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Accueil La revue de presse Quand Hollande honore l'ancêtre du Medef

Quand Hollande honore l'ancêtre du Medef

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Le chef de l'Etat a décoré, mardi 2 avril en fin d'après-midi, l'ancien président du CNPF Yvon Gattaz de la grand-croix de la Légion d'honneur.

C'est au titre de président fondateur de l'Association Jeunesse et Entreprises (AJE) et de président du syndicat des Entreprises de Taille Intermédiaires (ASMEP-ETI) que M. Gattaz, 87 ans, a été honoré, en pleine tempête politique provoquée par les aveux de Jérôme Cahuzac sur ses comptes à l'étranger.

Mais cette sollicitude à l'égard de celui qui a présidé le CNPF — l'organisation patronale dont est issu le Medef — de décembre 1981 à décembre 1986 et dont le fils, Pierre Gattaz, président du Groupement des Fédérations Industrielles et PDG de Radiall, est candidat à la succession de Laurence Parisot [1], semble aussi étrange que peu anodine. Déjà, le 17 décembre 2012, le président de la République avait visité, en compagnie d'Arnaud Montebourg, cette usine en pointe dans l'aéronautique.

Réquisitoire contre le PS

Pas plus que son fils Pierre, Yvon Gattaz n'est un proche du pouvoir socialiste. Au contraire. Quand il est élu à la fin de l'année 1981 à la tête du CNPF, le patronat est en guerre ouverte avec François Mitterrand, élu quelques mois avant à la présidence de la République. M. Gattaz veut faire du CNPF le "parti des entreprises" et il organise, le 14 décembre 1982 à Villepinte, un meeting avec 28.000 patrons en colère. Ce bras de fer porte ses fruits et M. Gattaz obtient du premier ministre, Pierre Mauroy, un moratoire sur les charges sociales des entreprises. Dans la foulée, François Mitterrand réhabilite dans ses discours le profit et la place des entreprises. C'est aussi sous la présidence de M. Gattaz que la négociation sur la flexibilité de l'emploi échoue en décembre 1984 [2]...

A l'été 2010, dans un article publié dans la revue Commentaires, Yvon Gattaz avait prononcé un véritable réquisitoire contre le Parti socialiste — dont "un certain nombre de Français souhaitent la disparition compte tenu de son rôle plutôt négatif dans les deux grandes composantes d'un pays : l'expansion économique et l'harmonie sociale" —, mais surtout contre les syndicats. "Dans la hiérarchie des horreurs, écrivait-il, il est dommage de mettre le PS au premier rang qui revient, sans conteste, aux syndicats, de l'avis unanime, y compris celui de la majorité des salariés français." Pour l'ancien président du CNPF, "les syndicats, menaçants, tragiques, démolisseurs, démoralisateurs, gréviculteurs, sont plus médiatiques que le bon patron caché dans sa province sans syndicat, à la recherche du bonheur social".

Discours antinomiques

Fustigeant cette "araignée syndicale", M. Gattaz estimait tout simplement que "le secret de l'harmonie sociale", c'est "la disparition des syndicats". "De façon sociétale, argumentait l'ancien patron des patrons, les syndicats ont été nécessaires au XIXe siècle, utiles puis abusifs au XXe siècle, inutiles et nuisibles au XXIe siècle. Ils doivent disparaître."

"Les ‘partenaires sociaux’, ajoutait-il, superbe formule, sont en réalité depuis toujours des adversaires sociaux irréductibles." Prônant le "dialogue direct dans chaque entreprise entre directions locales et salariés", M. Gattaz jugeait aussi que le concept de ‘patronat’ devait disparaître : "Non, le Medef ne sera pas inemployé lorsqu'il ne négociera plus d'accords syndicaux nationaux devenus inutiles."

Le discours d'Yvon Gattaz est donc parfaitement antinomique avec celui de François Hollande qui prétend défendre les corps intermédiaires, réhabiliter les partenaires sociaux et promouvoir une nouvelle démocratie sociale en inscrivant le dialogue social dans la Constitution. La distinction accordée à M. Gattaz est d'autant plus étrange, au moment où l'Assemblée nationale commence à débattre de la transposition de l'accord du 11 janvier dans la loi, que son fils Pierre Gattaz fait figure, dans la compétition interne au Medef, de tenant d'une ligne dure, plutôt en opposition avec le pouvoir socialiste, et peu allante sur le dialogue social.

Ménager le fils ?

Dans une interview à l'Usine nouvelle le 14 janvier, Pierre Gattaz avait pris ses distances avec l'accord sur l'emploi. Tout en estimant qu'il "va dans le bon sens" — "il va créer un environnement plus adaptable pour les entreprises et générer plus de confiance" —, le PDG de Radiall lui déniait tout caractère historique : "Nous sommes loin d'un accord de flexisécurité à la danoise. Cet accord n'est qu'une étape. (…) Il y a beaucoup de sujets dont nous pouvons nous emparer, autour de l'environnement, de la formation ou de la fiscalité. Je crois que beaucoup de sujets, liés à la compétitivité coût et hors coûts, peuvent se traiter par un dialogue social intelligent."

En honorant le père, qui affiche des idées en totale opposition avec les siennes, François Hollande veut-il ménager le fils [3] dans l'hypothèse où il serait élu, début juillet, président du Medef ? Pour l'heure, Pierre Gattaz ne fait pas figure de favori. L'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) dont il est issu pourrait lui préférer son président, Frédéric Saint-Geours, s'il saute le pas et se présente. Et l'hypothèse d'un ticket entre M. Saint-Geours et Patrick Bernasconi, président de la Fédération nationale des travaux publics et chef de file de la délégation du Medef à la négociation sur l'emploi, fait son chemin. Ce qui conviendrait sans doute mieux au président de la République.

(Source : Le Monde)


[1] Ainsi, Pierre Gattaz espère "évangéliser économiquement le pays"...

[2] A l'époque, Yvon Gattaz avait déclaré que la suppression de l'autorisation administrative de licenciement se traduirait par la création de 400.000 emplois.

[3] On rappelle que, chose totalement inédite, Hollande et un dizaine de ses ministres dont Ayrault, Moscovici, Cahuzac, Sapin, Montebourg, Pellerin, Bricq, Batho… étaient présents à la dernière université d'été du Medef. (Rocard y était aussi.)




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