Réuni à Strasbourg en marge d'une session du Parlement européen, l'exécutif communautaire a décidé de reprendre à son compte la quasi-totalité des amendements, votés par l'Assemblée le 16 février, qui gomment les aspects jugés les plus «libéraux» (et notamment le PPO, «principe du pays d'origine») de ce texte, ouvrant à la concurrence l'ensemble du secteur des services. Certes, il faut encore que le Conseil des ministres se prononce. Mais le suspense est limité.
«Dérive libérale». Le chemin parcouru depuis janvier 2004, date de l'adoption par la Commission de cette directive, est impressionnant. A l'époque, ce texte n'a soulevé aucune objection tant parmi les Etats membres, qui l'avaient réclamé, qu'au sein de la Commission. Ce n'est que tardivement qu'il a été contesté, d'abord en Belgique puis en France, avec le début de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel. Les tenants du non s'en servant pour dénoncer la «dérive libérale» de l'Union. En l'espèce, le reproche était fondé : le texte prévoyait non seulement de faire sauter les obstacles protectionnistes à la fourniture d'un service transfrontalier (comme cela a été fait pour la libre circulation des travailleurs, des marchandises et des capitaux), mais il autorisait l'entreprise fournissant ce service à le faire en respectant seulement le droit de son pays d'origine (PPO).
Ce qui n'est pas gênant pour un Français se rendant en Pologne (puisque ses normes sociales sont plus élevées) l'est davantage dans la situation inverse. Le risque de dumping social devenait réel, puisque l'entreprise originaire du pays doté d'un système social moins protecteur sera toujours plus compétitive que l'entreprise locale. Ce risque n'avait pas ému la Commission : il y a tout juste un an, Barroso proclamait encore son attachement au PPO, alimentant, du coup, la campagne du non.
Il a fallu que les Français rejettent le projet de Constitution pour que les institutions communautaires comprennent que certains pays craignaient l'avènement d'une société de marché, tirant vers le bas leurs standards sociaux. Sans ce référendum négatif, on peut douter que la droite (majoritaire au Parlement européen) et la gauche seraient parvenues à un compromis éliminant le PPO. Sans le non, on peut également douter que les Etats eux aussi majoritairement gouvernés par les libéraux et les conservateurs aient accepté ce compromis.
L'isolement du PS. Désormais, c'est fait. L'Union fait ainsi la démonstration qu'elle n'est pas sourde et que ses institutions fonctionnent, à la différence du spectacle qu'affiche un pays comme la France, empêtré dans son CPE. Même le communiste Francis Wurtz a salué, hier, la disparition du PPO. Mais pas au point de s'y rallier, à l'image des socialistes français qui se retrouvent désormais totalement isolés au sein de la gauche européenne. Au risque d'apparaître comme refusant l'idée même de la libre circulation.
(Source : Libération)
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