Chez les bons économistes — l’équivalent des bons auteurs… —, cela va être le tube de l’été. Et ils savent comment le susciter : n’ayant rien pour étayer l’hypothèse d’une subite avancée technologique propulsant la productivité, ils se rabattent sur la diminution du coût du travail.
Le coût du travail, encore une notion à définir car celui-ci peut être calculé différemment selon que l’on ajoute ou non aux salaires les primes de toutes natures et cotisations sociales, les coûts de recrutement, de formation et… de licenciement. Gare aux comparaisons !
Un «choc d’offre», qui sonne comme le remède à un arrêt du cœur, est une perturbation exogène qui affecte le prix de vente d’un produit. Il y a bien entendu des chocs d’offre négatifs comme il y a une croissance négative (plus vulgairement appelée "récession"). L’augmentation du prix de l’énergie est, par exemple, un choc d’offre négatif parfaitement identifié.
C’est la théorie qui le dit : en réduisant le coût du travail, on créerait un choc positif qui relancerait un cercle vertueux : la baisse des prix augmenterait les marges des entreprises et favoriserait, au final, l’embauche. À condition toutefois que les consommateurs aient les moyens d’acheter les produits ! D’où une astucieuse variante qui prévoit que la production sera écoulée à l’export, le marché intérieur ne pouvant l’absorber.
Oublié, le développement du marché intérieur que l’on laisse à son triste sort ! On revient donc à cette vieille lune selon laquelle le salut serait trouvé à l’export, à l’image de l’Allemagne dont la balance commerciale excédentaire est un must. (L’Allemagne, dont certains disent à juste titre qu’elle «est à l’Europe ce que la Chine est au monde».)
Le «mal français»
Honneur aux plus méritants et performants, car tout le monde ne peut pas être exportateur net ! Reste à identifier la production exportée et les acheteurs par une banale étude de marché et un peu de prospective.
Un Flash économie de Natixis vient heureusement à la rescousse. Il insiste sur le retour impératif de la profitabilité des entreprises, celles-ci ne pouvant pas répercuter dans leurs prix de vente — à la baisse pour conquérir de nouveaux marchés où la concurrence sur les prix est forte — la hausse de leurs coûts de production. C’est le mal français dans toute sa splendeur, dont indubitablement témoigne le résultat des entreprises du CAC 40 !
Comme expliqué, «cette situation est largement attribuable au faible niveau de gamme de la production française, qui force les producteurs à ajuster leurs prix à la baisse pour répondre à la concurrence des émergents, ce qu’on ne voit pas du tout en Allemagne par exemple». Pourtant, la note ne s’attarde pas sur la cause de cette malencontreuse déficience pour ne s’en tenir qu’à ses conséquences.
«La faible profitabilité de l’industrie en France explique la stagnation de la capacité de production, les délocalisations et la perte de parts de marché à l’exportation, les pertes d’emplois industriels, le déficit extérieur pour les produits manufacturés.» Elle écarte également, après les avoir reconnus, les effets de l’appréciation de l’euro jusqu’en 2008 qui a amené les entreprises à baisser leur prix en euros à l’export, portant ce faisant elles-mêmes atteinte à leur profitabilité sans que le coût du travail n’y soit pour quelque chose !
Un «choc d’offre» est donc la solution toute trouvée, puisqu’«une remontée du niveau de gamme» est écartée sans autre forme de procès.
Trois options s’offrent alors, selon la note : baisser le salaire horaire, diminuer les "charges" sociales, ou dévaluer la monnaie. Exit la dernière, bien qu’elle soit en train d’intervenir. Il ne reste donc que les deux premières, CQFD. Et à calculer le montant optimum du coût du travail.
Quand il s’agit de fournir l’emballage, les bons économistes ont plus d’un tour dans leur sac. En l’occurrence, l’offre est pour les autres… et le «choc» pour nous.
(Source : Le blog de Paul Jorion)
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