Finance et assurance, la face cachée du lion
C’est vraiment avec le plus grand étonnement que j’ai découvert, ce jeudi 12 juillet, que le groupe PSA fabriquait des automobiles...
PSA venait d’annoncer pour 2014 l’arrêt de la production dans son usine d’Aulnay-sous-Bois et la suppression de 8.000 emplois en France. Là, j’avoue que je suis tombé des nues. Ils fabriquaient visiblement des véhicules, et personne ne m’avait rien dit.
Je connaissais pourtant fort bien les filiales qui composent le Groupe PSA :
Faurecia, le spécialiste en ingénierie et de production d’équipements, dont le chiffre d’affaire a augmenté de 4 milliards en 4 ans.
Gefco, le groupe de transport et de logistique dont le chiffre d’affaire de 3 milliards aura permis de dégager 223 millions de bénéfices en 2011.
Et surtout Banque PSA Finance, qui représente 3% du chiffre d’affaires mais 40% du résultat opérationnel du groupe PSA en 2011, dont le chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros a permis de dégager un résultat opérationnel courant de 507 millions d’euros.
Je connaissais aussi les sous-filiales d’assurance (pourtant discrètes) de Banque PSA Finance : PSA Services Ltd, PSA Insurance Ltd et PSA Life Insurance Ltd qui sont domiciliées à Malte — sans aucun rapport bien sûr avec le fait que Malte soit un paradis fiscal, mais plus simplement parce qu’il y fait souvent un temps superbe et qu’il est fort agréable d’y aller pêcher au large...
Je me souvenais même que Banque PSA Finance avait réalisé avec succès une émission obligataire à taux fixe d’un montant de 600 millions d’euros il y a quelques semaines, le 20 juin 2012, opérée avec les banques partenaires Banca IMI, BNP Paribas, Bank of Tokyo Mitsubishi, HSBC, Unicredit et CM-CIC. Tout semblait aller bien pour Banque PSA Finance, petit poisson courageux parmi les requins de la finance internationale.
Le PDG Philippe Varin déclarait même dans le document de synthèse en s’auto-congratulant : «Cette deuxième émission en euros de l’année vient confirmer la capacité de Banque PSA Finance à saisir les opportunités offertes par le marché obligataire et à accéder à la liquidité malgré la forte volatilité des marchés financiers.»
Donc, je savais que PSA était un peu équipementier, faisait un peu de logistique, et surtout était une Banque et un organisme financier. Mais un fabriquant de véhicules, ça j’avoue que j’étais totalement passé à côté !
Je savais aussi que la famille Peugeot était la première fortune française (4,4 milliards d’euros via une Holding crée en 1929) résidente en Suisse, puisque plusieurs membres s’y étaient installé il y a belle lurette — non pas pour échapper à l’imposition fiscale française, mais pour la qualité de l’air pur des montagnes helvètes et la beauté paisible et propice à la méditation, des pâturages verdoyants. Comme l’écrivait feu l’écrivain anglais George Mikes, «les Suisses ont su construire un très beau pays autour de leurs hôtels»...
Je savais que le dirigeant du groupe, Philippe Varin, avait été promu officier de la Légion d’honneur le 14 juillet 2011, ce qui n’est qu’un début, puisqu’il est encore loin d’être Grand-croix comme Jean Todt (un type qui savait comment consommer beaucoup de pétrole super vite) ou Grand officier comme Bernard Arnault (notre plus riche compatriote dont il faut bien savoir récompenser les 24 milliards). Je savais donc que Philippe Varin avait des progrès à faire, mais qu’il était sur la bonne voie.
Mais alors, cette histoire de PSA qui fabrique des automobiles dans le 93, ça n’avait plus rien de cohérent...
J’avais aussi regardé qui étaient les salariés les mieux payés du Groupe :
Philippe Varin, Président du Directoire (rémunération 2010 : 3.253.700 €)
Jean-Marc Gales, Direction des marques (rémunération 2010 : 1.266.000 €)
Frédéric Saint-Geours, Direction des Marques (rémunération 2010 : 1.266.000 €) et accessoirement président de l'UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie, branche influente du Medef)
Guillaume Faury, Directeur Recherche et Développement (rémunération 2010 : 1.266.000 €)
Grégoire Olivier, Directeur Asie (rémunération 2010 : 1.362.820 €)
Or, avec un Directoire de gens aussi correctement payés — preuve est donc faite de leur extrême compétence —, était-il véritablement nécessaire de continuer à fabriquer quoique ce soit ?
Mais n’ayons pas d’inquiétude, aucun de ces salariés hyper-compétents ne sera heureusement impacté par le nettoyage qui va être fait. J’ai en effet regardé depuis dans le détail ce plan salutaire d’épuration sociale, et il va dans le bon sens : 1.400 postes vont être supprimés dans la recherche et le développement, ce qui est somme toute logique, et 4.400 postes dans la production, ce qui est un véritable soulagement pour le département «Finances et comment faire du Cash» du Groupe PSA.
Philippe Varin est sur la bonne voie, comme le prouve son discours du 15 février 2012 : «Nous mettons en place un programme soutenu de management du cash : les mesures d’économie de 800 millions d’euros annoncées en octobre dernier sont complétées pour atteindre 1 milliard d’euros. Par ailleurs, un programme de cessions d’actifs, d’un montant de 1,5 milliard d’euros environ, incluant CITER, est lancé. Il comprend la valorisation d’actifs immobiliers et l’ouverture du capital de Gefco. Notre situation financière reste robuste et sécurisée.»
Me voilà donc rassuré, le Groupe PSA continuera à valoriser ses actifs immobiliers et à ouvrir son capital à d’autres organismes financiers. C’était un bon début, car après l’arrivée dans le capital de PSA du Groupe Natixis AM, du Groupe BNP Paribas, de la Banque Barclays ou du hedge-fund Templeton Global Advisors, je trouvais que le rythme de la financiarisation du groupe laissait franchement à désirer !
PSA peut faire beaucoup mieux pour que soient prises les bonnes décisions. Il serait bon de supprimer totalement les dernières velléités industrielles du Groupe pour se concentrer sur la finance, bien plus rentable. On pourrait par exemple envisager la création d’un département HFT (High Frequency Trading) qui permettrait de spéculer via des filiales opaques dans les paradis fiscaux sur les émissions d’obligations ou d’actions du Groupe.
C’est la synthèse des résultats financiers 2011 qui nous le dit : «Banque PSA Finance dispose d’une structure financière solide grâce à un ratio de solvabilité Bâle II supérieur à 14% et d’une sécurité financière, via des lignes de crédit non tirées et une réserve de liquidité, permettant d’assurer en permanence plus de 6 mois d’activité sans recours à des financements complémentaires.»
Bien inspiré, Philippe Varin se concentrera désormais j’espère sur le recrutement de traders, d’analystes financiers, de courtiers, de spécialiste en optimisation fiscale, et de conseillers en placements off-shore de contrats d’assurance-vie.
Augmenter le taux de rentabilité des actionnaires du Groupe en fabriquant des voitures, je me demande bien qui a pu avoir une idée aussi saugrenue chez PSA !
(Source : Reflets.info)
MISE À JOUR DU 8/03/2013 : PSA lance un livret d'épargne au nom de l'économie réelle...
On y apprend que la création de ce livret entre dans la stratégie de diversification des sources de financement de PSA Peugeot Citroën, et son directeur financier assure que les besoins de financement actuels du groupe sont déjà "couverts pour plusieurs années" : de quoi réjouir les salariés de PSA dont l'emploi est actuellement menacé.
A noter qu'il y a un an, Renault — via sa filiale bancaire RCI — s'était déjà engouffré dans la brèche avec le livret d'épargne en ligne Zesto "à taux boostés". Ou quand une "image dégradée" chasse l'autre.
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