Les services publics et les administrations vont-ils être obligés de renoncer aux numéros "surtaxés" ? L'appel vers ces numéros (commençant souvent par "08") coûte entre 0,12 et 1,20 € par minute. Soit dix fois plus au bas mot qu'une communication "locale" ou qu'un appel entre deux numéros de téléphone fixes commençant par 01, 02, 03, 04 ou 05. La facture est encore plus salée depuis un mobile. En outre, la plupart des numéros surtaxés sont inaccessibles depuis l'étranger.
Le ministre du budget, Eric Woerth, a annoncé jeudi 6 septembre que les appels des usagers vers les services placés sous son autorité (douanes et impôts) allaient repasser au prix d'une communication locale. Il a également souhaité que ces réductions de coûts soient envisagées "pour l'ensemble des services publics". M. Woerth tente ainsi de mettre fin à la polémique qui a éclaté cet été. Mi-juillet, le site Geonumbers qui, pour quelque 5.000 numéros surtaxés, donnait les numéros équivalents non officiels au tarif local, a dû fermer. "Nous l'avons fait à cause de la pression de certaines entreprises qui nous menaçaient de poursuites", assure Paul Roman, fondateur du site, qui a lancé une pétition pour réclamer le retour à une tarification normale pour les organismes sociaux. Plus de 70.000 personnes l'ont signée.
Par ailleurs, un rapport d'audit coordonné par l'Inspection générale des finances recommande une "baisse généralisée" des prix des appels vers les administrations.
S'il s'agit d'obtenir une information régionale auprès de Météo France, l'existence d'une "surtaxe" téléphonique ne choque pas vraiment. Les numéros de téléphone surtaxés ont précisément été créés - il y a une vingtaine d'années - afin de rémunérer les fournisseurs de services marchands à faible valeur ajoutée. Ils récupèrent une partie de la "surtaxe", le reste va à l'opérateur de télécommunications qui achemine les appels. En revanche, la surtaxe est plus difficile à défendre dans le cas d'un chômeur qui cherche à joindre les Assedic : cela peut lui coûter jusqu'à 0,15 € par minute. Ou pour une famille qui veut connaître les conditions d'attribution de l'allocation de rentrée scolaire (0,112 € la première minute de communication, puis 0,118 € par minute auprès des caisses d'allocations familiales).
Lister les services sociaux
"Cela revient à faire payer un impôt supplémentaire aux administrés", estime Julien Dourgnon de l'UFC-Que choisir. De fait, aux Assedic par exemple, les revenus tirés des numéros surtaxés servent à financer la politique d'information de l'organisme (prospectus…). "Les personnes de condition modeste sont les premières concernées", regrette Roland Courteau, sénateur de l'Aude (PS). "Pourquoi payer ce qui devrait rester un service public ? Les chômeurs consacrent déjà en moyenne 415 € par mois à leur recherche d'emploi", ajoute François Desanti, secrétaire national de la CGT-Chômeurs.
Jean-Louis Masson, sénateur (sans étiquette) de la Moselle, a déposé début septembre une proposition de loi visant à légaliser l'existence de sites comme Geonumbers, permettant de "boycotter" les numéros surtaxés. Son collègue Roland Courteau réclame la publication d'un décret, promis par une loi de 2004 mais toujours pas paru, listant les services sociaux dotés de numéros d'appel gratuits pour les usagers.
Eric Woerth a promis une révision de la liste des numéros gratuits, en particulier à destination des "populations les plus fragiles". Faut-il pour autant espérer la généralisation des numéros gratuits ? Sans doute pas. L'Inspection des finances en juge le coût prohibitif. Cette gratuité conduirait, selon son rapport d'audit, à un coût supplémentaire de fonctionnement de 80 millions d'euros pour les trois principaux organismes de protection sociale (CNAM, CNAV et CNAF). Sans compter les effets pervers (appels non pertinents ou abusifs) que le passage à la gratuité ne manquerait pas d'entraîner...
(Source : Le Monde)
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