Figurez-vous que le 24 décembre au soir (entre 20h00 et minuit), j'ai "pédalé" dans Paris (sur mon vélo, vous l'aurez compris) à la recherche d'un sans-abri pour lui offrir quelques victuailles. Je suis parti de la porte de Châtillon (dans le XIVe arrondissement), au sud de la capitale, et j'ai pédalé jusqu'au nord, porte de la Villette.
Eh bien, figurez-vous que sur ce parcours de quatre heures (aller/retour, haltes comprises), je n'ai pas croisé un seul "carton" de sans-abri. Pas un seul… Je ne plaisante pas ! La preuve : Je suis revenu chez moi avec les saucissons, le pain, les madeleines, les tablettes de chocolat… que j’avais pris dans mon sac à dos pour les distribuer en route !
Pendant ce périple, je me suis arrêté canal Saint-Martin pour participer au Noël des sans-abri organisé par les Enfants de Don Quichotte. Sur place, il y avait à profusion de quoi manger. Café, soupe, assiettes garnies… étaient distribués gracieusement à celles et ceux qui le souhaitaient. Un bar avait été spécialement "réquisitionné" pour l’occasion. Eh bien, sur place, vers 21 heures, une trentaine de sans-abri "festoyaient", accompagnés de tout autant de "bien-logés". À certains moments, les "bien-logés" solidaires semblaient même beaucoup plus nombreux que les sans-abri. N’ayant pas grand-chose à apporter de plus, je suis reparti.
Je vous livre ce témoignage car, comme vous pouvez l’imaginer, je soutiens bien évidemment les initiatives visant l’éradication de la misère. Cependant… je vais enfoncer le clou. Les trois ou quatre sans-abri installés dans mon quartier Plaisance/Alésia à Paris (qui, d’ailleurs, étaient je ne sais où le soir du 24 décembre), refusent catégoriquement toute prise en charge caritative. Les gens du quartier qui s’intéressent d’un peu trop près à leur sort sont priés de passer leur chemin ; ces sans-abri les envoient chier, parfois sans ménagement, faut le dire (j’en ai fait l’expérience).
Le cas des sans-abri est complexe. Il ne faut surtout pas généraliser.
• Il y a ceux qui se retrouvent à la rue à cause d’un accident de la vie ou de difficultés financières (chômage, revenu insuffisant pour se loger, séparation amoureuse…), et qui subissent de plein fouet cette situation dramatique.
• Il y a ceux qui préfèrent vivre dans la rue (il y en a), tout en acceptant des aides lorsque les conditions de vie dehors deviennent trop pénibles (en hiver principalement).
• Il y a ceux qui préfèrent vivre dans la rue et qui refusent toute aide extérieure, d’où qu’elle vienne.
À chaque sans-abri son parcours, ses aspirations, ses convictions…
S’il faut proposer à celles et ceux qui veulent s’en sortir les moyens de reprendre pied dans la vie "normale", certains sans-abri n’aspirent pas à être aidés. On les appelait naguère les clochards. J’en ai connus beaucoup dans les années 80, du côté de Jussieu, la fac où je suivais mes études. Parmi ces clodos – comme on disait – la majorité avait fait ce "choix de vie" et n’aspirait à rien d’autre. Ça, je vous le garantis.
Je me souviens notamment de Teddy, un clodo originaire du Canada (il était Inuit – peuplade indienne du grand Nord) avec lequel notre bande de copains discutait souvent (il nous est même arrivé de l’emmener chez les parents de l'un d’entre nous pour lui "offrir" un bain et un repas chaud). Teddy – qui n’était pas alcoolo – n’aurait changé pour rien au monde son mode de vie !
Teddy est mort à Jussieu, dans les années 80, lors d’une charge de CRS pendant des manifs étudiantes (contre le projet Devaquet, si je me souviens bien). Pour échapper aux flics, il a sauté sur le toit d’un baraquement préfabriqué qui, sous son poids, a cédé (Teddy ressemblait à l’Indien de "Vol au dessus d’un nid de coucous", c’était une vraie masse !). Paix à son âme…
Voilà mon témoignage. Pas celui d’un "expert", certes, mais celui d’un mec qui s’intéresse à ces questions depuis un paquet d’années. Et qui s’y est intéressé de très près le 24 décembre 2006…
Yves – Un animateur du site
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