Enric Durán est parti en guerre, seul ou presque, contre un système bancaire irresponsable dont il a voulu dénoncer les failles. Son délit, commis entre 2006 et 2008, était un acte politique qui suscita beaucoup d'admiration.
«J’ai volé 492.000 € à trente-neuf organismes bancaires à travers soixante-huit opérations de crédit. Si on y ajoute les intérêts, la dette dépasse aujourd’hui les 500.000 €. Je ne la paierai pas. Si les banques portent plainte, je veux transformer mon procès en procès du système financier», déclarait-il en 2009 dans une interview à CQFD.
Ce courageux militant de 36 ans avait reversé l'intégralité des fonds frauduleusement obtenus à la Coopérative intégrale catalane, vaste plan autogestionnaire d'action sociale qu'il a contribué à mettre sur pied et bénéficie actuellement à 15.000 personnes. Daniel Mermet lui avait consacré une émission : cliquez ici pour l'écouter.
Trois ans après, la semaine dernière, Politis nous a donné de ses nouvelles : Enric Durán était convoqué les 12, 13 et 14 février par la cour provinciale de Barcelone pour y être jugé au pénal. Sur les 39 établissements bancaires floués, seules 14 ont finalement déposé plainte. Accusé de falsification et d'avoir organisé son insolvabilité, il encourt 8 ans de prison.
Sur son blog, Paul Jorion nous confirme qu'il ne s'est pas présenté et qu'il est en cavale. Estimant dans un communiqué que ses droits fondamentaux n'ont pas été respectés, dénonçant une «farce judiciaire», Enric Durán a opté pour la désobéissance civile.
Le tribunal devra désormais statuer sur la demande du parquet d'un mandat d'amener et une mise en détention avant d'envisager un prochain procès. En attendant, vu sa bravoure et son immense popularité (en Espagne, plus qu'ailleurs, les banques sont en plein discrédit), nul doute qu'en cas de besoin Enric Durán trouvera asile au sein de nombreux lieux contestaires d'Europe ou de l'étranger. «Si un jour, selon ou contre ma volonté, je suis jugé, le seul verdict que j’accepterai sera l’acquittement. Le tribunal doit reconnaître que mon action ne constitue pas un délit, qu’elle obéit à une éthique, à une recherche du bien commun, et à une volonté de dénoncer ceux qui ont fait énormément de mal à notre société.» On l'applaudit.
SH
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