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Non, l'austérité ne rassure pas nos créanciers

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Ce n'est pas à l'austérité que nous devons nos taux bas, et c'est en l'abandonnant que nous avons les meilleures chances de les conserver. Explications.

Interviewé sur Europe 1 le 7 avril dernier, Pierre Moscovici se réjouissait des coûts d’emprunt très bas de la France sur les marchés et déclarait que ces derniers venaient de la «crédibilité» de notre pays en termes de réduction des déficits.

Cette analyse relève d’une conception erronée de la nature de la crise que nous traversons depuis 2008.

L’austérité n’est pas un gage de confiance

Là où l’analyse de Pierre Moscovici est erronée, c’est qu’elle laisse penser qu’en l’absence d’austérité, la défiance risquerait de gagner rapidement les créanciers de la France. Or, des pays qui ne pratiquent pas l’austérité bénéficient également de taux d’intérêt très bas : c’est le cas du Japon ou des Etats-Unis.

D’autre part, l’application de l’austérité n’est pas un gage de confiance, bien au contraire. Par exemple, malgré l’application de l’austérité en Italie, la dette italienne continue d’être considérée comme risquée par les investisseurs.

La confiance des créanciers vient d’ailleurs

En fin de compte, les taux d’intérêt très bas n’ont pas grand-chose à voir avec l’austérité :

• les taux d’intérêt très bas dont bénéficie le club des pays «sûrs» (France, Allemagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, Japon notamment) sont le résultat d’un excès d’épargne et d’un déficit d’investissement privé au niveau mondial. Cet excès d’épargne est lui-même le résultat de l’éclatement des bulles d’endettement privé aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans les pays périphériques de la zone euro à partir de 2008 ;

• les plans d’assouplissement monétaire mis en œuvre par la Federal Reserve aux Etats-Unis, la Banque nationale Suisse et la Banque du Japon en réponse à la crise ne font qu’amplifier l’excès épargne mondiale qui vient se déverser mécaniquement sur les dettes souveraines des pays de l’OCDE, notamment la dette française ;

• dans le contexte actuel de désendettement privé, la hausse de l’endettement public n’est pas une source d’inquiétude pour les marchés. La hausse rapide de l’endettement public aux Etats-Unis depuis 2008 n’est que le résultat mécanique du processus de désendettement privé : elle vient pour partie des «stabilisateurs automatiques» liés à la baisse de l’activité (baisse des recettes fiscales, hausse des transferts sociaux) et pour une autre partie du transfert de certaines dettes privées vers le gouvernement fédéral (recapitalisation des banques défaillantes). Le transfert de dettes du secteur privé vers le secteur public est efficace car l’excès d’épargne privée se dirige à présent vers la dette fédérale américaine, ce qui garantit au gouvernement fédéral des coûts d’emprunt très bas sur les marchés ;

• la crise de la zone euro a pour origine l’absence de mécanismes semblables de mutualisation des risques entre pays périphériques (dont l’épargne s’est retirée à partir de 2008) et pays cœur (vers lesquels s’est dirigée la plus grande partie de l’épargne). Aux Etats-Unis, l’Etat fédéral renfloue directement les banques des Etats en faillite et subventionne leurs chômeurs. En zone euro, les pays en faillite doivent se débrouiller tout seuls pour rembourser la dette de leurs banques et payer leurs factures, sans pouvoir faire défaut ni bien sûr dévaluer leur monnaie ;

• l’austérité imposée aux pays périphériques en contrepartie de leur «sauvetage» (qui ne consiste qu’en prêts d’urgence octroyés par les pays cœur à des conditions plus favorables que celles du marché) n’a fait qu’aggraver leur situation d’endettement au lieu de l’améliorer. En effet, l’histoire financière a maintes fois démontré que les politiques déflationnistes (dites de «dévaluation interne») sont contreproductives quand un pays fait face à une crise de surendettement ;

• l’austérité est très coûteuse en termes de croissance et d’emploi car elle est appliquée dans la plupart des pays en même temps, y compris ceux bénéficiant de la confiance totale des marchés, et ce dans un contexte de demande privée déjà déprimée. Dans cette situation, elle aggrave les anticipations négatives des acteurs économiques et accentue donc la chute de l’investissement privé, «améliorant» ainsi encore davantage, il est vrai, les conditions de financement des pays surs de la zone euro.

Instrumentaliser le risque de faillite ?

L’analyse de Pierre Moscovici peut être sous-tendue par une peur réelle de perdre la confiance de nos créanciers. Cependant, cette peur est injustifiée dans le contexte actuel car, comme nous l’avons vu plus haut, la composition du club des dettes sûres n’est en rien déterminée par l’application ou non de politiques d’austérité.

Il peut s’agir également d’une stratégie politique visant à justifier des plans de rigueur auxquels le ministre ne croit pas personnellement, mais qui nous sont en fait imposés par la Commission européenne et par l’Allemagne. Dans cette hypothèse, l’exercice consiste à instrumentaliser la peur de la faillite pour mieux faire passer la pilule amère de l’austérité aux électeurs français.

Il faut abandonner l’austérité

L’application généralisée des politiques d’austérité en zone euro aggrave la situation d’endettement des pays périphériques de la zone. Elle entraîne d’autre part une crise économique, sociale et politique, qui favorise l’ascension de partis anti-élites et populistes, opposés au maintien du statu quo actuel (Aube dorée en Grèce, Mouvement cinq étoiles en Italie…). Cette contestation pourrait à terme provoquer le défaut unilatéral d’un ou plusieurs pays périphériques de la zone euro et ainsi remettre en question le statut d’émetteurs sûrs de la France et de l’Allemagne, qui sont leurs principaux créanciers.

Au final, non seulement ce n’est pas à l’austérité que nous devons nos taux bas, mais c’est en l’abandonnant que nous avons les meilleures chances de les conserver.

(Source : Rue89)

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Mis à jour ( Jeudi, 11 Avril 2013 14:43 )  

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