Le CEE (Centre d'études de l'emploi) vient de publier une enquête menée par l'une de ses chercheuses, Gwenaëlle Perrier. Celle-ci a effectué, entre 2005 et 2009, un travail de terrain précis, aux conclusions pour le moins révélatrices. Créés en 1993, les PLIE — au nombre de 190 — sont considérés comme des dispositifs "d'accompagnement renforcé" s'adressant aux chômeurs exclus durablement du marché du travail. Telle est donc leur vocation première.
Un dilemme difficile à résoudre
Mais leurs financeurs (État, collectivités territoriales, OPCA, Fonds social européen) leur ont fixé des objectifs précis en termes de nombre de retours à l'emploi des demandeurs. De plus, ces objectifs sont déclinés «au niveau de chaque référent» par les responsables des dispositifs. Bien évidemment, qui dit "objectifs" dit "résultats". Or, «les acteurs se trouvent confrontés à un dilemme», souligne l'étude.
En effet, il faut tout à la fois «aider accompagner les personnes le plus en difficulté et les plus éloignées de l'emploi» et gérer «la contrainte des résultats, qui les incite à ne prendre en charge que les publics ayant des chances de réinsertions suffisantes». Une double injonction compliquée, d'autant plus que l'objectif principal du PLIE, défini dans le protocole d'accord, est d'amener en "sortie positive" une partie des demandeurs d'emploi, c'est-à-dire l'accès à un emploi dit "durable" (tout contrat de travail de plus de six mois) ou à une formation qualifiante, ou une création d'entreprise.
Un dispositif décliné de façon individuelle
Les signataires du protocole ont fixé comme "sorties positives" d'atteindre un pourcentage de 40 à 50% de bénéficiaires du dispositif. De plus, celui-ci se décline de manière individuelle. Ainsi, chaque référent a un "portefeuille", c'est-à-dire qu'il est chargé d'un certain nombre de demandeurs d'emploi, avec un objectif annuel de sorties positives à atteindre.
Cette déclinaison individuelle est une particularité des PLIE. Mais le fait de fixer des résultats chiffrés est en lien avec le mode de financement du dispositif. En effet, le cofinancement par le Fonds social européen implique des contrôles financiers, ainsi que «la possibilité d'un remboursement d'une part des fonds communautaires en cas d'usage non conforme à la réglementation des FSE». On imagine la pression des référents dans ce contexte de financements axés sur la performance...
Et, pour maintenir le cap, les acteurs des PLIE sont confrontés à des objectifs pleins de contradictions. Remplir les conditions de "sorties positives" tout en gardant à l'esprit la spécificité du public dont ils ont la charge. Plusieurs des personnes interviewées pour l'enquête reconnaissent la difficulté d'atteindre l'objectif : «Ce sont des personnes qui n'ont pas travaillé pendant au minimum un an […] ou dans des emplois qui sont en voie de disparition. Il faut alors retravailler le projet, c'est difficile».
Une pression importante sur les référents
Surtout que, au vu de cette enquête, les membres de la direction des PLIE admettent exercer une pression importante sur les référents. La solution ? Sélectionner les demandeurs, cibler davantage «les publics les plus employables», comme le reconnaissent certains des référents «afin de maximiser leur chance d'atteindre leur objectif de sorties positives».
L'auteur de l'enquête constate d'ailleurs que cette pression peut amener «à opérer un tri au détriment de certaines catégories de demandeurs d'emploi». La vocation du PLIE serait alors de plus en plus floue. D'autant plus que, selon Gwenaëlle Perrier, «la circulaire instituant les PLIE ne fournit pas de critères précis pour délimiter le public éligible». Ce sont souvent les conseillers à l'emploi de la mission locale ou de Pôle Emploi qui orientent les demandeurs vers la structure.
Mais les chiffres priment, semble-t-il, comme le confirme une référente interviewée : «Le texte initial dit que le dispositif concerne les personnes les plus en difficulté. Or, on est limité dans le temps, censé avoir des résultats. […] Au fil du temps, le dispositif est détourné à cause de cette double obligation».
Une tentation de sélectionner les «meilleurs» a d'ailleurs été admise de manière implicite lors d'un séminaire. Mais, comme le souligne le rapport d'activité d'un PLIE : «Si le PLIE choisit parmi le public en voie d'exclusion celui qui a le moins de problématiques, alors qui s'occupera des autres ?» Oui, qui ?
(Source : TSA)
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