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Dette illégitime, austérité injustifiée et asservissement de masse

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La Grèce aurait gonflé son déficit public sous l'œil de Bruxelles pour justifier l'austérité. Si les faits sont avérés, preuve sera à nouveau faite que le capitalisme est bel et bien une dictature.

Le patron et deux autres cadres de l'office des statistiques grecs ont fait l'objet mardi de l'ouverture d'une enquête judiciaire pour avoir gonflé artificiellement le déficit public de la Grèce pour l'année 2009. L'objectif : justifier auprès de l'opinion la cure d'austérité imposée par Bruxelles et le FMI en échange de l'aide pour faire face à la crise de la dette. L'Union européenne, via l'institut des statistiques Eurostat, pourrait être impliquée.

La Grèce, son port du Pirée, ses îles… et ses scandales politico-financiers. En tête mardi, l'ouverture de poursuites par la justice grecque contre trois cadres de l'office national des statistiques (Elstat) de la péninsule. Ils sont soupçonnés d'avoir manipulé le déficit public du pays pour l'année 2009. Ni plus, ni moins.

Manipuler les chiffres pour vendre l'austérité

Les faits reprochés sont graves. A l'origine du scandale, une ancienne cadre d'Elstat qui accuse l'office d'avoir artificiellement gonflé le déficit public de l'État grec en 2011 afin d'en faire un record en zone euro. La supercherie, si elle est avérée, aurait eu pour but de choquer l'opinion afin qu'elle accepte mieux la cure d'austérité [1] imposée par l'Union européenne et le Fonds monétaire international en échange de leur aide financière, rapporte le quotidien britannique Financial Times. Certains médias comme Reuters évoquent un complot inspiré par l'Allemagne.

Dans le viseur de Zoe Georganta, qui porte ces accusations : son patron à Elstat et ancien statisticien au FMI, Andréas Georgious, qu'elle accuse d'avoir insisté pour faire entrer dans le déficit public de l'État les dettes des entreprises publiques de la péninsule hellénique. Une pratique à laquelle elle s'était opposée et lui a value d'être licenciée. Selon elle, sans cette manipulation, le déficit public pour l'année 2009 ne dépassait pas 12,5% au lieu des 15,4% annoncés, et aurait pu être aisément ramené en dessous des 10% à l'aide de mesures immédiates.

Le gouvernement savait, selon l'accusatrice

Suite à ces accusations, Grigoris Peponis, le procureur d'Athènes, avait réclamé la mise en place d'une commission parlementaire chargée d'étudier le niveau réel du déficit public en 2009. La Vouli, le parlement grec, a finalement accédé à cette demande en février dernier, mais l'enquête n'a pas abouti.

Devant cette commission, Zoe Georganta s'était montrée peu diserte sur la question de savoir si le gouvernement de l'époque, celui du socialiste Georges Papandréou, pouvait être derrière cet acte de tromperie présumé. Tout juste s'était-elle contentée d'avancer une hypothèse selon laquelle le gouvernement pouvait avoir fait preuve "d'inexpérience ou de maladresse", concédant à peine que certains de ses membres pouvaient "peut-être en avoir profité".

Interrogée mardi sur une radio athénienne, Zoe Georganta s'est cette fois montrée plus catégorique, affirmant que Georges Papandréou et le ministre des Finances de l'époque, Georges Papaconstantinou, avaient approuvé le maquillage, sans pour autant être capable de dire qu'ils y avaient participé.

Soupçons à l'échelle européenne

A cette question de l'implication du gouvernement, réfutée par ailleurs par Andréas Georgiou, s'ajoute celle de l'Union européenne. Les comptes publics de la Grèce avaient à l'époque été validés sans le moindre signe de soupçon par Eurostat, que Zoe Georganta accuse d'avoir couvert l'affaire. A Luxembourg, l'institut européen des statistiques s'était à l'époque empressé d'attester de la régularité absolue des comptes grecs présenté par Elstat. Et le patron de cette dernière avait garanti que son calcul du déficit public avait été effectué en toute indépendance vis-à-vis du gouvernement de l'époque.

Il est vrai qu'Elstat avait été fondée en août 2010 sur le modèle des autres instituts de statistiques européens avec pour objectif principal de la rendre indépendante du pouvoir politique. A l'époque, le New York Times venait de révéler que la banque Goldman Sachs [2] avait aidé le gouvernement grec à truquer ses comptes publics pour faire croire à son respect des critères requis pour l'adoption de l'Euro.

Des indices d'infractions, selon les procureurs

Avant de désigner des responsables, il faudra toutefois déterminer si oui ou non les comptes ont été maquillés. Selon une source judiciaire, les deux procureurs à l'origine de l'enquête parlementaire et de l'ouverture de l'enquête judiciaire ont fait état "d'indices d'infractions". La justice grecque en serait déjà au stade de la recherche "d'instigateurs moraux".

Pour sa défense, Andréas Georgiou, qui dément les accusations dont il fait l'objet, avait pourtant transmis à la justice grecque un dossier de 74.500 pages censé expliquer la méthode de calcul du déficit public. Selon le quotidien grec Ekathimerini, il aurait insisté lors de sa déposition sur la surveillance européenne, gage selon lui de la justesse de ses calculs.

Il serait en tous cas souhaitable pour la crédibilité de la supervision des réformes grecques par la Troïka (BCE-UE-FMI) que les accusations ne soient pas fondées. Car si les faits étaient avérés, il y a fort à parier que l'effet de la tromperie soit l'inverse de celui escompté.

(Source : La Tribune)


[1] Crise érigée en système, domination par la décomposition... C'est exactement le mécanisme de "La stratégie du choc", brillamment décrit par Naomi Klein dans son essai du même nom, un ouvrage indispensable que tout chômeur se doit de lire (existe en poche à 13 €).

[2] Goldman Sachs, la célèbre banque d'affaires américaine sans scrupule qui a contribué à provoquer "la crise" et placé ses pions partout dans le monde, y compris au sein des gouvernements, a encore fait son beurre sur la misère. Son bénéfice a plus que doublé en 2012, et il a même triplé au cours du seul quatrième trimestre. De plus, les douze membres de son équipe dirigeante vont se partager plus de 102 millions $ de bonus en actions. Vive le capitalisme financier, vive les "1%" !



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