En juin, selon des chiffres récents, le nombre d'intérimaires a baissé de 60.000 sur un an (–9%). Ainsi, à l'usine Sovab, filiale de Renault à Batilly (Meurthe-et-Moselle), les contrats de 340 intérimaires n'ont pas été renouvelés au deuxième trimestre. Chez PSA, selon la CGT, le site de Sochaux a vu partir, sur la même période, 350 intérimaires auxquels viendront s'ajouter 300 autres en octobre.
"Avant d'engager un plan de sauvegarde de l'emploi [PSE, plan social], les entreprises en difficulté commencent par ne pas renouveler les intérims et les CDD, rappelle Annie Jeanne, présidente de l'Association nationale des directeurs de missions locales pour l'emploi des jeunes. Cela se fait sans douleur apparente, sans état d'âme, sans discussion au comité d'entreprise car l'entreprise n'est pas l'employeur des intérimaires. Il y a une sorte de voile sur ce phénomène de casse sociale."
PAS DE SUIVI
Les intéressés déplorent qu’"on ne parle pas d'[eux]", comme le dit Jean-Claude, 35 ans, sans contrat depuis l'été 2011. Il en vient presque à regretter d'avoir refusé le CDI proposé en 2009 dans un centre d'appels. "Les conditions de travail étaient déplorables, explique-t-il. Je pensais trouver du boulot ailleurs. La crise paraissait loin, vue de ma région", dans l'ouest de la France. En 2010, il trouve un contrat de huit mois. A l'été 2011, il en décroche un de trois mois. Puis, plus rien. Le 1er septembre, Jean-Claude, désormais au RSA (revenu de solidarité active), devrait commencer un CDD d'un mois. "Un coup de bol. J'avais un piston."
Edith, elle, à 60 ans, a décidé de prendre sa retraite, même si elle ne percevra que 700 euros par mois. Ce sera toujours plus que son RSA. La crise, elle l'a prise de "plein fouet", dit-elle. En 2009, "j'ai eu un contrat de quinze jours dans une société d'autoradios et on m'avait dit que ça pourrait durer six mois. Mais est arrivée la grosse crise." L'entreprise a fermé. Depuis septembre 2011, Edith n'a pas eu le moindre travail.
Qui suit ces précaires ? Qui les aide ? "Les intérimaires ne sont pas laissés à eux-mêmes, assure François Roux, délégué général de la fédération patronale des Professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi (Prisme). Les agences reprennent les intérimaires dès que c'est possible." Edith conteste : "Quand l'entreprise d'autoradios a fermé, on ne m'a rien proposé. Les sociétés d'intérim ne s'occupent plus de nous quand un contrat s'achève."
NON SYNDIQUÉS
Les organisations syndicales ont peu de contacts avec ces collègues de passage. "Souvent, ils n'adhèrent pas aux syndicats", justifie-t-on à la CFDT d'ArcelorMittal. "On n'a pas de suivi des intérimaires partis, renchérit Alain Delaveau, secrétaire de la CGT de la Fonderie du Poitou Fonte (Maine-et-Loire). Nous sommes déjà débordés par un tas de réunions. Et eux ne viennent pas nous voir quand ils partent." Et d'ajouter : "Dans les PSE, aucun accompagnement n'est prévu pour les fins de contrats d'intérim. Il y a un vide juridique. C'est aux politiques d'agir."
Des actions solidaires entre CDI et intérimaires ont parfois lieu, comme celle, début juillet, dans l'activité peinture de l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois. Elle a débouché, pour les intérimaires, sur le renouvellement de leurs contrats d'octobre à janvier 2013 et sur un accompagnement par les sociétés d'intérim avant la fin de leur mission. Mais que se passera-t-il si le site d'Aulnay ferme ? Il compte 375 intérimaires, selon la CGT, et ce nombre devrait augmenter d'ici à la fermeture, au rythme des mutations des salariés en CDI vers d'autres sites. "Si on en vient à négocier un PSE, on demandera la même prime pour tous, avance Philippe Julien, secrétaire CGT du site. Sur les chaînes de montage, ils représentent 50% à 80% de l'effectif. Si on veut mener des grèves, il faut les mettre dans le coup."
Depuis mars, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), destiné à l'origine aux salariés licenciés économiques des entreprises de moins de 1.000 employés, est expérimenté dans 28 bassins d'emploi pour les personnels en fin de mission d'intérim, de CDD ou de contrat de chantier. Cette mesure, prise dans le cadre d'un accord entre l'Etat et le Prisme, propose un soutien renforcé pour aider ces travailleurs à retrouver un emploi stable. Les formations sont financées par le Fonds d'assurance formation du travail temporaire et 8.700 places ont été programmées. Un tout premier pas, encore insuffisant, pour réduire les inégalités face à la perte d'emploi.
(Source : Le Monde)
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