De grandes entreprises comme EDF ou Orange sont engagées dans la lutte conte la précarité et l’exclusion en accordant des tarifs réduits aux bénéficiaires des minima sociaux. Concept marketing ou vrai engagement, toujours est-il que parmi ce concert d’initiatives "socialement responsables" le système bancaire, sourd aux clameurs de consommateurs plongés ou maintenus dans les difficultés, joue sa partition en solo. Cette broyeuse impitoyable laisse exsangue des milliers de ménages : de citer le cas de ce chômeur au RMI (1) dont 15% du revenu disponible fut avalé en frais, agios et autres tarifications abusives. Jamais lettres ne lui ont paru plus rémunératrices (> 10 €), au point de susciter une tardive vocation d’écrivain, sous-traitant pour l’hydre.
Comment accepter que l’argent de la solidarité publique soutienne le cours de l’action d’une multinationale privée (2) et contribue à la formation de son bénéfice annuel dont le montant dépasse le revenu annuel cumulé de la population recensée comme vivant sous le seuil européen de pauvreté (774 €), c'est-à-dire près de 7 millions d’individus en France ? Un Etat juste ne peut plus tolérer que les plus démunis soient privés de pouvoir d’achat ni même que leur budget soit grèvé de ponctions indues !
Les relations Etat-banquiers furent toujours troubles, l’histoire de France est là pour nous rappeler les accointances fameuses et les gouvernants aux ordres des grands argentiers ; il est temps d‘en finir ! On nous annonce un service bancaire universel équitable pour bientôt... Louable intention, mais quel citoyen ayant subi les refus répétés, les regards méprisants, les comportements hautains des employés peut se satisfaire de ce pansement de fortune ? Qui veut croire que les salariés des banques, piqués à la culture du «scoring» et cornaqués par des managers obnubilés par le profit maximum sans risque, ouvrant la porte de la promotion ou de la sortie dans le cas contraire, vont demain se réveiller la sensibilité sociale à l’âme, l’œil compatissant et la réalité quotidienne du bancarisé de seconde zone en pense-bête ?
Il est temps de mener une réflexion globale impliquant tous les acteurs concernés sur ce que devrait être une banque sociale grand public. Des expériences de crédit social voient le jour, menées notamment par SOS Familles (rachat des dettes des ménages surendettés) ou le Secours Catholique (factures de la vie quotidienne) ou encore l’ADIE pour favoriser l’employabilité et l’insertion professionnelle (financement du permis de conduire…). Ce n’est pas assez !
Le Prix Nobel décerné cette année à Mohammad Yunus, le fondateur du micro-crédit, récompense les résultats d’un homme qui a toujours cru que la pauvreté et le désœuvrement ne sont pas une fatalité, que les laissés pour compte aussi sont des personnes de confiance et peuvent s’en sortir, dès lors qu’une aide adaptée leur est proposée. Quel politique sera le Yunus français, initiateur d’une banque sociale grand public, et osera affronter le sacro-saint monde bancaire ?
Espérons au moins que le sujet sera abordé pendant la campagne par les candidats !
(1) C'est-à-dire moi-même...
(2) Il s'agit du Crédit Agricole, maison-mère du Crédit Lyonnais, ma banque de l'époque.
Frédéric Martineau
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