie de garage supplémentaire qui va contraindre, une fois de plus, notre jeunesse à n'être que de la main-d'œuvre pas chère avec un statut de sous-emploi.
L'enfer est pavé de bonnes intentions. Tel est Martin Hirsch, grand promoteur de l'emploi dégradé et de l'exclusion sociale, un consciencieux sans conscience persuadé de faire le bien alors qu'il œuvre sans relâche contre lui.
SH
Et à ce nouveau poste, sachez que Martin Hirsch sera grassement payé.
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