L'Allemagne se découvre 6 millions de pauvres... Ce phénomène est-il vraiment nouveau dans le pays ?
Bien sûr que non. Ce qui est nouveau, c'est le risque de paupérisation qui pèse sur les classes moyennes. Pendant longtemps, les classes moyennes allemandes ont été protégées du chômage. Dans les années 90, deux tiers des salariés allemands n'étaient pas concernés par le chômage. Aujourd'hui, le risque d'être atteint par le chômage s'est étendu à toutes les classes sociales. Comme en France, toute personne qui est restée deux ans au chômage n'a pratiquement aucune chance de retrouver un emploi. Du coup, le débat sur l'exclusion gagne en importance.
Plusieurs rapports récents montrent que les inégalités sociales augmentent en Allemagne. Comment expliquer cet écart grandissant entre riches et pauvres ?
La réunification et la façon dont on l'a financée ont joué un grand rôle. On a trop chargé le système social allemand : les mêmes conditions de retraite, d'assurance maladie et de chômage ont été accordées aux Allemands de l'Est sans transition, ce qui a mis l'ensemble du système social en difficulté. Le politique a dû réagir. D'où les réformes mises en place par le gouvernement de Gerhard Schröder, telles que le plan Hartz IV, qui ont fragilisé la situation, notamment celle des chômeurs de longue durée (1). Avec des classes moyennes menacées par le chômage, la perception d'une inégalité croissante entre riches et pauvres augmente dans la population. Or à la différence de ce qui se passe au Danemark par exemple, l'Allemagne n'a pas réussi à sécuriser certains emplois pour des chômeurs en voie de marginalisation. On commence tout juste à parler de troisième marché du travail, un marché financé par l'Etat, qui redonnerait un emploi aux chômeurs. Je ne parle pas de petits boulots, comme les emplois à 1 euro de l'heure introduits par le gouvernement Schröder, et imposés aux chômeurs de longue durée, mais des emplois d'utilité publique à durée indéterminée et soumis à cotisations sociales.
Qui sont les nouveaux pauvres allemands ?
On a mené des études à ce sujet, à la campagne et dans une grande ville, à Hambourg. A la différence de la France, le chômage des jeunes est relativement faible en Allemagne. Le chômeur de longue durée est plutôt âgé de plus de 50 ans, se replie sur lui-même et ne participe plus à la vie publique ou politique.
Plusieurs études semblent indiquer que le système scolaire a une lourde responsabilité dans la reproduction des inégalités...
L'étude Pisa (2), réalisée par l'OCDE sur les systèmes scolaires, montre en effet que les jeunes issus de milieux modestes ont moins de chances de sortir de leur milieu social par le système scolaire que dans d'autres pays européens. Mais on a tendance à oublier cette réalité sociale en Allemagne, et à critiquer les pauvres, à leur reprocher de laisser leurs enfants tout l'après-midi devant la télévision plutôt que de leur acheter de livres ! Il ne faut pas oublier cette réalité sociale : sortir de la pauvreté est particulièrement difficile en Allemagne.
(1) Au lieu de subir une réduction progressive de leurs indemnités, les chômeurs ne touchent plus que l'aide sociale au bout d'un an de recherche d'emploi.
(2) Programme for International Student Assessment.
(Source : Libération)
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