Acte manqué ? Nicolas Sarkozy doit passer le week-end dans la résidence des premiers ministres, le pavillon de la Lanterne dans le parc du château de Versailles. "Il m'a demandé si c'était possible. J'ai accepté. Aucun problème", confie Dominique de Villepin. "Cela lui a été proposé par le premier ministre et il va accepter", corrige un proche collaborateur du nouveau chef de l'Etat.
Depuis son retour de sa croisière au large de l'île de Malte, le président élu s'est installé rue Saint-Dominique, dans un bâtiment de la République, annexe de Matignon, pour consulter et réfléchir à la constitution de son gouvernement. Car, pour son premier acte de président, Nicolas Sarkozy a choisi de frapper fort. En redécoupant les ministères, il veut en profiter pour réformer l'Etat, éliminer les doublons, réduire le nombre de fonctionnaires. "Depuis 48 heures, les grandes directions des ministères ont réalisé qu'elles vont se faire bouffer, on croule sous les contre-propositions", rigole un des artisans du "grand redécoupage".
A titre d'exemple, une partie des douanes devrait rejoindre le ministère de l'intérieur (environ 10.000 agents sur 20.000), la direction du travail, qui s'occupe des relations sociales et du droit du travail, va être rattachée à Bercy et au futur ministre de la croissance et de l'emploi. "Ça va permettre à des dizaines de milliers de fonctionnaires de mieux appréhender la réalité économique", glisse un conseiller. Mais aussi de découvrir quelquefois "leur double dans le ministère d'en face", ajoute-t-il. Car la forteresse Bercy a souvent doublonné l'organisation des ministères dépensiers : "D'un côté un fonctionnaire qui dépense, de l'autre un fonctionnaire qui empêche de dépenser", résume un connaisseur des arcanes de l'Etat. Une autre partie de Bercy - le Trésor, la dette et la macroéconomie - serait fusionnée avec les directions s'occupant de la Sécurité sociale, notamment de l'élaboration de la loi de financement de la Sécurité sociale, le reste du ministère de la santé fusionnant avec les sports. Ce nouveau ministère des "comptes" pourrait être confié à un UDF, en gage d'ouverture.
Des ministères importants pourraient disparaître, comme l'agriculture et la culture. Cette dernière serait rattachée à l'éducation nationale pour promouvoir l'enseignement artistique à l'école. L'immense ministère du développement durable, en cours de constitution, serait le prétexte à la réforme des grands corps d'ingénieurs de l'Etat. Regroupant l'écologie, les transports, l'énergie et l'équipement, il suscite déjà l'opposition des corps des Mines, des Ponts, des Eaux et forêts, et des Télécoms, qui se réservent les grandes directions et qui rechignent à perdre leur singularité. Jean-Pierre Raffarin qui a suggéré une solution alternative - regrouper l'Europe et le développement durable - n'a pas été suivi.
"Il y aura beaucoup de surprises sur le périmètre des ministères, leur intitulé et le nom des titulaires...", met en garde un proche de François Fillon. Sur le nom des ministères, les collaborateurs de Nicolas Sarkozy ont été invités à un large "brainstorming" tout au long du week-end pour que les intitulés retenus soient parlants et indiquent une stratégie tout autant qu'un redécoupage. Quant aux noms des titulaires de ces futurs portefeuilles, dont la moitié seront des femmes, les "fuites", organisées ou pas, vont se multiplier jusqu'à l'annonce de la composition du gouvernement, entre le 18 et le 21 mai.
Une chose est sûre : "Il nous faut des patrons très puissants politiquement pour imposer des restructurations qui vont faire grincer des dents", estime-t-on dans l'entourage du futur exécutif. Selon un ministre sortant qui espère faire partie de la future équipe, "avec cette restructuration de l'Etat, on sera en mesure de ne pas remplacer les départs à la retraite d'un fonctionnaire sur deux dès 2007."
Au moment de laisser les clés de Matignon à la future équipe, M. de Villepin, qui a été plusieurs fois en contact avec M. Sarkozy depuis son élection, confie avoir été "frappé par sa détermination, sa volonté d'ouverture et de renouvellement". "Mais attendons pour connaître quel président il sera... l'exercice du pouvoir n'est pas la conquête du pouvoir, ajoute-t-il. M. Sarkozy a tranché : ce sera l'option difficile.
(Source : Le Monde)
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