La Cour des comptes, qui a remis le 30 mai plusieurs rapports destinés à certifier les bilans financiers de l'Etat, a fait une découverte assez étonnante : en 2011, les sommes allouées à la lutte contre le chômage n'ont pas été intégralement utilisées. Mieux : ces crédits non consommés se situent à «un niveau inhabituellement élevé», atteignant 5% de l'enveloppe totale. Les économies les plus substantielles ont été réalisées sur l'un des chapitres essentiels de cette cause nationale : «l'accompagnement des mutations économiques et le développement de l'emploi».
Or, cette pingrerie a eu des conséquences d'autant plus lourdes qu'elle touchait un budget 2011 dans lequel les aides à l'embauche avaient déjà baissé de 19%. Bref, quand Fillon affirmait que l'emploi était prioritaire, il fallait comprendre qu'il l'était effectivement… pour réduire les dépenses de l'Etat.
Touchez pas au grisbi !
Aucun domaine n'a été épargné par cette mise au régime sec : contrats aidés destinés à embaucher des chômeurs, exonérations sociales accordées aux secteurs en grande difficulté, subventions des bassins d'emploi frappés par des restructurations, et même maintien des seniors dans leur boulot... D'où une amusante schizophrénie : pendant que Sarko prêchait à la télé pour que les vieux bossent le plus tard possible et que les chômeurs victimes d'un plan social soient prioritaires, son ministre Xavier Bertrand oubliait d'ouvrir sa bourse encore pleine pour appliquer cette politique.
Les chiffres livrés par les magistrats de la Cour des comptes donnent le vertige : sur les cinq années du «sarkonnat», les dépenses pour faciliter l'accès ou le retour à l'emploi ont chuté de 17,4%, les contrats aidés de 28%. Autre record : l'aide au temps partiel qui, en période de crise, permet de limiter la casse sociale, est tombée de 312 millions en 2009 à 69 millions en 2011.
Et ça aurait pu être pire. Le dispositif triennal adopté par le gouvernement Fillon, qui devait courir jusqu'en 2013, prévoyait une réduction considérable des crédits pour l'emploi (11% en moyenne chaque année). «On ne peut que s'interroger sur la soutenabilité (sic) d'une telle trajectoire», souligne la Cour. Impitoyables, les magistrats rappellent le dogme, alors en vigueur en 2011, de l’«amélioration attendue du marché du travail» quand le chômage explosait. L'«électorabilité» de Sarko a, elle aussi, chuté.
Alain Guédé - Le Canard Enchaîné du 13 juin 2012
NDLR : Ceci expliquant cela, c'est pourquoi, visiblement, Michel Sapin a tout à fait les moyens de débloquer 80.000 contrats aidés supplémentaires...
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