Voici ses spots, que certains d'entre vous ont peut-être déjà vus à la télévision (ou entendus à la radio) :
La Préparation Opérationnelle à l'Emploi ou POE est donc un dispositif alléchant qui permet d'apporter une formation ciblée et «de qualité» au candidat chômeur plafonnée à 400 heures (soit 11 semaines), avec possibilité d'embauche à la clé (en CDI, ou en CDD de 12 mois minimum). Pour ce faire est signée une convention entre Pôle Emploi, l'entreprise et l'OPCA cofinanceur.
C'est Pôle Emploi qui défraie l'employeur : l'aide est fixée à 5 €/heure si la formation est dispensée par l'employeur lui-même, ou à 8 €/heure s'il fait appel à un organisme de formation externe.
Durant sa POE, le chômeur "stagiaire de la formation professionnelle" — qui passe en catégorie D — est rémunéré par l'allocation d'aide au retour à l'emploi-formation (AREF) ou par la rémunération des formations de Pôle Emploi. Ses frais éventuels de transport, de restauration et d'hébergement sont pris en charge dans le cadre de l'Aide aux frais associés à la formation (AFAF).
Sources :
• www.laformationpro.com
• Le document de présentation de la CGPME (en pdf)
Si l'affaire est entendue, le candidat signera son contrat de travail incluant… une période d'essai.
Mais si la POE n'est pas concluante, son sort, remis entre les mains de Pôle Emploi et ses "modalités d'accompagnement renforcé", n'est pas précisé : on nous dit que la non-embauche n'est pas sanctionnée, mais on ne sait pas si le dispositif suspend les droits en cours, comme c'est le cas pour l’AFPR (action de formation préalable au recrutement), usine à gaz dont on voit que la POE n'est qu'une version améliorée...
La période d'essai tombe en désuétude
Dans le temps jadis, la période d'essai permettait à l'employeur de tester son candidat, dont le profil correspondait au poste mais qui devait aussi se former sur le tas. Depuis la loi sur la "modernisation du marché du travail" orchestrée par Xavier Bertrand en 2008, sa durée a même été doublée afin de rassurer les employeurs les plus craintifs : on se souvient de Laurence Parisot qui, en 2005, avait dit : «Aujourd'hui, dans bien des cas, embaucher est un risque mortel» pour une entreprise... En opposition aux salariés "privilégiés" qui n'en prennent aucun (sauf celui de se retrouver au chômage selon le bon vouloir de leur direction), le patronat aime à vanter ses courageuses prises de risques alors qu'il s'arrange pour en prendre le moins possible.
En effet, le problème avec la période d'essai, c'est qu'il faut rémunérer le salarié sur la base du contrat de travail qui a été signé. Or, toute combine visant à faire des économies sur la masse salariale est bonne à prendre, et l'Etat est toujours partant pour soulager les entreprises de leurs "charges", petites ou grandes. Puisque la période d'essai est vécue comme une coûteuse prise de risque, il faut inventer des dispositifs qui la contournent et l'exonèrent, sous couvert de formation. «Avant, vous deviez attendre que la personne soit dans l'entreprise pour lui redonner de la formation. Là, elle sera 100% compétente et disponible», explique aux Echos Jean-Michel Pottier, le président de la commission formation de la CGPME.
On le voit, il s'agit de former un candidat sans prise de risque et à moindre coût puisqu'au total, l'OPCA et Pôle Emploi peuvent prendre en charge jusqu'à 90% du financement. «Grâce à la POE, j'ai aussi économisé 3 mois de salaire», témoigne ce jeune dirigeant.
Impostures et propagande
L’"employabilité", ce critère de dupes, est cœur de l'idée. Inventé par les employeurs et docilement repris par tous les acteurs du marché, de Pôle Emploi aux "partenaires sociaux", ce concept contribue non seulement à la baisse généralisée des salaires que le chômage de masse a instaurée en trois décennies via le déclassement de ses victimes, mais à déplacer la part d'investissement et de responsabilité revenant aux entreprises vers des fonds publics ou la collectivité.
Pire, la CGPME continue à nous faire croire que, malgré la crise, il y a toujours «des dizaines de milliers offres d'emploi non satisfaites». La faute à qui ? A ces fainéants de chômeurs qui ne veulent pas travailler ou, plutôt, aux employeurs (le président de la CGPME, Jean-François Roubaud, a cité le BTP parmi les secteurs peinant à trouver de la main d'œuvre) qui rechignent à offrir des salaires et des conditions de travail décents ?
Et sur quelles statistiques se base-t-elle alors que le compteur du site pole-emploi.fr est bloqué à 174.489 offres disponibles et qu'en septembre, Pôle Emploi n'a collecté que 265.400 offres dont la majorité étaient précaires ? La CGPME veut donner l'impression que, s'il y a autant de chômage, c'est uniquement parce que la demande ne rencontre pas l'offre : or, rien n'est plus simpliste. C'est oublier les centaines de milliers d'emplois détruits par la crise, et pour beaucoup de manière irréversible. C'est ignorer les conclusions du ministère du Travail qui, toujours en septembre, a noté que le niveau des "tensions sur le marché du travail" restait très bas : ce qui signifie qu'en cette période de disette, l'inadéquation entre l'offre et la demande s'est réduite.
Combien ça coûte ?
Telle est la question. Si le patronat ne veut plus augmenter les salaires ni assumer le coût de la période d'essai, il ne lésine pas sur ses frais publicitaires, quand bien même le nouveau dispositif qu'il nous vante est "en cours d'implémentation" — c'est-à-dire encore non opérationnel. «Le démarrage effectif de la POE n'attend plus que le système informatique opérationnel de Pôle Emploi, prévu fin novembre», dit Jean-Michel Pottier. Si tout se passe bien...
Enfin, j'ai eu beau chercher, le coût de cette "campagne de communication" est pour l'instant introuvable, et on ne sait qui la finance (la CGPME ? Pôle Emploi ? Les OPCA ?). Pour faire de la propagande — escamoter que c'est le patronat qui fait la pluie et le beau des emplois, non les chômeurs —, il y a toujours plus d'argent que pour revaloriser le Smic.
SH
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