Les experts l'avaient prédit : en 2006-2007, la démographie viendrait au secours de l'emploi. Les enfants du baby-boom arrivant à l'âge de la retraite, les nouvelles générations moins nombreuses prenant place, le marché du travail se détendrait. D'où une baisse du chômage, effective depuis plusieurs mois. CQFD. Dans la réalité, les choses sont un peu plus compliquées que sur les courbes des économistes. Tour d'horizon en trois questions.
La baisse du chômage est-elle due à des facteurs démographiques ?
Oui et non. En tout cas, la question exaspère le gouvernement, qui préférerait qu'on impute la baisse du chômage à sa seule politique (contrat nouvelles embauches pour «flexibiliser» l'emploi, chèque emploi-service universel pour développer les services à la personne, emplois aidés pour réinsérer, etc.). «Quoi qu'on dise, la population active continue à augmenter», soulignait cet été le ministre délégué à l'Emploi Gérard Larcher. Certes, mais de moins en moins. Depuis trente ans, la France devait accueillir, en moyenne chaque année, 150.000 actifs supplémentaires. Aujourd'hui, les experts s'arrachent les cheveux pour savoir combien de Français débarquent sur le marché. Mais s'accordent sur le chiffre de 40.000 nouveaux entrants cette année. «Quoi qu'il en soit, il est certain que les départs à la retraite et en préretraite sont en forte progression, ce qui génère plus de besoins de la part des entreprises», complète Marc-Antoine Lestrade, du Conseil d'analyse stratégique.
«La croissance moins forte de la population active explique la rapidité de la baisse du chômage actuelle», affirme Mathieu Plane, de l'Observatoire français de conjoncture économique (OFCE). Logique : le pays doit créer moins d'emplois pour absorber les nouveaux entrants, moins nombreux. Ainsi en 2002, alors que 160.000 emplois supplémentaires avaient été créés, le taux de chômage avait augmenté de 0,4 point. En 2006, il aura suffi de créer 183.000 emplois pour faire passer le chômage de 9,9 % à 9,1 % .
Quand la population active va-t-elle baisser ?
Peut-être jamais. L'INSEE promettait une baisse de la population active vers 2007. Ses dernières prévisions, parues en juillet, reportent l'affaire à 2015. Et encore, on s'orienterait alors vers une stagnation de la population active (- 0,03% par an), pas vers une franche baisse. La révision à long terme est encore plus flagrante : l'Insee craignait 2 millions et demi d'actifs en moins d'ici à 2050, elle prévoit désormais qu'ils seront plus nombreux qu'aujourd'hui.
Trois raisons à cela. A court terme, d'abord, les effets des deux dernières réformes des retraites : celle de Balladur, en 1993, et celle de Fillon, en 2003. «L'Insee estime qu'elles vont très fortement augmenter le taux d'activité des 60-64 ans», précise Mathieu Plane. De plus, le solde migratoire est bien plus élevé que prévu : l'Insee estimait que 50.000 immigrants arrivaient chaque année en France, l'hypothèse retenue est désormais de 100.000. A plus long terme, c'est surtout le regain de la natalité qui a contraint l'Insee à revoir ses hypothèses. «Alors qu'on estimait le taux de natalité à 1,8 enfant par femme, il est désormais de 1,9», poursuit Mathieu Plane. Mais comme toute hypothèse, celles de l'Insee peuvent se retourner. «Peut-on être sûr que la France continuera à connaître une forte fécondité, contrairement à ses voisins européens, Allemagne ou Italie ? s'interroge Marc-Antoine Lestrade. Les jeunes Français ne seront-ils pas tentés de partir vers d'autres pays pour commencer leur carrière, comme le font déjà les jeunes Anglais ?»
Est-ce la fin du chômage ?
Non, pas forcément. Parce que sur la durée, c'est toujours la croissance qui crée l'emploi. «Le pays produira moins, parce qu'il y aura moins de gens pour produire», résume Marc-Antoine Lestrade. Tous les secteurs, toutes les entreprises n'embaucheront pas à la hauteur des départs à la retraite : la sidérurgie ou le textile ne risquent pas de remplacer leurs anciens. «Même dans des secteurs beaucoup plus dynamiques, des études montrent que les entreprises remplacent peu leurs salariés partis en retraite, c'est donc qu'il y a une forte hausse de la productivité», note Xavier Timbeau, de l'OFCE. D'autres entreprises encore, préféreront délocaliser.
Enfin, des «poches» de chômage peuvent coexister avec une pénurie de main-d'oeuvre. Les chômeurs n'habitent pas dans les régions où les entreprises recrutent. Ou ne sont pas qualifiés pour les emplois proposés. Le gouvernement évoque souvent ces fameux «500.000 emplois vacants» (une extrapolation à partir du nombre d'annonces sans réponse de l'ANPE). Mais pour répondre à ces besoins non pourvus, les employeurs vont devoir changer leurs habitudes de recrutement. «Ils s'étaient habitués depuis trente ans à avoir le choix parmi une main-d'oeuvre très abondante, souvent des jeunes bien formés, note Marc-Antoine Lestrade. En France, les entreprises réclament diplômes et expériences parfois en incohérence avec la réalité du travail à effectuer. Certains métiers sont objectivement "interdits" aux femmes, les services à la personne, au contraire, sont fermés aux hommes. C'est sur ces stéréotypes que les employeurs vont devoir évoluer.»
(Source : Libération)
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