Cette décision a été qualifiée de "provocation" par le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande. "C'est scandaleux !" s'indigne Jean-François Knepper, délégué FO syndicat majoritaire d'Airbus : "Je suis stupéfait qu'on puisse prendre de telles décisions alors qu'on nous explique que l'entreprise est en difficulté."
Cette décision est d'autant plus malvenue qu'elle intervient dans une ambiance tendue chez Airbus. A Saint-Nazaire, la grève a été reconduite ; à Nantes, elle a été suspendue jusqu'à mercredi 9 mai. Des assemblées générales sont prévues ce jour-là sur les deux sites. Les propositions de la direction lors des premières négociations salariales, jeudi, d'une augmentation de 2,5% et d'une prime exceptionnelle de 500 € n'ont pas apaisé la situation. Mais pour la direction, la reprise des discussions est liée au retour au calme.
"Patate chaude". Au conseil d'EADS, le camp français, à la différence de l'allemand, ne souhaitait pas toucher les 99 millions d'euros destinés à l'ensemble des actionnaires, compte tenu de la crise que traverse le groupe. Faute de terrain d'entente, ils ont donc, comme l'autorise le pacte d'actionnaires, laissé la décision aux autres porteurs de parts qui représentent 47,5% du capital.
"Vous nous passez la patate chaude en nous demandant de trancher" a constaté avec étonnement un actionnaire en s'adressant aux administrateurs, tandis qu'un autre leur a demandé de préciser leur position. "Nous ne toucherons pas les dividendes et nous les reverserons dans l'entreprise", a répondu Arnaud Lagardère, coprésident du conseil d'administration d'EADS, précisant que "l'Etat suivra la même position". Les dividendes représentent pour les Français environ 30 millions d'euros, répartis à parité entre les deux actionnaires. Plus embarrassé, son homologue allemand Rüdiger Grube a précisé que chez DaimlerChrysler "nous en discuterons en interne et nous déciderons après."
Les petits actionnaires se sont montrés divisés sur le sujet. Les uns ont considéré comme normal le fait de recevoir une rémunération pour compenser la chute du cours de 2006. Les autres ont préféré y renoncer.
Cette position défendue par les associations d'actionnaires français, allemand et néerlandais, avec le soutien de gérants de fonds a été rejetée de peu. "C'est dommage, car cela aurait permis de montrer notre solidarité avec les salariés" regrettait Didier Cornardeau, président de l'association des petits porteurs actifs (Appac). Néanmoins, tous ont été étonnés à Amsterdam du faible écart de voix.
"Entièrement dévoués au plan de redressement". L'autre surprise de cette assemblée de plus de six heures est venue de son atmosphère studieuse, avec de nombreuses questions touchant à la stratégie d'EADS. Comme si une page sur le passé était en train de se tourner. Non sans soubresauts.
Interpellé sur le délit d'initiés et sur les indemnités de 8,5 millions d'euros versées à M. Forgeard, M. Lagardère a répliqué : "Personne n'a été condamné, l'enquête est en cours, il n'y a pas de raison de ne pas appliquer les règles du contrat de Noël Forgeard." A un actionnaire qui s'étonnait de ne pas avoir entendu un mot d'excuse sur les contre-performances du groupe, Louis Gallois, coprésident d'EADS et patron d'Airbus a répondu : "Nous sommes désolés de vous présenter de tels résultats mais nous sommes entièrement dévoués au plan de redressement."
Le mode de gouvernance bicéphal a aussi été très critiqué. "S'il faut dégraisser les effectifs, commencez par vous-mêmes et limitez-vous à un dirigeant au lieu de deux", affirmait un actionnaire. Ripostant sur le thème de la réorganisation des structures, l'autre coprésident d'EADS, Tom Enders, a indiqué : "Dans le nouvel Airbus que construit Louis, nous avons secoué le cocotier."
(Source : Le Monde)
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