Les allégements de charges, accordés jusqu'à 1,6 Smic [1], représentent près des deux tiers du budget total des politiques de l'emploi. Mais le gouvernement pourrait bien reprendre d'une main ce qu'il accorde de l'autre. Lui qui s'apprête à exonérer de charges sociales le rachat de jours de RTT après en avoir fait autant pour les heures supplémentaires, souhaite mettre sous condition les 20 milliards d'euros accordés au titre des allégements généraux [2].
Dans une note finalisée hier, dont Les Echos ont obtenu copie, le gouvernement détaille les mesures qu'il entend mettre en place pour inciter branches et entreprises à négocier sur les salaires. Le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) devra en évaluer les conséquences sur l'emploi avant la fin janvier, pour qu'un projet de loi soit déposé au cours du premier trimestre et s'impose au titre des négociations salariales de 2008. L'expertise ne sera pas inutile quand on connaît le coût de ces allégements.
Simple à éviter
Le dispositif comportera deux niveaux de sanction. Le premier, le plus sévère, concernera les entreprises qui, parce qu'elles emploient plus de 50 salariés et disposent de syndicats, ont l'obligation d'ouvrir des négociations salariales chaque année. Aujourd'hui, le quart d'entre elles n'en font même pas l'effort. Si ces entreprises ne respectent pas cette obligation au titre de 2008, elles perdront 50% de leurs exonérations en 2009. Si elles n'ouvrent toujours pas de négociations en 2009, elles perdront l'intégralité de ces aides en 2010. Il en sera ainsi pour les années suivantes.
Les exonérations ciblées sur certains territoires (zones urbaines sensibles, DOM TOM) et certains publics (contrats aidés, etc…) ne seront toutefois pas touchées. Les sanctions n'en restent pas moins imposantes : selon les calculs du COE, les allégements généraux de charges réduisent le coût du travail de près d'un cinquième au niveau du salaire minimum, de 10% au niveau de 1,2 Smic et de 4,3% au niveau de 1,4 Smic.
La sanction sera toutefois simple à éviter, puisqu'il suffira à l'employeur d'ouvrir une seule séance de négociations pour être dans ses droits. Les syndicats, et notamment FO, auraient souhaité que soient sanctionnées les entreprises ne parvenant pas à un accord, ce qui aurait été plus contraignant.
Calculés sur les minima
Un autre mécanisme s'ajoutera à celui-ci et permettra de toucher, indirectement, les entreprises n'ayant pas d'obligation légale de négocier. Aujourd'hui, les allégements de charge sont calculés par rapport au niveau du Smic (8,44 € brut de l'heure). Cela ne sera plus le cas des branches ayant des minima inférieurs au minimum légal. Pour elles, les allégements seront calculés à partir de leur niveau salarial le plus bas (7,50 € brut par exemple). Le manque à gagner, estimé entre 5% et 10% des exonérations selon les branches, est évidemment moins important que dans le premier cas, mais il prendra un caractère très incitatif au bout de quelques années.
Les branches sont en effet nombreuses à ne pas relever leurs minima au niveau du Smic : au 30 septembre, 71 sur 160 étaient concernées. Une vingtaine d'entre elles présentent des difficultés récurrentes depuis plusieurs années, indique le ministère du Travail. Elles couvrent 1 million de salariés au total, dans la parfumerie esthétique, les grands magasins et le commerce alimentaire notamment. La sanction sera d'autant moins bien acceptée que les entreprises paient leurs salariés au niveau du Smic, y compris quand les minima de branches y sont inférieurs.
[1] Les allégements généraux de charges sont ciblés sur les bas salaires. Si 58% des salariés sont concernés par la politique d'exonération, 90% de leurs montants bénéficient à des salariés dont le salaire est inférieur à 1,35 Smic.
[2] Sur les 20 milliards d'euros actuels, 8 milliards sont antérieurs à la mise en place des 35 heures. Le reste, soit environ 12 milliards d'euros, correspond à l'accroissement des allégements liés à la RX1 : compensation du surcoût horaire pour les entreprises ayant réduit la durée du travail et compensation des fortes hausses du Smic intervenues entre 2003 et 2005 pour les autres.
(Source : Les Echos)
NDLR : Ainsi naquit la NAO, ou négociation annuelle obligatoire.
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