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Quelle étincelle mettra le feu à la poudrière ?

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« La France est en guerre ! », claironnent en chœur les têtes pensantes de l’exécutif Valls et Hollande. Contre le terrorisme ? Contre Daech ? Au Mali, en Syrie, en Libye, en Centrafrique ? Ou contre elle-même ?

altOui la France est en guerre… sur tous les fronts. Les lointains, ceux qu’on ne voit pas, et sur les autres aussi, ces conflits politiques et sociaux qui se multiplient à l’intérieur de nos frontières.

La poudrière est pleine à craquer. Une seule étincelle pourrait provoquer une formidable déflagration. D’où viendra-t-elle ?

Il ne se passe pas une semaine sans qu’une partie de la population ne manifeste de plus en plus violemment son exaspération : Salariés en colère chez Air France, chauffeurs de taxi et de VTC qui en viennent aux mains, paysans et éleveurs en détresse, magistrats et avocats exaspérés par les réformes judiciaires, policiers éreintés par l’état d’urgence… la liste des professions sous tension s’allonge.

Cette grogne qui se répand à tous les échelons de la société prend aussi des formes moins corporatistes, plus politiques et sociologiques, dont on mesure l’ampleur dans les taux d’abstention aux élections, dans la poussée du vote protestataire, la radicalisation d’une frange marginale mais bien réelle de la jeunesse, dans le ras-le-bol des habitants confrontés aux flux migratoires qu’ils jugent incontrôlés, comme à Calais… La liste des opposants, contestataires et réfractaires s’allonge.

Ce malaise grandissant ne s’exprime pas seulement sur les sites internet dissidents, autoproclamés «organes de ré-information», mais aussi dans les médias mainstream et les librairies.

Si les politiques aux responsabilités peinent à écouler leur dernier ouvrage, les Éric Zemmour, Michel Onfray, Alain Finkielkraut, Philippe de Villiers, Alain Soral… en vendent par centaines de milliers. Chacun à sa manière, chacun avec ses mots, son style, ses arguments et convictions, tous dressent le portrait d’une France qui va droit dans le mur.

Sur scène aussi s’exprime une défiance inédite. Fin 2013 début 2014, l’affaire Dieudonné révéla la face cachée d’une censure expéditive dont, avant lui, Stéphane Guillon, Didier Porte, Gérald Dahan… firent les frais, tous remerciés à la suite de chroniques qui déplurent au pouvoir en place.

D’autres journalistes et chroniqueurs, tels que Frédéric Taddeï et Éric Naulleau, furent sérieusement sermonnés pour s'être affichés aux côtés de personnalités controversées. Des émissions à contre-courant disparurent purement et simplement de l’antenne, comme «Là-bas si j’y suis» de Daniel Mermet (France Inter) qui agrégeait la fine fleur de la dissidence de Gauche.

Sur le Web, des dizaines de vidéos jugées «conspirationnistes» ou «complotistes» par leurs détracteurs drainent aujourd'hui des audiences supérieures à celles des rendez-vous politiques des chaînes d'info continue. Plus elles sont décriées, plus elles sont appréciées et multidiffusées…

Cette contestation protéiforme rencontre le succès partout où elle s'exprime. Sa diversité et son enracinement irréversible ébranlent les fondements d'un système politico-médiatique dépassé. Depuis une dizaine d'années, le pouvoir UMP/LR et PS vacille, ouvrant à la défiance contestataire d'autres champs de bataille.

Ce rapide état des lieux serait incomplet si nous n’évoquions les tragiques événements qui ensanglantèrent la France en 2015, conduisant le Président de la République à décréter l’état d’urgence qui s’est traduit ces dernières semaines par l’interdiction de manifestations et rassemblements susceptibles de troubler l’ordre public. Ce fut le cas pendant la COP 21 ou plus récemment à Calais.

Cette surabondance de tensions et de conflits s’inscrit dans un environnement économique morose, sur fond de chômage record. On constatera avec perplexité que les Chômeurs de ce pays, au nombre de 6,5 millions, sont ceux qu'on entend le moins, qu’on voit le moins, bien qu’ils n’aient jamais été aussi nombreux.

Pour autant, l’emploi reste la première préoccupation des Français devant la menace terroriste. Et pour cause ! Nous aurons l’impudence ne nous livrer à un décompte macabre : Aujourd’hui, le chômage tue beaucoup plus que les attaques djihadistes.

Sur les 12.000 suicides annuels et 200.000 tentatives, combien sont directement ou indirectement liés à la perte d’un emploi, à la cessation forcée d’une activité ou aux difficultés financières et psychologiques qui en découlent ? Combien de maladies létales ou lourdement handicapantes se développent chez celles et ceux frappés d’exclusion professionnelle qui, parfois, compensent leur mal-être par des addictions au tabac, à l’alcool, aux substances psychotropes et autres médicaments ? Combien de personnes en grande difficulté renoncent à se soigner ou retardent une visite chez le médecin ou à l’hôpital ? De ceux-là on ne parle pas !

Pourtant, l’éventualité de la perte d’un emploi ou la difficulté d’en décrocher un constituent le terreau des tensions et conflits que nous avons listés chez Air France, chez les chauffeurs de taxi et de VTC, chez les agriculteurs et éleveurs, dans les régions qui enregistrent de forts taux de chômage, dans cette défiance qui s’exprime de plus en plus ouvertement vis-à-vis de dirigeants impuissants à résoudre les problèmes, dans ce vote protestataire qui progresse à chaque scrutin, dans la radicalisation d’une jeunesse en perte de repères.

Le chômage est bien l’étincelle qui peut à tout moment embraser la poudrière. Jusqu’à maintenant son «traitement social» (allocations, minima…) a permis d’en limiter l’impact, mais qu’en sera-t-il demain ?

Le déficit cumulé de l’Unédic devrait atteindre 30 milliards d’euros fin 2016, incitant les partenaires sociaux à envisager une baisse du montant et/ou de la durée des indemnisations. Cette restriction à l’accès aux droits aurait pour conséquence de faire basculer des centaines de milliers de personnes sous le seuil de pauvreté tant que la création massive d’emplois n'est pas au rendez-vous. Et nous n’en prenons vraiment pas le chemin ! Des dizaines de milliers de licenciements et de non-remplacements de salariés retraités sont annoncés dans une multitude de secteurs : La Poste, les banques et assurances, l’industrie pétrolière, le nucléaire…

De leur côté, les départements qui financent en partie le RSA, l’allocation accordée aux plus démunis, réfléchissent à des mesures visant à les exonérer de ce devoir de solidarité nationale. Dernièrement, le Haut-Rhin a décidé de contraindre ses 20.000 RSastes à effectuer 7 heures de bénévolat par semaine. Cette mesure absurde, assurément anticonstitutionnelle, ne sera probablement jamais appliquée. Pour autant, ce galop d’essai illustre les difficultés de financement qui se profilent dans un contexte économique délétère. Si l’on poursuit dans cette voie, la France court vers une explosion sociale sans précédent depuis Mai 68.

L’année 2016 est déterminante comme le seront les prochaines négociations Unédic (qui s’ouvrent le 22 février). Elles pourraient bien provoquer l’étincelle…

Yves Barraud


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Mis à jour ( Samedi, 18 Février 2017 15:18 )  

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