Il est clair qu'on ne peut pas parler réalistement du chômage quand on ne le subit pas. Il est évident qu'un sujet de société aussi anxiogène n'interpelle que superficiellement des individus pour l'instant épargnés. C'est comme si on demandait aux valides ce qu'ils pensent des dernières mesures d'économie sur le budget des handicapés !!!
Alors, pourquoi une telle initiative ? Des résultats à l'aveugle, censés nous plier à la doxa, l'opinion publique, ce que tout le monde pense et si vous êtes minoritaire, vous avez forcément tort. Diviser pour mieux régner : ne pensez pas à votre avenir, on s'en occupe à votre place…
Selon une enquête BVA publiée aujourd'hui pour L'Express, une large majorité (82%) des salariés estime que "le système français d'assurance chômage doit être réformé pour davantage inciter à retrouver un emploi" soit, plus précisément, l'addition de 49% des sondés qui sont "tout à fait d'accord" et des 33% qui sont "plutôt d'accord" avec cette idée. INCITER, mais comment ? Et pour quels postes, quels salaires ?
Notons d'abord que si 35% des salariés interrogés ici ont indiqué qu'ils se sentaient "exposés à un risque de perte d'emploi ou de statut dans les deux ou trois années à venir", 79% d'entre eux se disent satisfaits de leurs horaires de travail, 50% de leur niveau de rémunération, 82% du contenu de leur travail... ça baigne ou presque.
Ils sont donc 58% à estimer que l'assurance chômage "assure une bonne protection" en cas de perte d'emploi (16% "tout à fait d'accord" et 42% "plutôt d'accord"). France 2 a d'ailleurs fait croire aujourd'hui dans son "13 heures" que la France payait mieux - trop ? - ses chômeurs que les autres pays européens en affichant ostensiblement et sans explication notre fameux plafond de 5.126 euros, alors que seulement 10% des allocataires perçoivent plus de 1.595 euros et 5% plus de 2.194 euros. Réduire ce plafond mérite sûrement débat. Mais savent-ils que la moitié des demandeurs d'emploi perçoit moins de 853 euros, et que 40% d'entre eux ne touche carrément rien ?
Interrogés sur le renforcement des contrôles des chômeurs, et plus particulièrement sur le fait de sanctionner le refus non motivé d'une offre d'emploi "valable" (encore un concept au flou bien entretenu…), 74% ont indiqué qu'ils y étaient favorables tout en jugeant à 54% - seulement ? - que la mesure est efficace. Ce pourcentage d'opinion favorable descend à 69% parmi les personnes ayant connu une période de chômage (quand, et combien de temps ?) et à 66% parmi ceux qui "se sentent exposés à un risque de perte d'emploi" (qui ont peur pour l'instant et méconnaissent la suite).
Par ailleurs, 72% des salariés estiment qu'"un accompagnement intensif des chômeurs" est une mesure efficace pour lutter contre le chômage. Mais à quoi sert-il d'accompagner s'il n'y a pas de créations d'emplois ? Occuper les chômeurs de gré ou de force, les sanctionner ou les radier : quelle solution face à une réelle pénurie - qui est chiffrée par le Ministère du travail, et à la base de tout ?
Où est la responsabilité des employeurs dans cette acceptation fataliste de la mondialisation ? A propos du Contrat Nouvelle Embauche (CNE), 67% des salariés interrogés sont tout de même d'accord avec l'idée qu'il va "précariser le marché du travail", et seulement 40% pensent qu'il va "permettre de créer des emplois". Combien d'entre les 74% de ceux qui estiment qu'il faut sanctionner "le refus non motivé d'une offre d'emploi" sont prêts à accepter la précarité et ses bas salaires ?
Parmi les autres mesures soumises à l'opinion des sondés, la "simplification" du Code du travail est jugée efficace par 60%, et la "création d'emplois publics de la part de l'Etat" par 54% d'entre eux. On est toujours à côté de la plaque !
Ce sondage a été réalisé pour l'hebdomadaire L'Express en partenariat avec le groupe BPI (qui est l'un des prestataires privés avec qui l'ANPE et l'Unedic expérimentent actuellement une sous-traitance de l'accompagnement de certains chômeurs...) entre le 30 septembre et le 15 octobre auprès de 1.373 salariés des secteurs privé et public, travaillant dans des entreprises de 10 salariés et plus. La bonne affaire !!! Jamais on ne demande l'avis des intéressé(e)s eux-mêmes, qui ne sont pas invité(e)s non plus à la table des négociations de l'Unedic. Encore une fois, on se demande où est passée la démocratie !?!
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