Les économistes de l'Organisation de coopération et de développement économiques peuvent se féliciter d'être écoutés par le pouvoir socialiste. Quand François Hollande souligne, comme il l'a fait lors de sa dernière conférence de presse à la mi-novembre, que la hausse de la dépense publique ces dernières années n'a pas amélioré la situation économique et sociale en France, ils ont comme l'impression d'entendre l'écho de leurs propres propos.
Et quand les actes présidentiels suivent le discours, il ne reste aux experts du Château de la Muette qu'à approuver. C'est ce qu'ils font dans le rapport publié ce mardi matin, consacré à la situation de l'économie française. Le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui réduit le coûts salariaux de 6% jusqu'à 2,5 fois le Smic ? «Cette réforme est conforme aux recommandations antérieures de l'OCDE», soulignent-ils. Diminuer le coût du travail et le financer en augmentant la TVA, c'est effectivement ce qu'ils suggéraient. L'accord sur l'emploi ? Il va aussi dans le bon sens. De même que la réforme de l'école, prochainement en débat.
Aller plus loin
Mais l'OCDE en veut plus. Les réformes doivent aller plus vite, plus fort, estiment les économistes. Le CICE, c'est bien, cela permet de réduire environ de moitié l'écart de prélèvements obligatoires sur le travail par rapport à la moyenne de l'OCDE mais, «à moyen terme, il conviendra de réduire davantage les prélèvements». L'accord sur l'emploi ? «C'est une première étape» — certes «importante» sur «la voie de la suppression des rigidités du marché du travail».
Mais il faut, là aussi, aller plus loin. Notamment en révisant peut-être à la baisse les prestations chômage, en s'assurant que les chômeurs voient leur indemnisation effectivement coupée lorsqu'ils refusent des offres d'emploi...
Pour autant, la lutte contre le chômage passera par bien d'autres réformes : celle des salaires — l'OCDE se prononce, tout en évitant l'expression, pour un Smic jeunes, à savoir un salaire minimum plus faible pour les jeunes [1] —, de la formation professionnelle, de la concurrence qu'il faut accroître sur le marché des produits… sans oublier l'assainissement budgétaire, gage de confiance.
Les baisses de dépenses, plus efficaces à long terme
A cet égard, si les experts reconnaissent que la France a retrouvé une certaine crédibilité mesurée par la faiblesse des taux d'intérêt à long terme, ils jugent celle-ci fragile. Ils ne demandent pas d'accentuer les efforts de rigueur en 2013, sachant que cela plomberait encore l'activité. Mais ils préconisent une diminution structurelle des dépenses publiques qui s'ajouterait à celle acquise naturellement, avec la reprise de l'économie. «A moyen terme, les réductions de dépenses sont jugées moins préjudiciables à la croissance que les hausses d'impôts, peut-être parce qu'elles traduisent un engagement plus fort et durable», estiment les économistes de l'OCDE. Deux points de PIB en moins leur semblent représenter le bon dosage.
"Prendre rapidement des décisions difficiles"
Ils ne se contentent pas d'évoquer la nécessaire diminution du poids des dépenses. Ils suggèrent des pistes. Ce sont les dépenses de santé et de retraite qui ont le plus augmenté ces dernières années ? C'est dans ces secteurs qu'il faut couper. «Les dépenses de retraite sont parmi les plus élevées de la zone OCDE», souligne l'organisation (cela est dû au fait que le système français est essentiellement public, certains pays faisant coexister des systèmes privés non pris en compte dans les comparaisons internationales). «La trajectoire prévue du déficit du système de retraite nécessite de prendre rapidement des décisions difficiles afin de limiter les dépenses à court/moyen terme». En outre, les retraités devraient payer le même taux de CSG que les actifs et s'acquitter des cotisations d'assurance maladie. Et le système de pension de réversion mériterait d'être remis en cause car il est trop généreux, juge l'OCDE.
S'agissant des régimes spéciaux dont bénéficient d'anciens salariés d'entreprises publiques (SNCF, EDF...), ils devraient être simplement supprimés. Au delà, l'OCDE appelle de ses vœux une véritable réforme systémique des retraites : il faudrait changer tout le système et mettre en place, par exemple, une retraite par points.
Réfomer les hôpitaux, moins rembourser les médicaments
Quant aux dépenses de santé, «elles pourraient être réduites de 1,3 point de PIB environ sans nuire à la qualité des soins». En réformant les hôpitaux, en intensifiant le recours à l'ambulatoire, notamment. Et en remboursant les médicaments seulement sur la base du prix du générique.
Enfin, les experts suggèrent de fusionner de nombreuses petites communes, et la suppression des départements. S'il veut continuer de suivre leurs préconisations, François Hollande a du pain sur la planche...
(Source : La Tribune)
[1] Rappel : Le salaire d'embauche des jeunes a diminué de moitié depuis le virage néo-libéral des années 80. Instaurer un "Smic jeunes" inférieur au Smic "adultes" serait l'aboutissement de cette politique de déflation salariale et d'appauvrissement généralisé des populations.
Pour l'OCDE, selon la bonne vieille "stratégie du choc" décrite par Naomi Klein dans son livre du même nom, le chômage est la source de leurs projets. Voici ce que ses "experts" écrivaient en 2006 : «Les réformes structurelles qui commencent par générer des coûts avant de produire des avantages, peuvent se heurter à une opposition politique moindre si le poids du changement politique est supporté dans un premier temps par les chômeurs. En effet, ces derniers sont moins susceptibles que les employeurs ou les salariés en place de constituer une majorité politique capable de bloquer la réforme, dans la mesure où ils sont moins nombreux et souvent moins organisés.» (Perspectives de l’Emploi - “Stimuler l’emploi et les revenus”)
Le chômage est voulu et organisé. C'est un outil économique à part entière qui permet de tirer les salaires à la baisse, de précariser l'emploi et détruire un à un les acquis sociaux, de contenir l'inflation (ce qui favorise les rentiers) et surtout — propriété inestimable —, de semer la peur dans l'opinion, donc maintenir sa soumission à un niveau élevé.
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