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Syndicats 1, Mickey 0

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La justice sanctionne EuroDisney qui souhaitait «aménager» les 35 heures.

Retoquée, la flexibilité chez EuroDisney. Signé en juin par la direction et trois syndicats sur sept, un nouvel accord d'entreprise aménageant les 35 heures ne pourra être appliqué. En tout cas, pas tout de suite : hier, le tribunal de grande instance de Meaux, saisi par la direction, a donné raison aux quatre syndicats majoritaires, qui avaient fait valoir leur «droit d'opposition» au texte. Fin du premier épisode, en attendant la deuxième saison, avec un éventuel recours en appel ou une reprise des négociations.

Aprement discuté avant l'été, l'avenant à l'accord de réduction du temps de travail de 1999 a été pondu par le management pour adapter les heures de travail au flux de visiteurs, et notamment «faire face à une activité plus accrue en fin de semaine et pendant les vacances scolaires». Le texte a divisé les syndicats et les 12.500 salariés du plus grand parc de loisirs d'Europe en deux camps. Les pros ­ le syndicat indépendant de la maison, la CGT et la confédération des cadres (CFE-CGC) juraient que le pouvoir d'achat allait y gagner. Les anti ­ CFDT, FO, CFTC et Unsa ­ trouvaient que la flexibilité horaire n'était pas assez cher payée.

«Salariés à la carte». Au coeur du projet : une souplesse maximale de l'organisation du boulot. L'avenant rejeté prévoyait un allongement «exceptionnel», pour les volontaires, de la journée de travail à douze heures avec majoration de 75%, la possibilité de travailler jusqu'à trois heures de plus ou de moins que prévu, des plannings figés sur deux semaines au lieu de trois, ou encore la suppression de 8 jours de RTT pour les cadres. Mais aussi le paiement des heures sup au-delà de trente-six heures par semaine : elles sont aujourd'hui récupérées mais pas payées, la possibilité de faire une sixième journée dans la semaine payée 25% de plus, des bonus pour les heures déplacées d'un jour sur l'autre, etc. «Ils veulent des salariés à la carte», s'indigne Philippe Brossard, délégué syndical CFDT. «C'est le dogme libéral de la flexibilité absolue, au détriment de la vie personnelle et contre des gains salariaux minimes puisque la première heure de travail supplémentaire n'est toujours pas payée. Or cette 36e heure représente 80.000 heures sur 220.000 effectuées dans l'année par l'ensemble des salariés», précise le syndicaliste. Fer de lance de l'opposition, la CFDT redoute aussi les entorses au principe du volontariat.

Les signataires de l'accord soutiennent, eux, que ça vaut mieux que rien en ces temps de touristes trop peu nombreux. La fréquentation plafonne autour de 12 millions de visiteurs annuels, insuffisante pour retrouver l'équilibre financier. L'argent investi pour agrandir le parc ne rapporte pas encore, et la maison mère pompe ses royalties. «Le problème, c'est que l'entreprise a une politique d'augmentation salariale quasi nulle, résume Richard Leclerc, responsable de la branche loisirs de la CGC et délégué des cadres. L'augmentation du pouvoir d'achat est inférieure à l'inflation, les gens stagnent, alors ils se disent que cinq heures supplémentaires dans la semaine, c'est toujours ça de pris.» Alliée improbable, la CGT plaide le même réalisme pour relever un peu des salaires qui restent «au ras des pâquerettes» et permettre à ceux que ça arrange d'engranger des jours de repos.

Chez les employés du wonder monde de Marne-la-Vallée, l'idée de changer ses horaires dans une journée ou sur la semaine est diversement appréciée. Au beau milieu des attractions, Ivan (1) montre aux «guests» l'escalier qui descend vers le Nautilus. Un sourire d'encouragement aux gamins, la réponse à une question d'un adulte ­ dix heures par jour, du dimanche au mercredi. Le touriste passe, et Ivan, 23 ans et un Deug d'anglais, se sent «vraiment bien» chez Disney. Adepte de la culture maison,­ il change de spot et prend un break pour son lunch, il ne veut pas dire combien il gagne après trois ans dans la boîte. Mais, comme il a fait une formation interne, c'est «plus que les autres». Alors, allonger sa journée de boulot de deux heures, il n'est pas trop pour. «Si c'est mieux payé, j'essaierai une fois, pour voir... Mais ça va être dur de tenir : à la fin de la journée, on est déjà HS.» Ivan habite pourtant à dix minutes à pied du parc de Mickey.

2.200 € nets à deux. Noëlle, qui vend du pop-corn Buzz l'Eclair, met une heure et demie pour venir. Elle est payée 1.100 € net par mois,­ «moins que ma soeur qui est vendeuse dans un magasin» et finit parfois à minuit, juste à temps pour sauter dans le dernier RER. Mais la flexibilité horaire, elle est pour. Pour gagner plus. «Je n'ai pas d'enfants ; et puis certains jours il n'y a personne, on n'a rien à faire, et d'autres il y a trop de monde.» Les changements d'horaires et de planning ne la dérangent «pas trop». L'essentiel, pour elle, c'est que la fiche de paie remonte.
Au restaurant Hyperion, Joséphine aimerait bien des fins de mois moins difficiles. A partir du 15, «c'est déficit jusqu'au bout», lâche-t-elle. Elle sert les clients, son mari fait la plonge la nuit dans un hôtel du parc ; à eux deux, ils gagnent 2.200 € net avec bientôt dix ans d'ancienneté. «Faire plus d'heures ? Franchement, je réfléchis... Les enfants sont seuls à la maison après l'école jusqu'à mon retour, c'est dur.»

(1) Les prénoms ont été changés.

(Source : Libération)

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Mis à jour ( Samedi, 07 Octobre 2006 18:23 )  

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