Celui-ci se cristallise autour d'un partage de la valeur ajoutée défavorable aux salariés et des tensions sur les conditions de travail.
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Ralentissement des hausses de salaires et inégalités salariales
Depuis 1975, les gains salariaux sont déconnectés de la productivité apparente du travail, expliquent les auteurs, citant l'INSEE. Les rémunérations augmentent de moins en moins vite, ce qu'ils montrent de plusieurs façons.
D'abord, les négociations salariales sont peu nombreuses : 16% des entreprises seulement ont connu des discussions collectives sur les salaires. 40% de ces négociations n'aboutissent pas. Les obligations légales d'ouverture de pourparlers sur les salaires font l'objet "d'une application moyenne", selon les sénateurs.
De même, ils notent une tendance "à l'augmentation individualisées des salaires" de plus en plus forte, notamment dans les services. Cela favorise les disparités à long terme au sein même de l'entreprise.
L'examen des critères qui conduisent à l'augmentation de salaire est aussi surprenant. Les résultats financiers ne sont cités que par 20% des entreprises comme cause d'augmentations salariales. Donc, un fort bénéfice ne garantit pas des gains salariaux.
Un partage de la valeur ajoutée défavorable aux salaires
Mais les auteurs du rapport ne s'arrêtent pas là. Ils n'hésitent pas à remettre en cause le diagnostic d'une stabilité du partage de la valeur ajoutée, réaffirmé en 2009 par le directeur général de l'Insee, Jean-Philippe Cotis, dans un rapport à Nicolas Sarkozy. Les chiffres de l'OCDE, sur lesquels ils s'appuient, montrent en effet que la part des salaires a chuté de 15 points depuis 1975 dans l'Union européenne. En France, s'il n'existe pas d'étude globale, ils citent une enquête portant sur les 250 plus grosses entreprises cotées en bourse (SBF 250). Celles-ci ont augmenté la part de leur profit de près de 20 points depuis 1990 alors même que "l'intensité capitalistique de la production" est restée stable.
Les sénateurs estiment que les résultats obtenus par les autres études sur le sujet tendent à "sous-estimer la part des profits dans la valeur ajoutée", et que leurs conclusions "obligent non seulement à remettre en cause le consensus de stabilité du partage de la valeur ajoutée, mais encore à donner crédit à l'hypothèse d'une poursuite de la réduction de la part salariale dans la valeur ajoutée". Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer cet "affaiblissement du salariat" comme le niveau du chômage, l'augmentation des situations de monopole, la hausse de la part des femmes dans la masse salariale...
Une mutation des conditions de travail défavorable aux salariés
D'emblée, les deux sénateurs font le constat "d'abandons en termes de sécurité de l'emploi", alors qu'augmentent les formes de travail précaire. En contrepartie, on a cherché à renforcer l'employabilité et la motivation des individus, même si les discours manageriaux "sont souvent illusoires".
Sous l'effet de la mondialisation, les entreprises sont passées sous un mode de gouvernance "corporate", qui transfère une grande partie du pouvoir de direction aux investisseurs. Ainsi, note le rapport, les lieux de décisions "se sont éloignés des salariés", participant à une dégradation des relations sociales. La réduction du temps de travail, autant que les impératifs de rentabilité, conduisent à une intensification du travail et à une pression accrue sur les salariés.
Or, la "vulnérabilité accrue" des salariés à entraîne des "coûts objectifs" pour une entreprise. Une étude de l'INRS de 2009 montre que le stress au travail couterait entre 2 et 3 milliards d'euros par an, ce qui est une "estimation basse". De manière générale, le "climat de défiance est contre-productif pour l'entreprise".
Quelles solutions ?
Pour les sénateurs, la situation ne fera que se dégrader si la tendance reste la même et si le législateur n'intervient pas. Disant vouloir "respecter les mécanismes du marché", ils appellent à revaloriser le travail, tant financièrement que qualitativement, réguler les excès de concurrence, produire les biens publics par l'Etat... Le code du travail doit être "rénové" et adapté. Ils estiment l'échelon national dépassé, notamment en termes de politique économique, et veulent réhabiliter le "long terme" dans les stratégies des entreprises. Enfin, M. Bourdin et Mme Schillinger prônent un "gouvernance plus partenariale" où l'ensemble des acteurs trouverait sa place.
Reste à savoir si ce rapport aura le commencement d'une traduction législative.
(Source : L'Expansion)
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