Contraint par l'opinion publique, le gouvernement portugais a reculé. Les nouvelles mesures d'austérité annoncées ces dernières semaines ne seront pas appliquées.
Réuni pendant plus de huit heures, le Conseil d'Etat, convoqué par le président Anibal Cavaco Silva, a fait part, dans la nuit de vendredi à samedi, "de la disponibilité du gouvernement d'étudier des alternatives" aux dernières mesures d'austérité. Le Conseil, un organe consultatif composé d'anciens présidents et de différentes personnalités, a précisé que discussions auraient prochainement lieu entre le gouvernement, les syndicats et le patronat. Il a appelé l'exécutif à déployer "des efforts pour que l'assainissement des finances publiques et les transformations structurelles de l'économie améliorent les conditions pour l'emploi, tout en préservant la cohésion sociale".
"Robin des Bois des riches"
Rappel des faits. Le 7 septembre, le Premier ministre de centre-droit, Pedro Passos Coelho, avait décidé d'augmenter l'année prochaine les cotisations sociales des salariés de 11% à 18% et de réduire dans le même temps les cotisations patronales de 23,75% à 18%. Ce projet avait provoqué un flot de critiques et lui avait valu le surnom de "Robin des Bois des Riches". "La mesure emblématique de la baisse des cotisations patronales, compensée par la contribution accrue des travailleurs, est mort-née. Paix à son âme", a commenté samedi le quotidien Diario de Noticias dans un éditorial.
Alors que le Conseil d'Etat était réuni, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées devant la présidence et y sont restées jusqu'à la fin des délibérations pour clamer leur mécontentement. "Voleurs, voleurs...", "Le peuple est fatigué d'être volé et humilié", ont scandé les manifestants. Les protestataires répondaient à un appel, lancé sur les réseaux sociaux, par un mouvement apolitique [1] déjà à l'origine des manifestations qui, il y a une semaine, avait réuni des centaines de milliers de personnes à Lisbonne et dans une trentaine de villes.
La classe politique est secouée
L'ampleur de la contestation a surpris la classe politique et pris de court les syndicats. De crainte de perdre la main, la principale centrale, la CGTP, a annoncé un grand rassemblement à Lisbonne le 29 septembre.
Frappé par une grave crise économique, le Portugal, a obtenu en mai 2011 une aide de 78 milliards d'euros de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, en contrepartie d'un sévère programme de réformes et d'austérité. Problème, la rigueur a entrainé un recul du PIB de plus de 3% au deuxième semestre et le chômage dépasse désormais 15% de la population active. Le gouvernement, qui peine a réduire ses déficits, a obtenu de la "troïka" (UE-FMI-BCE), représentant les bailleurs de fonds du pays, un délai pour y parvenir alors que le renforcement de l'austérité, prévue par M. Passos Coelho, était également destinée à rassurer les créanciers.
Tensions au sein du gouvernement
Face au mécontentement, le Premier ministre a dû mettre de l'eau dans son vin. Lors d'une intervention au Parlement, précédant la réunion du Conseil d'Etat, il s'était déjà déclaré disposé "à discuter du problème" du renforcement de l'austérité. "Je ne confonds pas la détermination et l'intransigeance", avait-il dit. Une forte tension était également apparue au sein de la coalition au pouvoir, entre le Parti social-démocrate (PSD) de M. Passos Coelho et le parti conservateur (CDS-PP) du ministre des Affaires étrangères, Paulo Portas, partisan d'une révision des mesures. Les deux partis ont toutefois réussi à surmonter leurs divergences et réaffirmé, à l'issue d'une récente réunion, leur volonté de préserver la coalition.
(Source : La Tribune)
[1] C'est ce qu'on dit pour discréditer la politique et faire croire que le bon peuple ne s'y intéresse pas (comme ça, les politiques peuvent continuer à faire leur sale cuisine sans lui, sur un air de Tina — There is no alternative). Sauf que, dès l'instant où il descend dans la rue, le bon peuple fait de la politique, non ? Et, quand il descend dans la rue, c'est pour revendiquer une autre politique, pas vrai ?
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