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Chômage, les raisons de la baisse

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Impressionnante. La chute du chômage est réellement impressionnante. En un an, le nombre de demandeurs d'emploi a chuté de 255.000. Il est passé sous la barre de 9 % des actifs. Au rythme où cela va, le taux pourrait bientôt passer au-dessous de 8,6 % pour la première fois depuis près d'un quart de siècle.

Cette perspective vient compléter un tableau économique réjouissant, avec une croissance forte au printemps, une consommation soutenue et des exportations enfin mieux orientées. Du coup, le moral des Français remonte. Et les ministres exultent, à commencer par le premier d'entre eux qui avait mis l'emploi en tête de ses priorités lors de son arrivée à Matignon il y a quinze mois.

La France est-elle enfin sortie de cette effroyable maladie qu'est le chômage de masse ?

D'abord, il faut bien prendre la mesure de la performance actuelle. Depuis la guerre, jamais le chômage n'avait reculé aussi vite, sauf de la fin 1999 au début 2001. Mais c'était un autre siècle : l'apogée de la bulle Internet, une production qui avait bondi de 10% au cours des trois années précédentes, des entreprises qui n'avaient jamais autant embauché. Aujourd'hui, on est loin de cette euphorie. Le dynamisme économique du printemps dernier (+ 1,1% de croissance) relève hélas de l'exception. Dans ces conditions, un fort recul du chômage est d'autant plus méritoire. Il vient du fait que la croissance est plus «riche en emploi». L'an dernier, l'économie a créé 100.000 emplois avec une croissance d'à peine plus de 1%. Il y a deux décennies, l'économie française avait du mal à créer des postes à moins de 2,5% de croissance...

Mais cet enrichissement n'explique pas tout. Le recul actuel du chômage peut tourner à l'énigme quand on rapproche deux chiffres : si le nombre de chômeurs a baissé de plus de 250.000 en un an (de juillet à juillet), le nombre d'emplois, lui, a progressé d'à peine plus de 100.000 (de juin à juin). Normalement, c'est plutôt l'inverse : quand l'économie repart, nombre de Français reviennent sur le marché du travail. Il faut souvent créer 100.000 emplois pour que les effectifs au chômage baissent de 50.000. Cherchez l'erreur.

L'explication la plus simple serait une baisse massive de la population active. C'est le scénario du «grand retournement» décrit par l'économiste Michel Godet, avec des départs en retraite abondants et des jeunes de moins en moins nombreux. Ce n'est pas encore le cas. La population active est seulement en phase de ralentissement. D'après les projections de l'INSEE, elle devrait progresser d'environ 20.000 personnes cette année (contre plus de 100.000 en 2004). La hausse est toutefois amputée par un dispositif mis en place en 2004 : la possibilité de partir en retraite anticipée pour les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes. En deux ans et demi, près de 300.000 actifs en ont profité - soit 10.000 par mois. Même si tous les partants ne sont pas remplacés, c'est l'une des causes de la baisse du chômage. Elle est par nature temporaire.

L'explication la plus radicale serait un vaste ménage dans les fichiers de l'ANPE. Les syndicats dénoncent régulièrement de telles opérations. Le gouvernement évoque tout aussi régulièrement la nécessité de renforcer le contrôle des chômeurs. De fait, les demandeurs d'emploi sortent de plus en plus souvent des statistiques de l'ANPE parce qu'ils ont été radiés. Mais certains ont retrouvé un emploi. Et il paraît difficile de soutenir que la réforme du contrôle des chômeurs lancée il y a un an ressemble à une opération Kärcher : les sanctions touchent depuis 0,076% des demandeurs d'emploi - un chiffre inchangé jusqu'à la troisième décimale. Il serait cependant faux de croire que rien ne bouge à l'ANPE. Le simple fait de convoquer les chômeurs de longue durée une fois par mois (et non plus une fois par semestre) suffit à découvrir que certains d'entre eux ont retrouvé un poste ! Mais, là aussi, l'impact sur les statistiques du chômage n'a qu'un temps.

L'explication la plus générale de cette baisse du chômage beaucoup plus forte que la hausse de l'emploi est plus banale : c'est une histoire de chiffres décalés. L'indicateur le plus commenté de l'emploi, celui qui a progressé de 106.000 en un an, recense actuellement un peu moins de 16 millions d'actifs ayant un emploi dans une France qui en compte près de 25 millions. Il est donc très partiel. L'INSEE va élargir son champ le mois prochain pour approcher les 18 millions. Mais deux domaines en plein essor resteront sur les côtés.

Premier secteur méconnu : les petites entreprises. L'enquête qui permet de calculer l'emploi salarié n'est pas réalisée auprès des firmes de moins de 10 salariés, et a fortiori auprès des individus. Il est plus facile de demander à Renault un relevé trimestriel de ses effectifs que de compter le nombre d'heures d'aide ménagère payées par une octogénaire ! Ce trou noir agace le gouvernement qui a beaucoup misé sur l'embauche dans les petites structures - contrat nouvelles embauches, services à la personne, etc. Les chiffres de l'UNEDIC, qui montrent ce qui se passe dans «tous les établissements du secteur privé industriel et commercial employant au moins une personne sous contrat de travail», indiquent des créations d'emploi beaucoup plus nombreuses. Si l'écart observé entre les deux séries de chiffres jusqu'au début 2006 a persisté au deuxième trimestre, «les créations d'emploi sur un an pourraient s'approcher des 200.000 selon l'Unedic», estime Laure Maillard, économiste à Ixis-CIB, dans une note récente.

Deuxième secteur dans l'ombre : «l'emploi non marchand», qui recouvre notamment la fonction publique. Or, ici, on recrute ferme. Selon l'INSEE, le nombre de postes supplémentaires dépassera les 100.000 cette année. La montée en puissance du plan de cohésion sociale lancé l'an dernier par le ministre Jean-Louis Borloo devrait se traduire par la création de 40 à 60.000 emplois aidés en 2006. Et si les effectifs de l'Etat ne gonflent plus, il n'en va pas de même pour les collectivités locales. En 2004, dernière année connue, elles ont embauché plus de 50.000 personnes ! Depuis, elles ont sans doute continué sur leur lancée.

Au total, l'amélioration de l'emploi est donc bien réelle en France. Mais elle reste fragile, car certaines de ses causes sont provisoires. Chômage hélas pas mort ! Politique de l'emploi non plus.

Par Jean-Marc VITTORI, éditorialiste aux «Échos» le 1er septembre 2006.

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