1. Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de l’Union économique et monétaire (UEM) fixe une «règle d’or» d’équilibre ou de quasi-équilibre budgétaire immuable, ce qui revient à interdire toute marge de manœuvre pour les politiques économiques. Il fait donc abstraction de la récession générale qui sévit depuis que la crise financière a entraîné les économies dans la débâcle : ainsi, il va accroître les difficultés, ajouter de la récession à la récession, du déficit au déficit, de la dette à la dette.
2. Sans doute (in)consciente du choc que ce Pacte va provoquer, la Banque centrale européenne a annoncé qu’elle achètera «sans limite» sur le marché secondaire des titres publics à échéance courte en cas de difficulté des États, mais en revendant pour des montants équivalents des titres privés, de façon à stériliser la création de monnaie précédente. Ainsi, la BCE + le TSCG prorogent la situation qui fait qu’il n’y a pas en Europe de véritable banque centrale qui soit «prêteur en dernier ressort» pour l’ensemble de l’économie.
3. Comme rien n’est prévu pour qu’existe un véritable budget européen, le Pacte entérine les différences de développement entre les pays membres de l’UEM, sur lesquelles les entreprises en position dominante pourront jouer en faisant produire par des travailleurs sous-payés dans les pays les plus faibles économiquement.
4. Il soumet à une «stricte conditionnalité» l’aide financière éventuelle apportée par le Mécanisme européen de stabilité (MES) ; celui-ci n’ayant pas le statut de banque ne pourra se refinancer auprès de la BCE et il empruntera sur les marchés financiers qui garderont ainsi la main : la boucle sera bouclée depuis l’interdiction faite aux États d’emprunter auprès de la BCE, le plongement dans l’endettement public auprès des marchés, jusqu’à l’«aide» apportée par les mêmes marchés.
5. En obligeant les États à des coupes budgétaires énormes dans les dépenses publiques et sociales, il permet aux classes dominantes d’éviter une réforme fiscale d’ampleur qui leur ferait restituer au moins une partie des richesses qu’ils ont concentrées depuis trois décennies.
6. Il perpétue la conception absurde selon laquelle les dépenses publiques parasiteraient l’économie marchande, car elles seraient payées par un prélèvement sur cette dernière, seule considérée comme productive. Or les travailleurs des services non marchands produisent la valeur économique de ceux-ci et lesdits prélèvements obligatoires sont effectués sur un revenu global déjà augmenté de cette valeur : en France, cela représente un bon quart du PIB.
7. En refusant de soumettre ce Pacte au suffrage populaire, les dirigeants européens font une entorse grave à la démocratie. Entorse que le Pacte aggrave dans la mesure où il obligera les États à soumettre leur projet de budget annuel à l’approbation de la Commission européenne, selon une procédure appelée «le semestre». Et, si le Pacte n’était pas ratifié, les «six-pack» et «two packs» sont déjà prêts pour faire la même chose. Mais, peut-être, ce manquement à la démocratie n’est-il pas une erreur mais une décision délibérée, ces dispositifs ayant pour ultime finalité de perpétuer le règne de la finance capitaliste.
(Source : Alternatives Economiques)
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