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Accueil Social, économie et politique Bientôt, une deuxième Journée de solidarité ?

Bientôt, une deuxième Journée de solidarité ?

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Telle est l'idée de Philippe Bas, ancien ministre de la Santé sous Villepin. Ou comment on se fout des vieux en arnaquant les travailleurs.

Hier, au micro d'Europe 1, le discret monsieur Bas — qui porte bien son nom — a tenu les propos suivants : «Les prix des [maisons de retraite] ont fortement augmenté et avec une retraite moyenne de 1.200 €, les personnes âgées ne peuvent suivre sans que toutes leurs économies y passent. Beaucoup sont contraintes de faire appel à leurs enfants ou à l'aide sociale»… une «insupportable humiliation», selon lui. Il se vante d'avoir le «courage de proposer cette deuxième journée de solidarité», indispensable à ses yeux, tout en estimant qu’«augmenter les prélèvements obligatoires [...] serait irresponsable» et qu'il vaut mieux financer cette solidarité «par le travail, qui enrichit la France, que par l'impôt, qui l'appauvrit». En cette période de crise et de chômage massif, il y a de quoi ricaner !

Cerise sur le gâteau, le discours culpabilisateur : «Saurons-nous surmonter nos égoïsmes pour donner à nos anciens et aux personnes handicapées un peu de ce temps libre dont nous disposons à profusion ?», a-t-il interrogé. Pas question pour l'énarque d'accabler les artisans, encore moins les commerçants ou les agriculteurs et les professions libérales, qui ne sont déjà pas soumis à l'actuelle Journée de solidarité : «Ils travaillent déjà plus de cinquante heures par semaine». Non : il s'adresse à tous ces planqués de salariés, ces égoïstes privilégiés qui vivent «au pays des trente-cinq heures»...

Reprenons point par point.

• D'abord, il évoque «une retraite moyenne de 1.200 €» (toutes carrières confondues, la moyenne mensuelle étant de 1.535 € pour les hommes et de… 692 € pour les femmes, source Insee). Il élude quelque 600.000 personnes âgées, dont une écrasante majorité de femmes seules, qui survivent au minimum vieillesse (628 € par mois) et ne pourront jamais prétendre à ces maisons de retraites qui coûtent si cher : nombre d'entre elles, d'ailleurs, se «clochardisent à domicile», selon l'inquiétant constat de la Fondation Abbé-Pierre.

• Ensuite, dans sa bouche, faire appel à «l'aide sociale» — qui est inscrite dans le droit ! — devient une «insupportable humiliation». Même chose quand il s'agit de faire appel aux enfants. On ne peut s'empêcher de songer à Martin Hirsch et à son «obligation alimentaire» aux parents par laquelle les candidats au RSA devraient passer. Telle est la flagrante contradiction : pour des retraités à 1.200 € par mois, se tourner vers la solidarité familiale est une honte mais pour des adultes vivant aux alentours ou très en dessous du seuil de pauvreté (908 € par mois) non, bien au contraire !

• M. Bas est contre «l'impôt, qui appauvrit». Il est clair que le «bouclier» fiscal de Nicolas Sarkozy, qui protège les plus aisés de l'impôt, ne les appauvrit pas puisque l'Etat se déleste de 14 milliards d’€ par an pour les leur offrir sur un plateau, privant ainsi l'intérêt général de ces précieux fonds. Il est clair aussi que les 60 milliards d’€ d'aides publiques diverses et variées — dont plus de 30 milliards rien qu'en allègements de «charges» qui grèvent lourdement les recettes de notre protection sociale — n'appauvrissent pas des entreprises bien peu reconnaissantes qui, au lieu de faire preuve de «patriotisme économique» et œuvrer en faveur de l'emploi français, licencient leurs salariés. (Je vous épargne les 2,5 milliards récemment consacrés à la baisse de la TVA des restaurateurs…) De jolis exemples de «solidarité nationale» — enfin, d’«assistanat» — que personne ne conteste !

Il est aussi clair qu'un homme comme Bernard Arnault peut empocher 326 millions d'euros de dividendes en un an (soit huit années de RMI en une heure !) sans avoir à contribuer beaucoup à la «solidarité nationale». Avec les mirifiques dividendes versés aux principaux actionnaires de France, on peut soit faire le bonheur d’une dizaine d’happy few, soit indemniser la majorité des chômeurs et des retraités du pays. Les actionnaires, les retraités et les chômeurs étant, on le rappelle, deux catégories similaires : toutes trois payées à ne rien foutre.

• M. Bas élude encore les dernières données de l'Insee : les 35 heures tant honnies ne concernent pas la majorité de salariés à temps complet, dont la durée effective de travail a augmenté en cinq ans et s'élève, en moyenne, à… 39h24 par semaine. M. Bas escamote surtout le fait que le «pays des trente-cinq heures» est un mirage pour des millions de travailleurs précaires, qualifiés ou non, de plus en plus nombreux et contraints de se contenter d'emplois en miettes. Emplois merdiques dont le gouvernement fait la promotion et qu'il sponsorise.

M. Bas oublie également que 15% (minimum) de nos salariés sont au Smic, et que le revenu médian des Français s'élève à 1.510 € par mois, ce qui signifie que la moitié de la population française vit avec moins que cette somme.

Mais quid de la Journée de solidarité numéro un ?

Elle aurait rapporté quelque 11 milliards d’€ depuis sa création après la canicule de 2003. Ce que M. Bas estime insuffisant.

En juin dernier, dans un communiqué intitulé "Lundi de Pentecôte : la vérité sur les détournements de l'Etat" et passé inaperçu, l'association AD-Pa, qui regroupe notamment des directeurs de maisons de retraite, a estimé qu'au moins 700 millions d'euros destinés aux personnes âgées provenant de cette journée supplémentaire de travail ont été «détournés» en 5 ans. Bien sûr, le gouvernement réfute.

«Plus d'1,2 milliard d'euros (soit 50.000 emplois) provenant du jour férié supprimé n'ont pas été dépensés comme prévu», accuse l'AD-Pa. «Plus de 500 millions ont été consacrés à la construction de structures alors qu'ils devaient permettre le recrutement de salariés, et plus de 700 millions ont servi à diminuer l'engagement de l'Etat et de l'assurance maladie dans le secteur, au lieu d'améliorer les conditions de vie des personnes âgées.» Et de rajouter : «Les 500 millions, c'est un péché véniel, c'est moins grave, même si ce n'est pas acceptable. Par contre, les 700, c'est clairement du détournement». Selon l'AD-Pa, ces fonds destinés aux personnes âgées ont permis à la Sécu de faire des économies (160 millions en 2005, 200 millions en 2007, 260 millions en 2008) et à l'Etat de financer le plan de relance de 50 millions annoncé en 2009 et d'autres engagements atteignant 30 millions.

Voilà pourquoi il en faut une deuxième !!!

On le redit, on le répète : le gouvernement se fout de la gueule des personnes agées et handicapées tout en arnaquant les travailleurs.

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Mis à jour ( Jeudi, 27 Août 2009 00:26 )  

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