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Lorsque François Fillon échouait dans sa lutte contre le chômage

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François Fillon, le nouveau Premier ministre, était ministre de l’Emploi et des Affaires sociales de mai 2002 à avril 2004. Lorsqu'il arrive au ministère, le chômage est officiellement à 9,1% soit 2.221.700 demandeurs d’emploi. Lorsqu’il quitte ses fonctions, les statistiques officielles indiquent un taux de chômage de 9,8% soit 2.430.700 demandeurs d’emploi. François Fillon ministre de l’Emploi, c’est, selon les chiffres officiels, plus de 200.000 chômeurs de plus en moins de deux ans.

«L’emploi, c’est ma préoccupation première, c’est la priorité nationale», affirmait alors le Premier ministre de l’époque Jean-Pierre Raffarin, le 23 novembre 2003 sur Europe 1. Les emplois jeunes étaient supprimés et c’est un virage libéral de la politique de l’emploi qui s'amorçait. La droite se voulait déjà décomplexée, et elle allait faire passer le retour à l’emploi avant l’assistanat. «Il faut prendre un certain nombre de mesures pour convaincre [les chômeurs] d’accepter les postes qu’on leur propose», lançait François Fillon dans Les Échos du 20 novembre 2003. Personne ne peut ignorer «la grogne qui monte de plus en plus dans l’opinion publique au regard de certains chômeurs qui ne souhaitent pas reprendre un emploi», insistait-il le même jour sur France Inter.

Le chômeur, dans les discours et les interviews de François Fillon, n’était alors très souvent qu’un assisté social, c’est-à-dire le contraire d’une victime. À l’inverse, l’entreprise était considérée comme vertueuse ; elle ne pouvait produire de l’exclusion humaine. Cette entreprise était parfois elle-même une victime lorsqu’elle n’arrivait pas à trouver de salariés pour satisfaire ses offres d’emploi... On parlait alors du scandale des "300.000 offres d’emploi non satisfaites". Personne ne parlait du scandale des demandes d’emploi non satisfaites de plus de 3 millions de chômeurs !!! C’est pourtant bien le «droit à l’emploi» qui est inscrit dans le préambule de la Constitution...

Fin 2003, François Fillon fixait pour objectif de réduire d’un tiers, au cours de l’année 2004, les offres d’emplois non pourvues. Mais il n’était pas alors question de s’interroger sur la faiblesse des salaires ou sur les lamentables conditions de travail existant parfois dans ces secteurs d’activités qui peinent à trouver de la main-d’oeuvre... Pour François Fillon, c’était au demandeur d’emploi qu’il fallait s’intéresser… en l’indemnisant moins et en le contrôlant plus. L’ASS (allocation de solidarité spécifique), ce minimum social que touchent les chômeurs n’ayant plus aucun autre droit indemnitaire, sera donc limitée à 2 ans au plus : «On ne peut indemniser le chômage indéfiniment», déclarait François Fillon. Les sommes dévolues à l’ASS sont dès lors abaissées de 43% par rapport au montant voté dans le budget initial de 2002 sous le gouvernement de Lionel Jospin. Quant au contrôle de la recherche d’emploi, le ministre envisageait la mise en place d’un système d’indemnisation des chômeurs gradué en fonction des efforts qui sont faits pour retrouver un emploi. Il s’agissait de traquer les chômeurs qui se seraient installés dans l’assistanat et de les ramener vers l’activité. C’est à ce moment-là que le RMI devenait RMA ! Le revenu minimum d’activité devait se substituer progressivement au revenu minimum d’insertion, mais pour le toucher, il fallait et il faut avoir une activité... L’opération permettait surtout à l’État de se débarrasser de ce dispositif en le refilant en totalité aux Conseils généraux.

Cette approche libérale pariait sur la fluidité et l’activité du marché du travail pour résorber le chômage. Ce choix idéologique signifiait également moins d’État et moins de financement public alloué à la politique de l’emploi. L’évolution des budgets concernant les emplois partiellement financés par l’État permet de mesurer l’ampleur de cette politique. Si on compare les sommes votées pour 2004 à celles qui ont été votées pour le budget initial de 2002 (le dernier préparé par le gouvernement Jospin), il apparaît que le budget consacré aux emplois-jeunes a été divisé par deux. Ces derniers disparaîtront par la suite, et la somme consacrée au financement des CES (Contrats emploi solidarité) diminue de 47%. Le montant dévolu au financement des préretraites est lui aussi en baisse de 47%. A contrario, le gouvernement trouve de l’argent pour exonérer les entreprises de certaines de leurs cotisations sociales ; le budget est, là, en hausse de 12%. Dans cette même logique, 416 millions d’euros sont prévus pour financer des contrats jeunes en entreprise. Ces contrats, créés à la rentrée 2002, consistent en des baisses de charges pour les entreprises employant des jeunes peu formés. Au total, le budget du ministère de l’Emploi et des Affaires sociales est en baisse de 7%.

«Chômage et précarité : le choc du 1er janvier 2004», titrait Le Monde dans sa Une du 30 décembre 2003. Un article où l’on peut lire que «2004 sera une année dure pour les chômeurs et les précaires. Dès le 1er janvier, au moins 180.000 demandeurs d’emploi vont basculer en fin de droits en raison de l’application du plan de redressement de l’Unedic. Le même jour entrera en vigueur la réforme de l’ASS versée par l’État aux chômeurs qui ne sont plus indemnisés par le régime d’assurance chômage. Ce minimum social, qui concerne 372.000 personnes, sera désormais versé sur une durée limitée...»
Choc social... Les termes du quotidien du soir étaient particulièrement bien choisis. La réforme du régime d’assurance chômage conduisait alors à indemniser, dès 2004, moins de la moitié des chômeurs. De plus, ces indemnités étaient souvent peu élevées : selon les statistiques de l’Unedic de juin 2003, 50% des chômeurs perçoivent alors moins de 1.097 € par mois, 10% moins de 510 €, et 5% moins de 382 €. À compter du 1er janvier 2004, les chômeurs qui relèvent désormais du RMI recevaient mensuellement 411,70 € (pour une personne seule), et les «bénéficiaires» de l’ASS touchaient alors mensuellement 406,80 €.

Lorsque François Fillon était ministre de l’Emploi et des Affaires sociales, le chômage a crû si rapidement que, contrairement à son intention, le gouvernement n’a finalement pas pu totalement renoncer au «traitement social» du chômage. Après le désastre électoral de la droite aux élections régionales de 2004 et face à l’inexorable montée du nombre de chômeurs, François Fillon s’en allait à l’Éducation nationale, et c’est Jean-Louis Borloo qui s’installait aux commandes du ministère de l’Emploi et de la Cohésion sociale...

Patrick SALMON, ancien directeur d'agence et syndicaliste à l'ANPE, pour AgoraVox

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Mis à jour ( Jeudi, 17 Mai 2007 20:00 )  

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