Selon nos informations, Jean-Marc Ayrault doit annoncer lundi 21 janvier, à l’occasion d’un Comité interministériel de lutte contre l’exclusion (Cile), qu’il confie à l’ancien secrétaire général de la CFDT la mission de suivre l’application de son plan pluriannuel contre la pauvreté qui, d’ici à 2017, devrait coûter 2,5 milliards d’euros par an. Une mission que François Chérèque assumera dans le cadre de ses toutes nouvelles fonctions d’inspecteur général des affaires sociales à l’Igas. Un pas de plus dans la sphère politique pour celui qui, le 12 janvier, est également devenu président du laboratoire d’idées Terra Nova, considéré comme proche du PS.
Un poste-clé du gouvernement
François Chérèque avait fait de l’indépendance vis-à-vis du pouvoir une marque forte de son mandat à la CFDT. Durant la course à l’Élysée, le syndicaliste, fils de Jacques Chérèque, ex-numéro deux de la CFDT et ministre de Michel Rocard [1], avait même positionné son organisation comme «ni neutre ni partisane», à la différence de la CGT qui avait appelé à voter contre Nicolas Sarkozy [2]. Aujourd’hui, il s’apprête à occuper un poste clé pour la gauche — même s’il n’entre pas au gouvernement, dont une vingtaine de membres sont déjà engagés dans la réussite du plan défini le 11 décembre à l’issue de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté.
Le premier ministre en sera le garant mais il reviendra à François Chérèque de dire, à travers des rapports réguliers, si chacun applique sa feuille de route : revalorisation du RSA «socle» de 10% en 5 ans, élargissement de la complémentaire santé universelle (CMUc), création d’une «garantie jeune», réduction des pénalités bancaires pour les personnes fragiles, nouvelles solutions d’hébergements pour les sans-abri, etc.
Des associations satisfaites
Pour certaines organisations de solidarité, la question de la légitimité de cet ancien éducateur spécialisé ne se pose pas. Pendant la campagne présidentielle, le syndicaliste avait, tout comme les associations, attiré l’attention du PS en proposant que soit organisé au cours du mandat à venir un Grenelle de la pauvreté.
«C’est un bon choix, François Chérèque est une personnalité intéressante et de carrure, éducateur spécialisé de formation, qui a une très bonne connaissance du secteur de l’action sociale», estime Bruno Grouès, porte-parole du réseau associatif Alerte qui a connu l’ancien syndicaliste alors qu’ils siégeaient tous les deux au sein de la conférence nationale de santé.
Les transferts politiques se multiplient à la CFDT
Le syndicat, qui n’a pas souhaité réagir à ces informations, devient décidément un vivier de recrutement prospère pour le gouvernement. Ces derniers jours, les transferts se sont multipliés avec la nomination de Laurence Laigo, ex-lieutenant de François Chérèque, comme conseillère de la ministre Najat Vallaud-Belkacem, et de Nicole Notat, ex-patronne de la CFDT [3], comme chef de file d’un groupe de travail pour les assises de l’entrepreneuriat organisées par la ministre Fleur Pellerin. Jacky Bontems, ex-numéro deux de la CFDT et soutien déjà ancien de François Hollande, devrait lui être nommé dans les prochaines semaines au futur Commissariat général à la stratégie.
(Source : La Croix)
[1] François Chérèque, fils de Jacques, n'a donc rien à envier à Pierre Gattaz, lui-même fils de Yvon (ex président du CNPF, ancêtre du Medef) et candidat à la succession de la patronne des patrons en vue d’"évangéliser économiquement le pays".
[2] On note que la CGT, pas "neutre" et "partisane" — bref, clairement à gauche contrairement à Chérèque, Hollande et sa clique —, n'a récolté que déconvenues, entre la loi contre les licenciements boursiers ou l'amnistie des syndicalistes qui sont passées à la trappe, puis la dernière fourberie en date où un accord sur l'emploi hyper-régressif, signé par des syndicats qui n'ont représenté que 38% des voix aux dernières élections prud'homales, sera tout de même voté "en l'état" au Parlement, à la demande de Laurence Parisot.
Comme quoi, défendre les salariés ne paie pas alors que les trahir, oui.
[3] Si la "révolution idéologique" de la CFDT date du congrès de 1988 qui a vu triompher une ligne d’"adaptation du syndicalisme face aux mutations économiques et sociales", c'est Nicole Notat qui en approfondira le dogme de 1992 à 2002. En 1996, lors d'une manifestation parisienne, elle est vivement prise à partie pour son soutien l'année précédente au plan Juppé et accusée de trahison par des manifestants. Aujourd'hui, elle est membre du club Le Siècle dont elle assure la présidence.
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