Cette pauvreté s'explique, d'une part, par la précarité des emplois occupés (temps partiel subi, faible durée du contrat de travail), d'autre part par la faiblesse des rémunérations qui, même complétées par des transferts sociaux, ne permettent pas toujours d'assurer un niveau de vie décent à une famille.
Une recherche réalisée en 2006 par le Centre de recherche pour l'étude et l'observatoire des conditions de vie (CRÉDOC) confirme ces phénomènes déjà bien connus et permet de mettre en avant un décalage ente la pauvreté objective (ressources en dessous du seuil de pauvreté et conditions de vie dégradées) et le ressenti des personnes concernées.
La première définition de la pauvreté objective est celle de la pauvreté monétaire. Elle conduit à considérer comme pauvres les ménages dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 60% du revenu médian. Il partage une population en deux : la moitié dispose d'un revenu supérieur à ce seuil, l'autre moitié d'un revenu inférieur. Le seuil des ménages dans lesquels au moins une personne travaille est le plus élevé : 692 €, contre 670 € pour l'ensemble de la population. Malgré cela, les ménages qui travaillent sont moins souvent en-dessous du seuil : 14% contre 19% parmi l'ensemble de la population.
Tous les ménages ne sont par ailleurs pas égaux face à la pauvreté monétaire : en particulier les familles monoparentales, même en CDI à temps plein, les familles nombreuses mais aussi les couples avec un seul adulte qui travaille, sont nombreux à avoir des revenus inférieurs au seuil. A l'inverse, les couples ayant deux CDI à temps plein sont la plupart du temps épargnés par la pauvreté.
Le CRÉDOC distingue également la pauvreté "par conditions de vie". Elle concerne les ménages dont les ressources contraignent l'accès à certains biens : ils ne peuvent pas partir une semaine en vacances ou s'acheter des vêtements neufs, de la viande ou du poisson tous les deux jours, offrir des cadeaux au moins une fois par an.
Cette forme de pauvreté est, comme la pauvreté monétaire, à la fois moins répandue et moins intense parmi les ménages qui ont au moins un emploi : seulement 12% ont des conditions de vie insatisfaisantes contre 16% de l'ensemble de la population. Les premiers ont des contraintes budgétaires et des retards de paiements plus fréquents que la population générale, mais se restreignent moins sur la consommation et l'équipement et ont moins de difficultés de logement. La pauvreté par conditions de vie est généralement due à un événement récent : une baisse du niveau de vie au cours des douze derniers mois l'explique plus que la situation actuelle.
Enfin, si la pauvreté est objectivement moins affirmée pour les ménages ayant un emploi, elle est pourtant ressentie plus durablement. Ainsi, le tiers des ménages qui ont un emploi et qui estiment ne pas "y arriver" ne sont pas pauvres objectivement. Dans l'ensemble de la population, le décalage est moins important : seulement le quart se perçoit pauvre sans l'être objectivement.
Inversement, la pauvreté objective induit plus systématiquement un sentiment de pauvreté parmi les ménages en emploi que parmi les autres : 14% de ménages ayant un emploi ne se perçoivent pas en difficulté financière alors qu'ils sont objectivement pauvres, contre 18% parmi l'ensemble de la population. L'exercice d'un emploi entraîne ainsi de fortes attentes sur le niveau de vie. Si ces attentes sont déçues, les difficultés du quotidien sont encore plus mal vécues que lorsque le ménage n'a pas d'emploi, indique le CRÉDOC.
Isabelle Moreau pour La Tribune
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