Quelques millions de salariés, progressivement, commencent à découvrir ce qui a été signé le 11 janvier dernier entre le Medef et des syndicats minoritaires.
Cet «ANI» (accord national interprofessionnel) a été présenté par les médias de façon valorisante comme étant «souple pour les employeurs et protecteur pour les salariés». Mais ceux qui le lisent découvrent qu’il est entièrement en faveur du Medef. La CGT, Force ouvrière, la FSU et Solidaires, c’est à dire la majorité des syndicats, se chargent de décortiquer les gros reculs sociaux qu’il contient en matière de droit du travail, de facilitation des licenciements, de flexibilité des contrats. Donc, peu à peu, une opinion se construit pour rejeter, à juste titre, cet ANI dit «de Wagram» car il a été signé dans les locaux et sous la dictée du Medef, rue de Wagram.
Selon la théorie récemment inventée que «le contrat doit précéder la loi» et être retranscris par elle, le gouvernement annonce qu’il va transcrire l’accord de «façon loyale et fidèle» dans la loi. Pourtant, rien ne l’y oblige : ce n’est qu’un accord minoritaire, et on ne voit pas pourquoi la majorité de gauche donnerait raison aux diktats du Medef. Certes, il faut autant de contrats que possible et de lois que nécessaires. Certes, il faut des négociations et des compromis. Mais cela n’implique pas, à la fin, de ne faire que ce que le patronat veut et signe !
Donc l’éveil des consciences et la mobilisation commencent : elles ont trois mois pour faire le plein en termes de rapport de force afin de se faire entendre. Le projet de loi sera soumis au Conseil des ministres le 6 mars. Des manifestations sont prévues par les syndicats ce même jour. Puis l'accord sera soumis au Parlement courant avril, dans la perspective d’un vote courant mai. On entend que la procédure d’urgence serait adoptée : ce qui serait fâcheux, et on peut être choqué qu’elle surgisse pour un si mauvais texte et alors qu’un nombre important de députés y est hostile.
La question qui se pose est : est ce que la majorité des syndicats et des salariés hostiles à cet ANI ont les moyens de gagner ? On lit déjà le dépit de certains qui pronostiquent, de façon fataliste, que l’ANI sera transcris fidèlement, que c’est foutu, que la majorité de gauche s’inclinera forcément, etc. Hé, bien : il est parfaitement POSSIBLE de gagner.
Car le débat traverse totalement le Parti socialiste et son groupe parlementaire, et cela va forcément faire réfléchir le gouvernement. La gauche du Parti socialiste s’est prononcée contre, cela fait 25% des voix environ. Cela ne suffit pas. Une partie de la majorité du PS (l’ancienne «UMA») s’est aussi prononcée contre. Cela mène à 40% d’opposants. Cela ne suffit pas. Mais il y a un impact : la majorité a engagé la discussion en son sein et une moitié est en faveur d’une «transcription loyale et fidèle» (comme l’a dit le président du groupe parlementaire Bruno Le Roux) tandis qu'une autre se distingue en proposant une «transcription optimale qui tienne compte des non signataires» (comme l’ont dit, entre autres, Guillaume Bachelay ou Jean-Marc Germain au Bureau national). Cela n’a pas échappé à François Hollande puisque, dans l’un de ses «vœux», il a précisé qu’il fallait «entendre les syndicats non signataires».
Entre «loyale» et «optimale», il faut comprendre une nette différence d’appréciation, disons même une brèche. Assez pour que cela suffise à inverser ce qui est mauvais dans l’accord et éventuellement à importer des lois plus positives pour les salariés au Parlement.
De quoi cela dépendra-t-il ? Du rapport de force créé en mars et avril par les mobilisations et manifestations. Si elles sont assez puissantes, la victoire est donc accessible. Il faut jouer gagnant, pas jouer «placé». Il faut engager, dans la plus large unité possible, les réunions d’informations, meetings de luttes, manifestations et grèves jusqu’à ce que cela s’impose : la majorité des syndicats et de la gauche, tous partis confondus, ne veut pas de cet ANI maudit ! Elle veut reconstruire le droit du travail pas le détruire davantage, elle veut faire reculer le chômage, contrôler les licenciements, pas les faciliter; elle veut des protections plus fortes pour les salariés, pas des flexibilités désastreuses et nuisibles à l’emploi.
Unité, tous ensemble comme lors du CPE ou des retraites, car cette fois gagner est possible !
Gérard Filoche - www.filoche.net
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