Elle est passée par ici, elle repassera par là… Depuis que Le Monde a levé le lièvre mardi, l’hypothèse d’un relèvement du taux de TVA a déclenché une levée de boucliers. Tous les secteurs potentiellement concernés sont montés au créneau pour défendre leur bout de gras, au nom des conséquences qu’aurait pour les Français une hausse inconsidérée des prix. C’est vrai : mathématiquement, plus les prix augmentent, moins les Français consomment. La consommation étant aujourd’hui le premier moteur de la croissance, il serait malvenu d’y toucher.
8 milliards à trouver
Le gouvernement n’a pourtant guère le choix. Car le budget 2012 présenté il y a quelques semaines par François Baroin est caduc avant même d’être entré en application. Il est en effet basé sur une croissance de 1,75% l’année prochaine, un chiffre que la plupart des économistes jugent fantaisiste. Nicolas Sarkozy s’est d’ailleurs résigné jeudi soir à réduire cette prévision pour la ramener à 1%. Ces 0,75% de différence représentent pour l’Etat un manque à gagner de «6 à 8 milliards d’euros», selon le président de la République. Or, cet argent est indispensable pour mener à bien l’effort de réduction du déficit public, qui doit être ramené de 5,7% cette année à 4,5% l’année prochaine et à 3% en 2013.
Pour tenir cet objectif, le gouvernement va donc devoir trouver de nouvelles recettes. Sauf que les possibilités s’amenuisent : les niches fiscales ont été déjà beaucoup rabotées [1], les plus hauts revenus ont été mis à contribution [2], les taxes sur l’essence, le tabac, les sodas et l’alcool relevées. Mais ces mesures s’apparentent surtout à du saupoudrage et ne permettent que de gagner quelques centaines de millions d’euros. Pour avoir un réel impact sur les rentrées d’argent, il faudrait toucher aux principales recettes : l’impôt sur le revenu (58 milliards d’euros prévus dans le budget 2012), l’impôt sur les sociétés (46 milliards) ou la TVA (136 milliards). Et c’est la TVA, impôt injuste par excellence, qui a la préférence du gouvernement.
Augmentations ciblées
Il ne s’agit surtout pas d’augmenter le taux de base. Comme le rappelait Nicolas Sarkozy jeudi soir, «une augmentation généralisée de la TVA ? En aucun cas. Pour une raison assez simple : c’est que ça pèserait sur le pouvoir d’achat des Français, sur la consommation des Français». La consommation est déjà suffisamment faible aujourd’hui sans qu’on la plombe encore.
Le ministère des Finances s’intéresse plutôt au taux réduit de 5,5%. Beaucoup de produits en bénéficient aujourd’hui : une grande partie de l’alimentation (à l’exception des confiseries et du chocolat), le bois de chauffage, la nourriture pour le bétail, les médicaments, la restauration, l’hôtellerie, les appareils pour handicapés, les opérations liées aux logements sociaux, celles liées aux personnes âgées, les œuvres d’art, les spectacles, les parcs à thème, les musées, les livres, la restauration, les travaux dans les habitations… La liste n’en finit pas. Si pour certains d’entre eux le taux réduit se justifie pleinement (l’alimentation par exemple, ou encore les médicaments), la question peut légitimement se poser pour d’autres.
C’est à ceux-là que Bercy veut s’attaquer en créant un taux intermédiaire entre celui à 5,5% et celui à 19,6%. Les biens et services pour lesquels le taux réduit ne se justifient pas, au premier rang desquels l’hôtellerie, les travaux et pourquoi pas la restauration, pourraient y être assujettis. Reste à déterminer ce nouveau taux. Selon certains, il pourrait être de 7%, comme c’est déjà le cas en Allemagne. Selon Philippe Marini, le président UMP de la commission des finances du Sénat, faire passer le taux de TVA de la restauration, de l’hôtellerie et de la rénovation de logements de 5,5% à 8% permettrait de dégager 7 milliards d’euros supplémentaires.
(Source : France Soir)
[1] FAUX ! Selon l'Inspection Générale des Finances, qui a examiné 70% des niches fiscales et sociales existantes, 19% des niches fiscales (pour un coût de 11,7 milliards) et 9% des niches sociales (pour un montant 3,3 milliards) ainsi scrutées sont estimées "inefficaces". De la même manière, 47% des niches fiscales (pour un montant de 28 milliards) et 27% des niches sociales (pour un manque à gagner de 9,5 milliards) sont estimées "peu efficientes". Soit une facture totale de 52,5 milliards d'euros pour des dispositifs dont la totale utilité n'est pas prouvée.
[2] FAUX ! Les riches viennent d'échapper à l'instauration d'une tranche d'impôt supplémentaire de 46% pour les revenus supérieurs à 150.000 euros par part : dans l'absolu, pour que l'impôt redevienne juste et redistributif, il faudrait doubler le nombre de tranches.
Quant à la "taxe exceptionnelle sur les hauts revenus", elle sera de 3% sur les revenus de 250.000 à 500.000 euros et de 4% au-delà de 500.000, jusqu'à ce que les finances publiques soient à l'équilibre. Calculée sur revenu fiscal de référence, elle concernera de 26.000 à 27.000 foyers et devrait rapporter 410 millions d'euros. Sur cette base, un célibataire qui gagnerait juste en dessous de 500.000 euros, soit 40.000 euros par mois, devra s'acquitter de 625 euros par mois seulement !
Enfin, il faut rappeler qu'en juin le gouvernement a épargné la moitié des contribuables de l'ISF pour un manque à gagner de 1,8 milliard d'euros. Et les 260.000 contribuables qui continuent à payer l'ISF ont obtenu une déduction fiscale de 300 € par enfant à charge !
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