Et on les comprend. Si entrer en politique et servir son pays est, pour certains, une vocation mue par le désir d'œuvrer au nom de l'intérêt général, pour d'autres, gouverner est un métier où l'on fait carrière jusqu'au cercueil. Une fois entré dans le sérail, on intègre une dynastie qui œuvre pour ceux qui vous y maintiennent (et qui, détrompez-vous, n'ont rien à voir avec le "peuple souverain"…). Il faut dire que ça vaut le coup : salaires et indemnités diverses, avantages en nature, protection sociale, possibilités de cumul… le bénéfice est somptuaire.
C'est, paraît-il, «le coût de la démocratie» où «les politiques sont des professionnels» dont il faut récompenser le dévouement. Certes il est vrai que, dans le privé, certains seraient encore mieux payés : ainsi rêvent-ils de ressembler à ces grands patrons qui, même s'ils ont mis leur entreprise à genoux, partent avec des parachutes dorés et des retraites-chapeau. Dire que, dans leur bouche, le corporatisme est un mot noir quand il concerne des salariés qui défendent leur métier et leurs acquis, alors que le corporatisme en politique est bien réel, et le plus farouche qui soit.
La soupe est vraiment très, très bonne
Dans la vraie vie, grâce à la crise les salaires stagnent; grâce au chômage, les salaires d'embauche sont de plus en plus bas. Alors que 50% de la population vit avec moins de 1.600 € par mois et que 20% se débrouille avec un Smic, nos élites politiques se situent dans la tranche des 1% de Français qui disposent de plus de 7.500 € mensuels.
Dans la vraie vie, quand vous postulez pour un boulot, il vaut mieux avoir moins de 40 ans et un profil en totale adéquation avec le poste proposé : parcours atypiques et autodidactes s'abstenir. Au gouvernement, un âge avancé est signe de respectabilité (alors que, partout ailleurs, il est un critère d'obsolescence). Pour eux, l'emploi des "seniors" n'est pas un problème — il n'y a que ça, des vieux, au gouvernement — et on leur donne régulièrement une chance de se reconvertir ou de tenter une nouvelle expérience : ainsi peut-on troquer l'Immigration pour l'Industrie, l'Emploi pour les Affaire européennes, de l'Espace rural et l'Aménagement du territoire à la Justice...
Dans la vraie vie, la plupart de ceux qui cumulent plusieurs boulots le font par nécessité économique, jonglant avec précarité et salaires de misère. Au gouvernement, on vous autorise à occuper plusieurs postes (valorisants et très bien payés) et à cumuler intégralement vos traitements, même si vous négligez certaines de vos fonctions.
Dans la vraie vie, la sécurisation des parcours professionnels n'en est qu'au stade du débat et la protection sociale est considérée comme un privilège coûteux qu'il faut rogner. Au gouvernement, la "précarité" et la "pénibilité" ne sont pas de vains mots et indemnisés en conséquence.
Dans la vraie, quand votre casier judiciaire n'est plus vierge et que vous avez goûté à la prison, le marché du travail vous recale sans état d'âme. Au gouvernement, on accueille les ex-condamnés à bras ouverts. Etc, etc...
Objectif : 2012 !
A droite comme à gauche, tous n'ont que cette échéance en tête. A la télévision, les éditocrates et autres "experts" dissertent à longueur d'antenne sur ces stratégies politiciennes dont l'immense majorité des Français — qui a bien d'autres préoccupations — se moque. Le spectacle que nous prodiguent ces élites totalement déconnectées de la réalité est non seulement affligeant mais fleure bon le mépris.
Rien à fiche, de tous ceux qui souffrent de la crise. Rien à fiche de ce qui nous attend encore en 2011. De ce qu'elle voit, lit ou entend, l'immense majorité des Français a l'impression de ne plus être partie prenante. Elle assiste aux tribulations d'un petit monde qui n'a rien à voir avec le sien, qui l'ignore ou la traite avec condescendance, exigeant d'elle le contraire de ce qu'il s'applique pour lui-même. Elle ne se sent ni représentée, ni considérée. Même les plus assidus éteignent leur poste afin de ne plus subir cette comédie du pouvoir qui fait mal et ôte tout espoir. Assez ! Assez ! Comment faire cesser ce cauchemar ?
La stratégie du remaniement ministériel n'a pas pour but de continuer à redresser le pays (bien au contraire) mais de rester aux manettes. La finalité de l'homo politicus, c'est la grande cérémonie des élections présidentielles : là, il sort de sa tour d'ivoire pour draguer la plèbe. Avant, on rase gratis; après, on fait le contraire de ce qu'on a promis en défendant plus ou moins discrètement son bol de soupe.
Alors, sur la base de ce constat, certains diront que mes propos discréditent la fonction politique et jouent contre la démocratie. C'est oublier que ce sont ces individus, cette oligarchie, ces castes endogènes qui la foulent aux pieds continuellement et nous insultent, aujourd'hui plus que jamais.
SH
Articles les plus récents :
- 24/11/2010 17:31 - La CGPME invente la "préparation opérationnelle à l'emploi"
- 23/11/2010 11:02 - Emploi : le CAS prédit un retour à la normale d'ici 5 ans
- 19/11/2010 14:26 - 14 centimes pour le Smic, 84 milliards pour le CAC 40
- 18/11/2010 13:25 - La prime de Noël 2010 devrait être reconduite
- 17/11/2010 01:07 - Le retour de Xavier Bertrand
Articles les plus anciens :
- 10/11/2010 01:04 - Un Nobel d'économie qui invente l'eau tiède
- 09/11/2010 13:32 - Chômage des DOM : les chiffres de 2009
- 09/11/2010 10:51 - Et si on supprimait les Droits de l'Homme, tout simplement ?
- 05/11/2010 04:13 - Pôle Emploi : 1.800 postes supprimés d'ici fin 2011
- 29/10/2010 09:33 - EDF : nouveau coup de massue en janvier