Le thème qui a propulsé Sarkozy en avant, c'est que l'économie française est «coincée» et doit être «réformée» pour ressembler davantage à la nôtre. On pense aussi que la France doit devenir plus «compétitive» sur le plan international car, avec la mondialisation, la concurrence est plus dure.
Parmi ceux qui considèrent que les salariés français doivent réduire leur niveau de vie à cause de la mondialisation de l'économie, le plus célèbre est Thomas Friedmann, du New York Times : «Toutes les forces de la mondialisation grignotent les Etats-providence européens», écrit-il... «Les électeurs français tentent de préserver la semaine de 35 heures dans un monde où les ingénieurs indiens sont prêts à travailler 35 heures par jour». Pour Friedman et la plupart des experts, c'est l'équation impossible. Or il est important de comprendre que cet argument — les citoyens d'un pays riche doivent réduire leur train de vie ou leurs programmes gouvernementaux à cause du progrès économique des pays en développement — n'a aucune logique sur le plan économique.
Une fois qu'un pays développé a atteint un certain niveau de productivité, il n'y a aucune raison pour que ses habitants subissent des réductions de salaire ou travaillent davantage, sous le prétexte que les autres pays sont en train de les rattraper. Cette productivité, qui repose sur la connaissance, les compétences, les réserves de capital et l'organisation économique du pays, est toujours là, et augmente d'ailleurs chaque année. Si certains intérêts particuliers avancent l'argument de la concurrence internationale pour abaisser le niveau de vie des salariés français, allemands et américains — et c'est le cas —, cela signifie tout simplement que ce ne sont pas les bonnes personnes qui définissent les règles du commerce international. Le problème, c'est non pas le progrès économique, mais l'existence d'une démocratie limitée où la majorité n'est pas représentée.
Passons aux chiffres du chômage des jeunes en France, des chiffres élevés qui définissent la politique du pays et ont influencé l'opinion internationale lors des émeutes de novembre 2005. Dans la mesure standard du chômage, les chômeurs sont le numérateur et les chômeurs plus les actifs, le dénominateur (c/c + a). Avec ce système, les hommes âgés de 15 à 24 ans ont un taux de chômage de 20,8% en France contre 11,8% pour les Etats-Unis. Mais cette différence s'explique en grande partie par le fait qu'en France il y a proportionnellement davantage de jeunes hommes hors de la vie active — parce qu'ils poursuivent leurs études et parce que les jeunes Français qui travaillent à temps partiel en faisant leurs études sont moins nombreux qu'aux Etats-Unis. Ceux qui ne sont pas dans la vie active ne sont comptabilisés ni dans le numérateur, ni dans le dénominateur.
Pour une meilleure comparaison, il faut examiner le nombre total de chômeurs divisé par le nombre de chômeurs dans la population des 15-24 ans. Avec ce système, on aboutit à 8,3% pour les Etats-Unis et 8,6% pour la France. Les deux pays ont un sérieux problème de chômage chez les jeunes et, dans les deux pays, il touche essentiellement les minorités raciales et ethniques. Mais le problème n'est pas tellement pire en France qu'aux Etats-Unis.
Sarkozy propose de faciliter les licenciements, de réduire les impôts (y compris les droits de succession), de revenir sur la semaine de 35 heures et d'autres mesures qui favorisent les hauts revenus et les propriétaires de grandes entreprises. Ces mesures redistribueront la richesse vers le haut, comme nous le faisons aux Etats-Unis depuis trente ans. Mais, une fois encore, rien ne prouve économiquement qu'elles feront augmenter l'emploi ou la croissance.
Royal propose une série de mesures pour doper la demande — entre autres, l'augmentation du salaire minimum, des allocations chômage et la multiplication des emplois subventionnés. Ces propositions sont plus logiques sur le plan économique car elles ont au moins une chance de créer des emplois — en dopant la demande totale et le pouvoir d'achat.
Si la France bascule à droite lors de cette élection, ce sera largement à mettre sur le compte de la désinformation économique.
(Source : Courrier International)
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