Deux arrêts récents de la Cour de cassation encadrent le recours à ces séparations à l'amiable qui connaissent depuis quatre ans un franc succès. Les contentieux à l'initiative des salariés devraient se multiplier.
Une mort lente... Par deux arrêts rendus récemment, la chambre sociale de la Cour de cassation vient de mettre un coup de frein aux ruptures conventionnelles dont plus d'un million ont été homologuées par l'administration depuis août 2008. «Ça devait arriver, explique Isabelle Mathieu, la fondatrice du cabinet d'avocats en droit social Daempartners. Tout le monde s'est jeté sur les ruptures conventionnelles et a oublié que le juge, plutôt favorable aux salariés, est important en droit social.» Même analyse de Malik Douaoui, du cabinet Taj : «On n'aime pas en France ce qui marche, confirme l'avocat. En prétextant de la liberté de consentement, les magistrats de la Cour de cassation ont mis les ruptures sous surveillance et signé leur arrêt de mort prochaine».
Première décision rendue par les sages de la rue Montpensier ? L'annulation d'une convention de rupture signée avec une salariée qui se trouvait dans une situation de harcèlement moral. Pour les juges, il s'agit d'«une situation de violence» caractérisant un vice de consentement et donc annulant la convention passée. Résultat, la rupture du contrat de travail a été requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à dommages et intérêts. «On a oublié que la rupture conventionnelle était une démission à l'initiative du salarié donnant droit au chômage [1], rappelle Isabelle Mathieu. Comme le harcèlement est très facile à démontrer dès lors qu'il y a eu litige, le nombre de requalification peut être important.» Avec, à la clé, des réparations qui peuvent dépasser six mois de salaire... «Les juges assimilent de plus en plus les ruptures conventionnelles à des licenciements économiques et en appliquent les règles», résume Isabelle Mathieu.
En double exemplaire
L'autre décision est plus dangereuse [2]. Pour protéger «les intérêts du salarié en matière de rétractation», la Cour de cassation a estimé qu'une convention de rupture devait être établie… en double exemplaire sous peine de nullité. «Elle est allée chercher une disposition du Code civil indiquant qu'un contrat doit être signé en autant d'originaux qu'il y a d'intérêt distinct, explique Malik Douaoui. Or énormément de ruptures sont le fait de petites entreprises qui se contentent de remplir un formulaire Cerfa et de l'envoyer à l'administration pour homologation.» Là encore, les conséquences sont ravageuses : «Si les salariés attaquent, ce sera le jackpot», parie déjà Malik Douaoui. «Nous recevons actuellement beaucoup d'appels d'employeurs très inquiets», assure Isabelle Mathieu.
Et ce n'est peut-être qu'un début, car ces deux arrêts sont les premiers tranchés par la Cour de cassation. «Quand elle confirmera que l'absence de litige est une clause de validité, comme l'ont déjà jugé plusieurs cours d'appel, ce sera la mort de la rupture conventionnelle car ces séparations sont en quasi-majorité effectuées à la demande de l'employeur», prévient Malik Douaoui. «Il existe toujours un contexte de conflictualité et nombre de ruptures ont été établies après une procédure avortée de licenciement», abonde Isabelle Mathieu qui conseille désormais à ses clients de revenir à «la bonne vieille méthode de la transaction» (licenciement pour faute avec un gros chèque) moins formalisée, moins coûteuse (surtout avec le forfait social de 20% sur les ruptures conventionnelles entré en vigueur depuis le 1er janvier) et, dorénavant, paradoxalement plus sûre.
(Source : Le Figaro)
[1] Cette fringante avocate élude totalement la réalité, les ruptures conventionnelles désengageant les deux parties (pas uniquement le salarié) et étant en majorité le fait de l'employeur. Heureusement que son homologue Malik Douaoui le rappelle ensuite. D'ailleurs, elle-même reconnaît au final que «nombre de ruptures ont été établies après une procédure avortée de licenciement»...
[2] C'est Le Figaro qui le dit. Vous avez remarqué que la tonalité de l'article plaide contre les décisions des tribunaux — «En France, on n'aime pas ce qui marche»… savoureux — et déplore la mise à mort du soi-disant "divorce à l'amiable" vendu au gouvernement précédent par Laurence Parisot.
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