Quand Actuchomage pressentait en 2014 le mouvement des Gilets Jaunes.
Fut un temps où les riches gagnaient de l’argent, parfois beaucoup, énormément, en se gardant bien de reprocher aux classes populaires d’en gagner trop.
Aujourd’hui, ils sont à ce point décomplexés et puissants qu’ils se goinfrent tout en dénigrant ceux qui survivent au SMIC, considérés comme les profiteurs d’un système trop généreux. C’est le monde à l’envers !
Dans son édition du 16 avril, Le Canard Enchaîné nous confirme que l’austérité qui s’annonce plus austère encore, n’est pas partagée par tous.
Chez M6 – la chaîne de télé – les salaires des dirigeants explosent. Et pas qu’un peu.
Nicolas de Tavernost, son patron, s’est alloué 1,68 million d’euros de rémunération en 2013, soit une hausse de 46.000 euros par rapport à 2012. Robin Leproux, le chef de M6 Publicité, est passé de 558.000 à 925.000 euros, soit 65,5% de plus en un an. Jérôme Lefébure, pour la partie administrative, grimpe de 442.000 à 540.000 euros.
Oui, nous parlons bien de salaires qui s’échelonnent de 45.000 à plus de 100.000 euros PAR MOIS. De véritables fortunes !
Les rémunérations des dirigeants de M6 ne constituent que la partie émergée de l’iceberg, mise en lumière par Le Canard Enchaîné. On ne frôle plus l’indécence, on s’y complait.
Partout ailleurs, les salaires du Top Management connaissent des progressions souvent comparables à celles de M6, confirmant l’adage selon lequel «plus on en a, plus on en veut».
Si ces niveaux de rémunération sont injustifiés tant ils dépassent l’entendement, ils pourraient être acceptables dans un contexte bien différent de celui que nous connaissons. Ils seraient plus compréhensibles si la croissance était au rendez-vous, si l’ensemble des salaires enregistraient des progressions équivalentes, du bas au haut de l’échelle. Il n’en est évidemment rien !
Au contraire, les organisations patronales appellent à la modération des bas salaires, voire à leur blocage, qui seraient une nécessité ABSOLUE pour conserver notre compétitivité internationale.
Le cynisme atteint des sommets quand les mêmes invoquent la mondialisation pour justifier les rémunérations exorbitantes des dirigeants. Le chantage est bien rôdé : Si nous ne rétribuons pas les managers à leur «juste valeur», ils iront exercer leurs talents à l’étranger, affaiblissant plus encore nos entreprises. Imparable !
On constatera que ce sont les mêmes qui brandissent cette menace et en tirent tous les avantages : les patrons et dirigeants. Et ça marche ! On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.
Le fossé qui se creuse entre les classes aisées et les classes moyennes et populaires va s’accroître plus encore dans les prochaines années. Non seulement les dirigeants ne renonceront pas à l’augmentation de leurs rémunérations fixes et variables, adossées à celles de leurs homologues étrangers (à les croire), mais l’austérité salariale va plus encore amputer celles des travailleurs moins bien lotis.
Certains, comme Pierre Gattaz (Président du Medef) et le socialiste Pascal Lamy (ex-Directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce) nous l’annoncent comme inéluctable. Dernièrement ce dernier ne déclarait-il pas sur LCP : «Je pense qu'à ce niveau de chômage il faut aller vers davantage de flexibilité, et vers des boulots qui ne sont pas forcément payés au smic».
Un peu plus loin : «Je connais des gamins de 15 ans dont les parents n'ont jamais eu de boulot. Pour moi, c'est le signe d'une gangrène. Une société où ceci peut se produire, sans qu'il y ait la révolution, c'est vraiment très inquiétant».
Pascal Lamy se fourvoie ! Ce qui est très inquiétant, c’est qu’une société accepte de telles inégalités de rémunération entre ses différentes composantes sans qu’il y ait de révolution.
Car, plus que le chômage qui étouffe les capacités de révolte par l’isolement et la résignation qu’il impose, ce sont les injustices qui constituent le ferment de l’insurrection populaire.
Tout semble aujourd’hui réuni pour la provoquer : Un exécutif sourd aux revendications, un patronat et des dirigeants décomplexés qui n’envisagent pas de rogner leurs avantages, un chômage de masse que l’austérité budgétaire ne fera qu’amplifier et, plus encore donc, des inégalités de traitement insupportables entre les classes moyennes et populaires, et les classes aisées.
Yves Barraud
Article rédigé en avril 2014
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